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Prise en compte des déformations différées

6.4 Vérification de la tenue mécanique

6.4.4 Prise en compte des déformations différées

Les simulations numériques précédentes se basaient sur un état de contrainte repré-sentatif de l’état initial de la structure après la mise en tension des câbles. Aucunes pertes de précontrainte provoquées par les déformations différées du béton n’étaient alors prises en compte. Néanmoins, des déformations différées relativement élevées dans le matériau béton ont pu être relevées sur certaines enceintes de confinement en France [Ragouin,

2014]. Elles peuvent atteindre des valeurs de l’ordre de -1800◊10≠6 dans la direction ortho-radiale après 40 ans de mise en service (somme de la déformation élastique et des déformations différées).

La perte de tension associée dans les câbles est de l’ordre de 300 MPa. Il en résulte une diminution de la contrainte de compression dans le matériau béton d’environ 25 %. Cet état modifié de compression est irréversible dans le cas adhérent. À l’inverse, par la re-tension des torons non-adhérents TGG, l’état de contrainte initial peut être garanti au cours de la vie de l’ouvrage.

Le comportement mécanique des configurations TA - cas 2 et TGG - cas 2 est ainsi ré-évalué à partir de ce nouvel état de contrainte. Les résultats sont présentés sur la figure 6.12. Sans commenter le comportement évolutif à la fissuration des deux structures, il est important de noter que les deux solutions technologiques garantissent toujours le maintien structurel de l’enceinte lors d’un accident APRP. Néanmoins, la marge de sécurité pour la configuration adhérente est fortement diminuée par l’influence des déformations différées du béton sur la structure. La solution par torons gainés graissés TGG permet de répondre, grâce à une re-tension des câbles de précontrainte, aux exigences de sûreté et de durabilité des installations. Les déformations différées pourraient être en effet compensées

en permanence par la précontrainte au cours de la durée d’exploitation de l’enceinte de confinement. 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 0 10 20 30

Sur-pression interne [MPa]

S omme d es ou ver tu res mo yen n es d e fi ssu res [cm] TA - cas 2 TGG - cas 2 APRP

Fig. 6.12 Comportement mécanique d’une enceinte soumise à une pression interne avec prise en compte des déformations différées : déformations totales de -1800◊10≠6 après 40 ans .

6.5 Conclusion

Ce chapitre portait sur l’étude du comportement mécanique d’une partie courante d’enceinte de confinement. Deux dimensionnements caractérisés par une précontrainte adhérente ou non-adhérente TGG étaient comparés.

Il ressort tout d’abord de l’analyse que la section de précontrainte peut être diminuée d’environ 15 % dans le cas TGG par rapport à la solution adhérente. Ceci est la consé-quence d’une meilleure répartition de la tension le long des câbles grâce à la diminution des pertes par frottement. La solution non-adhérente présente ainsi un atout économique certain pour ce type de structures au regard des sections de précontrainte mises en jeu. À partir des simulations présentées, deux points majeurs ont pu être identifiés :

1. Dès lors qu’une fissuration généralisée de la structure peut advenir (sans localisation préférentielle de la fissuration), il y a lieu de considérer la sur-tension des torons non-adhérents TGG pour l’analyse du comportement à la fissuration des structures. 2. L’interface torons - coulis d’injection n’a qu’une influence négligeable sur le

pré-sent cas d’étude avec précontrainte adhérente. La dégradation généralisée du coulis d’injection dans la phase de pré-fissuration en est la raison.

Les deux solutions de précontrainte garantissent de manière similaire la résistance struc-turelle et l’étanchéité de l’enceinte sous un chargement de sur-pression interne croissante : – en négligeant les déformations différées, le comportement à la fissuration pour les deux simulations est relativement similaire. La fissuration s’initie à une valeur de sur-pression d’environ 0.75 MPa et se généralise ensuite sur le pourtour de la structure. Seule une légère augmentation des valeurs d’ouvertures de fissures est observée dans le cas non-adhérent ;

– par la re-tension des torons TGG, la solution non-adhérente permet de garantir une marge de sécurité importante par rapport à la sur-pression de dimensionnement APRP sur la durée de mise en service de l’enceinte.

La prise en compte du chargement thermique (montée en température à 150 degrés Cel-sius) devra faire l’objet d’une étude supplémentaire afin de prédire la marge de sécurité admissible de l’enceinte lors d’un accident de type APRP.

En conclusion, pour le dimensionnement d’une partie courante d’enceinte de confinement, le cas de charge APRP ne dimensionne pas la section d’armatures passives. Il ne semble donc pas nécessaire de proposer un supplément de section d’armatures passives pour compenser l’absence d’adhérence des torons TGG. La sur-tension globale des torons doit néanmoins être intégrée dans les calculs réglementaires pour une meilleure prédiction du comportement mécanique de la structure d’étude.

L’étude doit être poursuivie sur des parties plus spécifiques de l’enceinte. Au niveau des sas d’accès matériel par exemple, la déviation des câbles de précontrainte provoque un état de contrainte plus perturbé et une localisation préférentielle de la fissuration du béton. Il conviendra ainsi d’analyser l’influence des deux solutions de précontrainte dans ces zones.

Enfin, nous n’avons pas proposé dans cette partie de critères locaux de comparaison tels que l’évolution de l’ouverture maximale des fissures ou du nombre de fissures par exemple. Ils demandent une meilleure description de la structure (Chapitre 4 et 5) pour être prédictifs et une grande finesse de maillage pour être réalistes.

Conclusion générale

L’objectif premier de ces travaux était d’étudier le comportement mécanique de struc-tures précontraintes par post-tension et d’évaluer l’influence de la technologie de pré-contrainte utilisée : prépré-contrainte adhérente au coulis d’injection et prépré-contrainte non-adhérente avec torons gainés graissés. Vis-à-vis des critères de sûreté et de durabilité adjoints aux installations nucléaires et à l’enceinte de confinement du bâtiment réacteur, l’attention a été portée principalement (i) sur l’évolution de la fissuration des structures soumises à des chargements mécaniques divers et (ii) au rôle de l’interface torons de précontrainte - structure sur ce même comportement.

De façon schématique, les structures étudiées sont un assemblage de trois composants : le matériau béton, les câbles de précontrainte et les armatures passives. L’analyse du comportement structurel doit donc intégrer le comportement à l’échelle locale des dif-férents composants et leur interaction au sein du système. La démarche proposée a été construite dans cette optique et a permis une analyse découplée des différents mécanismes de dégradation à l’échelle de la structure ou du matériau.

Échelle de la structure : élaboration d’une base de données expérimentales

Les chapitres introductifs identifiaient un manque de données expérimentales sur la dé-gradation locale des structures précontraintes. Ces travaux proposent une étude détaillée du comportement mécanique de six poutres précontraintes testées en flexion 4 points. Avec l’utilisation de systèmes multiples d’instrumentation, les résultats obtenus ont mis en lumière les éléments suivants :

1. La solution de précontrainte adhérente ou non-adhérente par TGG n’a pas mon-tré d’influence significative sur la réponse globale des éprouvettes. Seul le taux de ferraillage passif provoque une augmentation de la raideur structurelle en phase de fissuration et une augmentation de la résistance mécanique à rupture.

2. Une analyse de l’évolution de la fissuration par corrélation d’images numériques a été menée sur les six éprouvettes au cours du chargement. Sur la base de critères globaux (somme des ouvertures de fissures) ou locaux (nombre de fissures, ouverture maximale de fissures, somme au cube des ouvertures de fissures), il a été observé que le comportement à la fissuration n’était pas impacté par la solution de précontrainte considérée. L’augmentation du taux de ferraillage passif a mené, quant à elle, à une diminution de la somme des ouvertures de fissures et de l’ouverture maximale, sans modifications du faciès général (nombre de fissures constant d’une poutre à l’autre). La section d’armatures passives contrôlait, presque à elle seule, le processus de fissuration.

a été mis en évidence expérimentalement. En collaboration avec l’IFSTTAR, une méthode d’instrumentation par fibres optiques a été développée dans ces travaux. Le champ de déformation du toron peut être évalué au cours de la sollicitation méca-nique appliquée à la structure. Cette méthode se caractérise principalement (i) par sa faible intrusivité dans le système, (ii) par sa robustesse lors de la manutention, de l’installation et de la mise en tension du toron et (iii) par la haute résolution spa-tiale de l’interrogation. Les mesures obtenues ont permis de caractériser le caractère glissant sans frottement des torons non-adhérents TGG et l’absence de déformations localisées au droit des fissures pour les torons adhérents au coulis d’injection. Ce dernier point a été validé par une analyse qualitative de la dégradation progressive du coulis d’injection grâce à un capteur à fibres optiques coulé dans ce matériau.

Échelle locale : caractérisation expérimentale de la résistance aux interfaces

En parallèle, les comportements des interfaces torons adhérents - structure et arma-tures passives - béton ont été étudiés expérimentalement dans le but de quantifier loca-lement le transfert d’efforts des armatures vers le béton. Cette analyse à l’échelle locale est complémentaire par rapport à celle précédemment mentionnée à l’échelle de la struc-ture. Elle utilise en effet les mêmes matériaux (même gâchée de béton pour la fabrication de tous les spécimens de l’étude) et des géométries spécifiques dans un souci de repré-sentativité et de limitation de la variabilité. On retiendra de ces essais les conclusions suivantes :

1. Des essais d’arrachement ont été menés sur des torons ancrés dans une gaine de précontrainte injectée. Ils avaient pour objectif de caractériser de manière globale le transfert d’efforts du toron vers le massif béton par l’intermédiaire de l’interface toron - coulis, du matériau coulis et de l’interface coulis - gaine de précontrainte. La contrainte de cisaillement mesurée s’est avérée très faible ce qui ne permet pas de garantir un ancrage suffisant du toron adhérent au sein de la structure.

2. Des essais d’arrachement et des essais de traction sur tirants longs avec différents diamètres d’armatures passives HA ont permis de quantifier la résistance de l’inter-face armatures passives - béton et son influence sur le comportement à la fissuration du béton environnant. Des mesures par corrélation d’images numériques informent sur l’évolution de la fissuration au cours du chargement de traction. Des mesures par fibres optiques sur la barre ancrée permettent d’identifier les zones et longueurs d’ancrage ainsi que les contraintes de cisaillement à l’interface.

Simulations numériques de structures : modèles et méthodologies

Une méthodologie numérique est proposée dans ces travaux de thèse pour la simulation de structures précontraintes. Elle est validée par rapport aux essais expérimentaux de poutres précontraintes sur les critères globaux et locaux définis précédemment.

Dans un premier temps, il y a lieu de prendre en compte de manière réaliste le compor-tement mécanique des différents composants du système d’étude :

1. Matériau béton : La modélisation du matériau béton n’a pas fait ici l’objet de déve-loppements. Il nous a semblé judicieux par rapport aux applications visées d’utiliser un modèle d’endommagement simple pour représenter le comportement du matériau en traction uniaxiale sous sollicitations monotones.

2. Torons de précontrainte adhérents et non-adhérents : la précontrainte et son inter-face avec le coulis d’injection sont considérées explicitement dans les calculs. Les torons non-adhérents sont modélisés par le biais d’éléments barres glissants axiale-ment. La sur-tension des câbles est alors obtenue de manière directe dans les simu-lations. Les torons adhérents sont aussi modélisés par des éléments barres, mais une zone d’interface volumique au comportement plastique durcissant la relie au reste de la structure. Ses propriétés mécaniques ont pu être calibrées sur les essais d’ar-rachement de toron. Il en résulte une meilleure prédiction de la tension du câble de précontrainte dans la structure par rapport à une interface considérée comme par-faite : absence de sur-tension au droit de la fissuration, diffusion de la dégradation progressive à l’interface.

3. Massif d’ancrage de la précontrainte : par rapport à des mesures expérimentales de rentrée de clavette, une modélisation du massif d’ancrage a été intégrée aux simulations de structures. Les pertes de précontrainte provoquées par ce mécanisme sont alors considérées, ce qui favorise une bonne prédiction de la sur-tension globale ou locale du toron de précontrainte.

4. Armatures passives : les armatures HA sont maillées par des éléments barres. Une zone d’interface volumique au comportement plastique est aussi considérée. Néan-moins, le modèle est ici périodiquement variable avec décomposition en double cri-tère global-local pour rendre compte des dégradations locales à l’interface. Il permet ainsi de localiser les contraintes de cisaillement et la dégradation d’interface au droit des crénelures fictives de l’armature. On aboutit par conséquent à un comportement réaliste non-linéaire de la résistance de la liaison acier-béton et à un faciès de rupture physique dans ces zones. La modélisation développée se caractérise par sa facilité de mise en œuvre numérique et par le faible nombre de paramètres à calibrer. Dans ces travaux, une calibration est proposée sur les résultats d’essais d’arrachement. La validation du modèle sur les essais de traction sur tirants longs confirme son intérêt vis-à-vis du comportement à la fissuration.

Une partie importante de ces travaux s’est penchée sur l’influence des déformations dif-férées du béton (retraits et fluages) sur la fissuration et la réponse mécanique globale des structures. Les déformations différées de retrait de dessiccation sont restreintes par les armatures passives et actives. Ceci génère un état de pré-contrainte et d’endommagement dans le matériau qui modifie significativement le comportement mécanique structurel. Appliquées aux structures poutres, les simulations ont montré l’importance de la prise en compte des phases de séchage et de retrait de dessiccation, couplées aux déforma-tions de fluages limitant les effets du retrait, pour une analyse mécanique prédictive des structures. En toute rigueur, l’effet unilatéral du matériau béton doit être intégré aux simulations numériques. Il est ici considéré de manière simplifiée par une modification du champ d’endommagement.