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Chapitre 1. Le placenta humain

1.2 Mise en place de la circulation maternelle

1.2.1. Etat hors grossesse

L’artère utérine, principale branche de l’artère iliaque interne, assure la

vascularisation de la majeure partie de l’utérus. Les artères utérines gauche et droite

montent le long du coté latéral de l’utérus dans le ligament large, et se terminent en

s’anastomosant le plus souvent avec l’artère ovarienne. Les artères utérines se

divisent pour donner des artères arquées qui passent et pénètrent dans le myomètre.

Les artères arquées se divisent presque immédiatement en branches antérieures et

postérieures qui circulent de manière circonférentielle entre l’extérieur et le tiers de

l’épaisseur du myomètre. Au cours de leur parcours, les artères arquées donnent des

artères radiaires qui traversent le myomètre et se dirigent vers le lumen de l’utérus.

Quand elles approchent de la frontière myomètre-endomètre, chaque artère radiaire

donne une branche latérale. Naissent alors des artères basales puis spiralées qui

vascularisent l’endomètre (Figure 3).

Figure 3. Schéma de la vascularisation artérielle de l’utérus humain non gravide. 1. Artère spiralée; 2. Artère basale; 3. Artère radiée; 4. Artère arquée. Image de Tsatsaris [16].

1.2.2. Remodelage des artères spiralées pendant la grossesse

Les parois des artères spiralées et radiaires contiennent une grande quantité de muscle

lisse avec une innervation autonome, par conséquent, elles sont très sensibles aux

stimuli adrénergiques exogènes et endogènes. Très développées à la fin du cycle

menstruel, les artères spiralées subissent en cas de grossesse une transformation

progressive en artères utéro-placentaires particulièrement dans la zone d’implantation

du blastocyste, en rapport avec l’invasion du trophoblaste extravilleux [17]. Au cours

du premier trimestre, les artères spiralées sont remodelés et se transforment en

conduits flasques.

Le remodelage des artères spiralées est un processus physiologique crucial

pour le bon développement et la bonne croissance du fœtus. Ce remodelage peut être

schématiquement divisé en trois étapes [17]:

- le remodelage vasculaire myométrial indépendant de l’invasion

trophoblastique ;

- le remodelage vasculaire induit par des facteurs diffusibles issus du

trophoblaste invasif ;

- le remodelage induit par une interaction directe entre le trophoblaste

invasif et les composants de la paroi artérielle.

Dès 5 semaines d’aménorrhée (SA), les modifications structurelles telles que

la vacuolisation endothéliale, la désorganisation des cellules musculaires lisses et la

dilatation luminaire surviennent dans la zone d’implantation dans la portion dédicuale

non concernée par la placentation. Ces modifications seraient dues à des facteurs

hormonaux circulant maternels.

D’autre part, les facteurs angiogéniques sécrétés par les cellules

trophoblastiques pourraient être impliqués dans le remodelage vasculaire, tels que

vascular endothelial growth factor-A (VEGF-A), placental growth factor (PlGF),

VEGF-C. L’angiogénine est aussi un facteur angiogénique produit par le trophoblaste

invasif. L’hCG (human Chorionic gonadotropin) produite par le cytotrophoblaste

villeux et extravilleux possède également des propriétés angiogéniques similaires à

celle du VEGF et du récepteur de l’hCG. Tous ces éléments suggèrent que des

facteurs trophoblastiques sont directement impliqués dans des processus

d’angiogenèse utérine et de remodelage des vaisseaux utérins indépendamment de

l’invasion de la paroi des vaisseaux par les cellules trophoblastiques [16].

Le remodelage vasculaire par le trophoblaste induit une interaction directe

entre le cytotrophoblaste extravilleux (CTEV) et les composants de la paroi artérielle

(cellules musculaires lisses et cellules endothéliales).

Les CTEV, situés à la base de la villosité crampon (Figure 4), apparaissent

comme des colonnes de cellules polarisées, agrégées les unes aux autres, reposant sur

une lame basale. Elle sont initialement prolifératives puis elles perdent leur caractère

prolifératif et se différencient en cytotrophoblastes invasifs, à la partie distale de la

colonne. Ces cellules, extrêmement invasives, colonisent l’endomètre et le myomètre

superficiel. Cette invasion, définie comme interstitielle, se termine en profondeur par

la formation de cellules géantes multinucléées. Dans la grossesse normale, les CTEV

envahissent le premier tiers de l’épaisseur de l’endomètre utérin. Les CTEV migrent

vers les lumières des artères spiralées, forment un « bouchon » trophoblastique et

pénètrent dans les parois des artères.

Figure 4. Représentation schématique de la villosité crampon. A: villosité choriale et plugs endovasculaires en place (flèche), empêchant l’inondation de la chambre intervilleuse par le sang maternel en début de grossesse. B : Un type de villosité baigne librement dans la chambre intervilleuse (villosité flottante), l’autre type de villosité est ancrée dans l’endomètre maternel (villosité crampon). Les bouchons endovasculaires disparaissent progressivement ce qui permet l’entrée du sang maternel dans la chambre intervilleuse. (Image de Mme Le Dr A. Tarrade).

Au premier trimestre, la chambre intervilleuse est faiblement transfusée par le

sang maternel et hypoxique. Grâce à l’analyse anatomique et échographique effectuée

par Schaaps et al, il a été montré que les « bouchons » trophoblastiques des artères

spiralées limitent la perfusion de la chambre intervilleuse par le sang maternel jusqu’à

12 SA environ [18]. En outre, un blocage significatif des artères spiralées par les

trophoblastes entre 6 et 8 SA a été vérifié par Burton et al. Ces bouchons seraient

progressivement éliminés entre 8 et 12 SA [19]. La pression d’oxygène dans la

chambre intervilleuse au premier trimestre a été également évaluée par Jauniaux et al :

la pression d’oxygène augmente fortement de <20mm Hg à 8SA à >50mmHg à 12SA

[20], en accompagnant une augmentation des défenses antioxydantes (catalase,

superoxyde dismutase). Une entrée prématurée de sang maternel dans la chambre

intervilleuse a été également démontrée comme un facteur responsable d’une

interruption de la grossesse [20]. Néanmoins, le timing exact de la perfusion dans la

chambre intervilleuse par le sang maternel reste inconnu.

Les CTEV proviendraient soit des cytotrophoblastes extravilleux invasifs

interstitiels ayant envahi la paroi artérielle, soit des amas trophoblastiques

endovasculaires qui obturent les artères spiralées. Ces deux phénomènes sont associés

à la conversion physiologique des artères spiralées, bien que les mécanismes

moléculaires ne soient pas encore clairs. Au cours de ce processus, les artères perdent

leur tunique musculaire lisse et leur lamina élastique, les cellules endothéliales

maternelles sont remplacées par les trophoblastes extravilleux. En conséquence, les

artères se dilatent et deviennent atones, insensibles aux éléments vasoactifs

[17](Figure 4). Ramsey et al ont effectué des reconstructions en trois dimensions des

artères spiralées à partir de spécimens d’hystérectomies à différents stades de la

grossesse dans les années 60 [21]. Les parties terminales des artères spiralées

apparaissaient très dilatées jusqu’à 2 ou 3 mm de diamètre. Les segments dilatés

forment une chambre en forme d’entonnoir qui s’ouvre à travers la plaque basale avec

un orifice en forme de fente. La taille du segment terminal des artères spiralées est

augmentée d’un facteur 4 par rapport aux segments intra-endométriaux.