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La problématique de la formation initiale à l’enseignement des mathématiques se situe non pas dans un cadre d’acquisition mais bien de transformation d’une pratique pédagogique déjà présente à l’entrée du programme et stable et cohérente très tôt dans le processus (Bednarz et Perrin-Glorian, 2004). Pour la formation initiale, il s’agit d’insuffler un mouvement de restructuration de la pratique professionnelle en fonction de deux enjeux principaux. D’abord, il nous faut situer la pratique dans les contextes réels d’exercice pour favoriser le développement d’un savoir d’action adapté aux situations singulières liées à l’enseignement des mathématiques. Puis, il nous faut répondre à l’enjeu didactique lié à l’une des missions sociales prescrites de la future enseignante qui est de favoriser le développement chez les élèves d’apprentissages mathématiques efficients et porteurs de sens18. Comme l’a soulevé Bauersfeld (1994), le problème pour la formation n’en est pas un d’entrainement à certaines habiletés pédagogiques et didactiques, il est plutôt lié au développement chez la future enseignante « d’une acuité de l’attention et de la conscientisation de même qu’à la qualité de sa préparation » (p.91) dans la perspective d’une pratique d’enseignement qui permet de satisfaire les enjeux identifiés précédemment.

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Le problème retenu qui sera étudié ici concerne le dispositif de formation qu’est le stage dans le cadre duquel milieux universitaire et scolaire sont appelés à collaborer pour la formation des futures enseignantes. Une collaboration qui, à l’UQAT, permet la rencontre entre praticien et didacticien. Cette opportunité qui nous est offerte en tant que didacticienne d’agir comme superviseure universitaire en stage est d’autant plus riche qu’il s’agit là d’un contexte encore trop peu exploité dans la majorité des universités québécoises. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, s’il est assez fréquent de voir les didacticiens intervenir sur le terrain pour la formation au secondaire, ils ne sont habituellement pas impliqués dans les stages au primaire, et ce, malgré les recommandations de plusieurs didacticiens des mathématiques et des instances ministérielles pour renverser cette tendance (MEQ, 2001b; Gattuso, 2000).

Il nous apparaît dès lors pertinent d’étudier dans ce contexte particulier de quelles manières s’expriment les enjeux didactiques, comment ils sont considérés et traités par les différents acteurs de la formation. Notre questionnement de recherche touche donc cette médiation de formation particulière qui s’organise à travers les interactions entre la stagiaire, son enseignante-associée et la superviseure universitaire qui est également didacticienne des mathématiques. Quel potentiel portent ces échanges entre ces trois acteurs du stage en regard du développement d’une pratique à l’enseignement des mathématiques par les stagiaires? Les expertises praticienne et didacticienne qui s’y rencontrent, permettent-elles l’émergence d’objets de réflexion, non seulement liés aux impératifs du contexte de classe, mais aussi liés aux apprentissages mathématiques des élèves qui mériteraient d’être abordés afin d’enclencher un changement souhaitable de la pratique de la stagiaire pour l’enseignement des mathématiques?

Au-delà de la recommandation de la présence des didacticiens sur le terrain des stages il nous faut pouvoir inscrire leur apport dans une certaine perspective et y expliciter leur rôle. Il y a là un besoin d’une certaine conceptualisation du développement des compétences professionnelles pour l’enseignement des mathématiques dans le contexte du

stage et du rôle des formatrices et ce, dans l’optique du développement de la dimension didactique de la pratique des stagiaires. Nous envisageons ce qui émerge des situations professionnelles vécues en stage et leur interprétation par les différents partenaires de formation (stagiaire, enseignante-associée, superviseure universitaire) comme une contribution potentielle à la structuration d’une certaine pratique enseignante. Cela nécessite que soit précisée la perspective dans laquelle nous envisageons le développement des compétences professionnelles et le rôle qu’y tiennent les acteurs impliqués en stage. Le prochain chapitre offrira quelques balises théoriques afin de mieux cerner notre questionnement.

Deuxième chapitre : Cadre conceptuel

Les fondements liés à la pratique d’enseignement des mathématiques et au rôle de la médiation sociale dans son développement en situation de formation en stage

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que notre intérêt de recherche porte sur la formation à l’enseignement des mathématiques au primaire dans le cadre des stages, plus particulièrement sur le rôle de la médiation sociale en regard du développement chez la stagiaire d’une pratique pour l’enseignement des mathématiques. Nous nous intéressons, en effet, à ce qui s’organise dans le cadre des échanges entre la stagiaire, l’enseignante- associée et la didacticienne-superviseure universitaire au sujet des situations d’enseignement-apprentissage des mathématiques vécues en stage par la stagiaire. Il est donc question de décrire le plan social de la situation de formation c.-à-d. ce qui émerge des interactions entre les praticiennes (chevronnée et en formation) et la didacticienne.

Les questions touchant la pratique enseignante, son développement et les situations de formation la concernant ont nécessité une prise en compte de plus en plus grande de la complexité que représentent ces phénomènes (Laborde, GDM 2008). Conséquemment, le traitement de ces questions a appelé des analyses rendues possibles par un cadrage multiréférentiel (Bednarz, 2001; Robert, 2001; Roditi, 2003). C’est pourquoi notre questionnement de recherche, même s’il se pose en lien avec la didactique des mathématiques, sera balisé à partir d’hypothèses de travail empruntées à d’autres sources théoriques.

D’abord, parce que notre intérêt se porte sur une pratique professionnelle (formation initiale à l’enseignement en stage) qui a pour but le développement d’une autre pratique professionnelle (enseignement des mathématiques au primaire) il nous apparaît primordial de préciser le positionnement épistémologique adopté au sujet de la pratique professionnelle de l’enseignement. Pour ce faire, nous ferons appel aux théories de l’action et aux cadres théoriques associés à l’ergonomie cognitive. Ensuite, puisqu’il s’agit d’un contexte de formation, il nous est essentiel de camper le cadre théorique qui nous permet de parler du développement professionnel concerné par cette formation. C’est aux concepts de la didactique professionnelle que nous faisons appel pour cerner les objets de formation et

les processus en jeu dans leur développement. Puis, comme la médiation sociale est au cœur de notre questionnement, nous allons situer son rôle dans le dispositif de formation professionnelle qu’est le stage en interpellant la théorie socio-culturelle du développement de Vygotski. Finalement, parce que cette pratique d’enseignement qui est l’objet de la formation concerne une discipline spécifique – les mathématiques – nous ferons référence également à un certain cadre de la didactique des mathématiques.

2.1 Fondements relatifs au métier et aux savoirs enseignants