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4.2 Cas du film mince sur un substrat absorbant

4.2.2 Problème hydrodynamique

Dans la partie qui suit, on cherche à déterminer le profil du film h(r, t) lorsque l’on impose le champ de température θ(r) calculé précédemment à la surface libre du film :

θ(r) − θ0 = θmaxe r2 w2 0I0 r 2 w2 0 ! avec θmax= √ P 2πΛsw0 (III.74) On rappelle que l’on s’intéresse au cas d’un film mince dont l’épaisseur initiale h0 est très faible devant la largeur du faisceau laser w0. Or d’après (III.74), la longueur caractéristique sur laquelle le profil de température varie est égale à w0. La longueur transversale caractéris-tique sur laquelle le liquide est entraîné est donc largement supérieure à l’épaisseur du film, dans ce cas les équations de Navier-Stokes qui gouvernent l’écoulement se simplifient forte-ment. Il s’agit de l’approximation de lubrification. En coordonnées cylindriques, les équations s’écrivent : −∂p ∂r + η2Vr 2z = 0 (III.75) ∂p ∂z = 0 (III.76)

Remarque : Nous avons vu que l’élévation maximale de température dans le film est de seulement quelques degrés. On peut supposer que la viscosité et la masse volumique du li-quide sont des constantes. Seule la dépendance de la tension de surface avec la température est prise en compte dans le problème.

Si on néglige l’effet de la gravité, la pression dans le film dépend uniquement de r, la vitesse du fluide est purement radiale. D’après (III.75), le profil des vitesses radiales est pa-rabolique. On détermine ce profil grâce aux conditions aux limites suivantes :

A l’interface film/substrat (z = 0), on suppose qu’il n’existe aucun glissement entre le fluide et la paroi : Vr = 0. A la surface libre (z = h) doit être vérifiée la condition à la limite (III.65), la contrainte tangentielle globale doit être nulle. Dans la limite où les pentes sont faibles (∂rh 1), cette condition s’écrit :

∂γ ∂r − η ∂Vr ∂z z=h= 0 (III.77)

En utilisant ces conditions aux limites, on calcule le profil de vitesse radiale : Vr(z) = 1 η " ∂p ∂r z2 2 − hz ! +∂γ ∂rz # (III.78)

Remarque : Lorsque l’écoulement dans le film est stationnaire, quel que soit r, le dé-bit dans le film doit être nul, Rh

0 Vr(z)dz = 0. Dans ce cas, la vitesse radiale s’écrit : Vr = 1

∂γ

∂rz3z2h−1

. Les extremums de la vitesse du fluide sont atteints en z = h (à la surface libre) et en z = h/3. Le rapport des vitesses extremums est égale à −3. On retrouve le rapport observé expérimentalement sur la figureIII.35.

Pour déterminer la vitesse du fluide, il est nécessaire de connaître le gradient radial de pression. La pression dans le film s’obtient à partir de l’écriture des contraintes normales exercées sur la surface libre :

p − p0 = γκ (III.79)

où p0 est la pression atmosphérique. Dans cette expression on a négligé le terme de pression hydrostatique ρgh par rapport au terme de pression de Laplace γκ. κ = 1

rrr∂rh

1+(∂rh)2 est le double de la courbure moyenne de l’interface en coordonnées cylindriques. Le gradient radial de pression dans l’expression (III.78) dépend donc du gradient de la courbure de la surface libre. Au premier instant de l’effet thermocapillaire, lorsque la surface libre n’est pas encore déformée (z = h), le gradient de pression est nul et le profil des vitesses est linéaire, il s’agit d’un écoulement de cisaillement. Puis, lorsque la surface libre se déforme, il existe un gradient radial de pression, l’écoulement est la superposition d’un écoulement de cisaillement et d’un écoulement de Poiseuille. L’écoulement de Poiseuille induit par la déformation de la surface libre s’oppose à celui généré par l’effet thermocapillaire. Il s’agit du contre-écoulement.

On détermine les variations temporelles de l’épaisseur du film grâce à l’équation de conti-nuité. En coordonnées cylindriques, l’équation de continuité s’écrit :

∂h ∂t +1

r

∂r(r hVrizh) = 0 (III.80)

Le gradient de débit volumique doit entraîner une variation d’épaisseur de hauteur du film par conservation et incompressibilité de la matière. D’après (III.78), l’équation de continuité s’écrit : ∂h ∂t +1 η 1 r ∂r  rh2 1 2 ∂γ ∂r h 3 ∂p ∂r  = 0 (III.81)

Où p est définie d’après (III.79) où la tension de surface γ est une fonction de la position r telle que :

∂γ

∂r = γθ∂θ

∂r (III.82)

Où γθ désigne la variation de la tension de surface avec la température (γθ <0).

rap-port à l’écoulement généré en surface par l’effet thermocapillaire, on adimensionne l’équa-tion (III.81). Pour cela, on utilise les variables adimensionnées suivantes :

R= r w0, H = h h0, Θ = θ − θ0 θmax et T = γ0h30t 3ηw4 0 (III.83) Et en supposant que ∂h/∂r  1, on obtient :

TH+ A1 RR  RH2 − 1 RR  RH3R 1 RR(R∂RH)= 0 (III.84) où A= 32θmax γ0 γθ w20 h2 0 (III.85) est un nombre sans dimension. Ce nombre dépend de l’élévation de température θmax, de la tension de surface γ0, de la variation de la tension de surface avec la température γθ et du rapport des deux longueurs du problème. En fonction de la valeur de A, l’effet du contre-écoulement (dû à la pression capillaire) sur l’amincissement du film au cours du temps est plus ou moins important. Le cas le plus simple à décrire correspond à |A|  1. On peut imaginer atteindre ce cas de deux façons : lorsque pour une largeur de faisceau donnée, l’élévation de température est suffisamment importante, ou lorsque pour une élévation de température donnée, la largeur du faisceau est suffisamment grande. Dans ces deux cas, le contre-écoulement est négligeable, on peut décrire la variation du profil en supprimant le dernier terme de l’équation (III.84). Dans ce cas, la déformation de l’interface n’influence pas la vitesse à laquelle s’amincit le film.

Lorsque |A|  1, on peut facilement calculer la vitesse à laquelle varie l’épaisseur du film au centre du faisceau (R = 0). D’après (III.74), lorsque R  1, la température varie comme une fonction gaussienne, Θ ≈ e−R2

. Et en tenant compte de la parité du profil, on obtient d’après (III.84) :

TH −4AH2 = 0 (III.86)

Soit avec les variables non adimensionnées :

th= 2θmaxγθ w20η h

2 (III.87)

Puisque γθ <0, on a bien une diminution de l’épaisseur au cours du temps. L’épaisseur du film décroît de moins en moins vite au cours du temps et tend asymptotiquement vers zéro, h(t) ∝ 1/t.

négligeable par rapport à l’effet moteur thermocapillaire. En effet, au premier instant, l’in-terface est parfaitement horizontale, la vitesse d’amincissement du film est donc identique à celle calculée pour |A|  1. Mais lorsque l’épaisseur du film diminue localement, le gradient de pression dû à la courbure de l’interface crée un contre-écoulement qui s’oppose à l’effet thermocapillaire. Ce contre-écoulement va sensiblement ralentir la vitesse d’amincissement du film. Puisque la vitesse à laquelle varie l’épaisseur du film dépend de la forme de l’inter-face, il n’est plus possible de calculer directement la vitesse ∂th comme précédemment. Une question intéressante est de savoir s’il existe un état stationnaire du problème, c’est-à-dire s’il existe un profil pour lequel le contre-écoulement compense exactement l’écoulement en surface. D’après (III.84), ce profil doit vérifier l’équation :

A∂RΘ = H∂R1

RR(R∂RH) (III.88)

Le terme de gauche correspond à l’effet moteur, il est positif quel que soit R. En effet, la température est une fonction monotone décroissante de R, l’effet thermocapillaire tend à expulser la matière vers l’extérieur quel que soit R. Le terme de droite correspond au contre-écoulement. Son signe est identique à celui du gradient de la courbure. Or il n’existe pas de profil tel que le gradient de sa courbure soit de même signe quel que soit R. Autrement dit, la pression capillaire ne pourra jamais compenser l’écoulement induit par l’effet thermoca-pillaire. Il n’existe pas d’état stationnaire possible. Ainsi, même si l’on applique un faible gradient de température à la surface libre (|A|  1), l’épaisseur du film va toujours décroître et tendre vers zéro.

Pour connaître les profils de déformation de la surface libre induit par l’effet thermoca-pillaire, on résout numériquement l’équation différentielle (III.84). On calcule pas à pas le profil en utilisant la méthode de Runge-Kutta d’ordre 4. Dans un premier temps, nous allons étudier le cas simple où |A|  1. Puis nous étudierons le cas plus complexe où |A| < 1.

Sur la figure III.38, on représente les profils H(R) obtenus pour A = 10 à trois différents instants. Le profil de la température Θ utilisé pour calculer ces profils est également repré-senté sur la figure. Il s’agit du profil de température définit d’après l’équation (III.74). Dans un premier temps, un creux se forme uniquement sous le faisceau, |r| ≤ 0. La matière préle-vée au centre s’accumule en périphérie sous la forme d’un bourrelet. Puis lorsque l’épaisseur du film devient très faible, la largeur du creux s’agrandit. Il existe toujours un bourrelet en périphérie. Grâce à la simulation, on peut suivre l’évolution au cours du temps de l’épaisseur du film en R = 0. On vérifie la relation (III.86) calculée précédemment. On vérifie également la relation linéaire entre la vitesse d’amincissement et l’élévation de la température.

Figure III.38Profils H(R) obtenus en calculant numériquement l’équation différentielle (III.84) pour A = 10. On représente le profil de température Θ(R) défini d’après l’équation (III.74), utilisé pour calculer ces profils.

Sur la figureIII.39, on représente les profils H(R) obtenus pour A = 0.01 à trois différents instants. Dans ce cas, dès le début de la déformation de la surface libre, le creux formé ne se limite pas à la zone |r| < w0. La matière prélevée au centre est redistribuée sur l’ensemble du film, il n’existe pas de bourrelet. La capillarité limite la courbure de la surface libre et ralentit fortement la vitesse à laquelle diminue l’épaisseur. En R = 0, la courbure n’évolue pas entre les différents profils. On peut suivre l’évolution de l’épaisseur du film en R = 0 au cours du temps. Contrairement au cas A = 10, il n’existe pas de loi d’échelle de la forme ∂TH ∝ Hα.

Cette analyse a montré que la forme de la surface libre et la vitesse à laquelle diminue l’épaisseur du film dépendent de la valeur d’un paramètre sans dimension A. Ce nombre sans dimension peut être vu comme le rapport entre l’écoulement en surface dû à l’effet thermocapillaire et l’écoulement en profondeur dû au gradient de la courbure de l’interface. Dans le cas où A  1, le contre-écoulement est négligeable, il existe une loi d’échelle entre la vitesse d’amincissement et l’épaisseur du film (˙h ∝ h2). Dans le cas où A  1, le contre-écoulement ralentit violemment le démouillage, la vitesse à laquelle s’amincit le film dépend de la forme de la surface libre. Quelle que soit la valeur de A, il n’existe pas d’état stationnaire, l’épaisseur du film tend toujours vers zéro. Dans le paragraphe suivant on présente les résultats des expériences effectuées avec un film mince dont on mesure l’épaisseur h(t) au cours du démouillage.

Figure III.39Profils H(R) obtenus en calculant numériquement l’équation différentielle (III.84) pour A = 0.01. On représente le profil de température Θ(R) défini d’après l’équation (III.74), utilisé pour calculer ces profils.