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Chapitre 2. Défauts de vascularisation utéro-placentaire chez la femme

2.3 Problématique clinique actuelle

La prééclampsie (PE) et le retard de croissance intra utérin (RCIU) sont deux

pathologies placentaires qui représentent deux des principales complications de la

grossesse aujourd'hui en occident. Un défaut de vascularisation utéro-placentaire est

présent dans ces deux pathologies. A court terme, les probabilités de développer des

complications maternelles, fœtales et périnatales graves sont élevées chez les

patientes présentant une PE et/ou RCIU [91]. A long terme, les mères ayant présenté

une PE sont à risque accru de développer des maladies cardiovasculaires [21], les

enfants avec RCIU ont un risque plus élevé de présenter des troubles cognitifs, des

symptômes d’hyperactivité et un déficit de l’attention à 5 ans. Ils ont également plus

de risques de présenter un retard scolaire à l’âge de 8 ans. A l’âge adulte, ces enfants

sont plus à risque de développer des maladies cardiovasculaires, une hypertension,

une intolérance au glucose, un diabète, une dyslipidémie et une obésité [85].

Nous ne disposons pas de test de dépistage utile en clinique tant pour la PE

que pour le RCIU. Il n’existe pas de diagnostic pré-clinique. Lorsque le diagnostic de

PE et/ou de RCIU est réalisé, il n’existe pas de traitement étiologique. La prise en

charge symptomatique permet de prolonger temporairement la grossesse mais le seul

traitement de la PE consiste en l’arrêt de la grossesse. Pour le RCIU, la prise en

charge consiste à la mise en place d’une surveillance fœtale dont le but est d’éviter la

mort fœtale in utero tout en limitant la prématurité induite. L’identification de tests de

dépistage ou de diagnostic précoces est un objectif majeur, et un préalable nécessaire

à l’évaluation de nouveaux traitements préventifs ou étiologiques. De nombreuses

pistes ont été explorées, avec malheureusement une majorité d’échecs. Seuls deux

traitements préventifs ont fait la preuve de leur intérêt en cas d’antécédent personnel

de PE ou de RCIU sévères et précoce: l’aspirine à dose nourrisson et la

supplémentation calcique chez les femmes carencées [92].

Un test présentant une valeur prédictive élevée de survenue de PE/RCIU en

population générale pourrait permettre d’obtenir une diminution spectaculaire de la

PE sévère, des RCIU, de la prématurité induite et de la mortalité périnatale en

administrant les traitements préventifs validés à des femmes réellement à «

haut-risque ». Il est admis que l’administration d’aspirine à faible dose chez les patientes à

haut risque semble diminuer significativement le risque de PE, de RCIU, de

prématurité et de mortalité périnatale si elle est réalisée avant 16SA [93]. Par

conséquent, une prédiction précoce, c’est à dire au premier trimestre, paraît

primordiale.

Les tests de dépistage explorés jusqu’ici présentent des valeurs prédictives

faibles et n’ont pas fait la preuve de leur intérêt clinique. Les outils de prédiction

évalués sont cliniques, biologiques ou échographiques. Ces différentes approches sont

aujourd’hui le plus souvent combinées. Les scores cliniques incluent les antécédents

personnels de PE et/ou de RCIU, l’obésité, l’existence d’une hypertension, d’un

diabète. Ils n’ont pas permis à ce jour de mettre en évidence un bénéfice à la mise en

place d’un traitement préventif. L’intérêt d’un modèle de survie a été récemment

évalué. Il était supposé que si la grossesse pouvait durer indéfiniment, toutes les

femmes développeraient une PE [94]. Le risque de développement d’une PE avant un

âge gestationnel déterminé était alors évalué. Dans ce modèle, l’âge gestationnel

moyen pour la survenue d’une PE était estimé à 54 SA avec un écart-type de 6,9

semaines. Certaines variables, y compris l’âge maternel de plus de 35 ans, un BMI

élevé, l’origine afro-caribéenne et sud-asiatique, un antécédent de PE, une

fécondation in vitro, des antécédents médicaux d’hypertension chronique, de diabète,

de lupus érythémateux ou de syndrome des antiphospholipides augmentaient le risque

de PE. Le taux de détection des PE survenant avant 34, 37 et 42 SA par différents

facteurs maternels étaient respectivement de 36%, 33% et 29% avec un taux de faux

positifs de 5%. Ils étaient de 51%, 43% et 40% avec un taux de faux positif de 10%

[94].

De nombreux marqueurs biologiques ont été étudiés, les marqueurs de risque

d’aneuploïdies et marqueurs liés à l’angiogenèse placentaires étant les plus courants.

L’alpha foetoprotéine (maternal serum alpha fetoprotein, AFP), l’hCG, l’inhibine et

l’oestriol non-conjugué (uE3), la PAPP-A (pregnancy-associated plasma protein A)

et l’ADAM-12 (A Disintegrin And Metalloprotease 12) peuvent ainsi être cités. La

valeur prédictive de ces différents marqueurs reste trop faible pour permettre une

utilisation en pratique courante [95].

Les marqueurs liés à l’angiogenèse les plus étudiés sont le sFlt-1 (maternal

circulating soluble fms-like tyrosine kinase 1), le PlGF, la sEng (soluble endoglin). La

combinaison de marqueurs d’angiogenèses avec le Doppler de l’artère utérine au 2

ème

trimestre semble améliorer le taux de prédiction pour la PE précoce (Doppler seul vs

combinaison avec sEng : sensibilité 60% vs 80%, spécificité 66,7% vs 43%) [96].

Une combinaison inhibine A, activine A, PlGF et Doppler de l’artère utérine au 2

ème

trimestre a présenté un taux de prédiction de la PE élevé avec une sensibilité de 93%

et une spécificité de 80%, avec AUC de 0,941 [97]. D’autres marqueurs biologiques

tels que l’IGF (insulin-like growth factor), la SP1 (pregnancy-specific

beta1-glycoprotein), l’HPL (human placental lactogen)… semblent également être corrélés

avec le risque de survenue de PE et/ou de RCIU, mais leurs valeurs prédictives restent

à évaluer.

Le marqueur échographique le plus performant actuellement évalué en

clinique est le Doppler de l’artère utérine (approche détaillée dans le chapitre 3.2.1).

La valeur clinique de l’étude du spectre de l’artère utérine est cependant encore

insuffisante [98]. Un dépistage précoce de la PE et du RCIU permettant un traitement

préventif par aspirine à faible dose chez les femmes à haut risque est un objectif

actuellement évalué dans deux études randomisée multicentriques en cours en Europe

[99,100].

Résumé

Les pathologies vasculaires placentaires (PVP), prééclampsie (PE) et RCIU, sont

des causes majeures de morbidité et de mortalité maternelle et périnatale en France

et dans les pays développés. Un défaut de vascularisation utéro-placentaire est

présent dans ces deux pathologies. Cependant, PE et RCIU ne peuvent être

totalement agrégés au sein d’un même ensemble physiopathologique. Une

meilleure compréhension des mécanismes de la placentation normale et anormale

reste nécessaire.

L’objectif clinique majeur à court terme est le développement de tests de dépisatge

précoce pour la PE et le RCIU. Seul un dépistage précoce pourra permettre une

administration d’aspirine à faible dose chez les femmes à haut risque. Les défauts

de vascularisation utéro-placentaire sont au centre des mécanismes

physiopathologiques de la PE et du RCIU. De nouveaux outils d’évaluation in vivo

doivent ainsi être mis en œuvre.