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Comportement in situ du toron gainé graissé

3.3.1 Résultats des mesures par fibres optiques

La poutre TGG-D12 est instrumentée par deux câbles à fibres optiques, collées de façon diamétralement opposée sur le toron de précontrainte. La longueur totale du toron est de 3 m. La mesure de déformation par fibres optiques ne s’effectue cependant que sur 2.5 m, depuis un about de la poutre. En effet, les câbles à fibres optiques ne peuvent être extraits de la structure au niveau de l’ancrage. Leur extraction se fait par la gaine de précontrainte avant ancrage. Cela explique l’impossibilité d’interroger un des abouts du toron.

Au cours du chargement mécanique de flexion 4 points, des pauses à déplacement imposé permettent d’interroger les deux fibres optiques. En accord avec la technique d’ancrage aux deux extrémités, le toron peut être considéré en condition de rotation bloquée. Il est ainsi aisé de pouvoir corréler la déformation mesurée avec la variation de contrainte axiale dans le toron. Notons que l’état de référence des mesures est pris comme l’état de déformation après mise en tension. La déformation initiale de précontrainte n’est ici pas mesurée.

Les résultats obtenus sont présentés sur la figure 3.10 pour deux niveaux de chargement F = 48.8 kN et F = 97.7 kN. À un niveau de chargement donné, on remarque un signal oscillant issu de la fibre optique, en « opposition de phase » avec le signal de la fibre optique diamétralement opposée. Cet effet n’est pas corrélé à la fissuration de la structure. Il pourrait être visiblement synonyme d’un état de flexion dans le toron, le câble à fibres optiques passant périodiquement de la partie supérieure à la partie inférieure du toron. La période du signal est en effet égal à environ 25 cm, pas de l’hélice du toron. Néanmoins, il est difficile de pouvoir concevoir et confirmer cet état de contrainte, le toron étant non adhérent avec la structure environnante. Un autre explication est aussi avancée. Le câble à fibres optiques peut être soumis à des efforts latéraux (pression de la gaine PEHD, efforts inter-fils périphériques). Ceci peut induire des déformations supplémentaires sur le câble, et ainsi ces oscillations sur le signal mesuré.

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 0 100 200 300 400 500 Longueur poutre [mm] D ´ef or mat ion mesu r´ee (. 10 6 ) OF 1 - F = 48.8 kN OF 2 - F = 48.8 kN OF 1 - F = 97.6 kN OF 2 - F = 97.6 kN

Fig. 3.10 Mesures directes de déformation par fibres optiques sur toron non-adhérent TGG.

Le signal moyenné ‘moy = (‘1 + ‘2)/2, issu des signaux des deux fibres optiques OF1 et OF2, est calculé et se trouve être quasi-contant sur la longueur totale de la poutre. Sans plastification du toron de précontrainte, la contrainte axiale ‡pre peut être calculée comme :

pre= ‡ini+ ‡ = ‡ini+ cosE2

moy, (3.3.1)

avec ‡ini = 100 MPa la contrainte initiale de précontrainte et E = 195 GPa le module de Young global du toron en condition de rotation bloquée.

La variation de contrainte axiale ‡ au cours du chargement est présentée sur la figure 3.11-a pour quatre niveaux d’effort. L’état de contrainte dans le toron est uniforme le long de la poutre. En comparaison aux faciès de fissuration de la structure (Chapitre 2), on remarque qu’aucune localisation n’apparaît dans le toron au droit des fissures. Ces mesures permettent de valider le caractère glissant sans frottement du toron au sein de la poutre précontrainte.

L’évolution de la tension totale uniforme ‡pre peut être aussi évaluée au cours du char-gement, de la phase élastique jusqu’à rupture. L’évolution, fonction de l’effort mécanique appliqué à la structure, est illustrée à la figure 3.11-b. Elle présente trois phases distinctes du comportement mécanique du toron. Ces résultats sont en accord avec le comportement global de la structure Force appliquée F - Flèche mesurée v. Après la phase élastique (F = 20 kN), la vitesse de sur-tension du toron de précontrainte augmente progressivement avec la fissuration de la poutre, due à l’évolution de la position de l’axe neutre de la structure. La vitesse se stabilise une fois la fissuration établie. Après plastification des aciers passifs inférieurs (F = 150 kN), la vitesse de sur-tension augmente une nouvelle

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 0 50 100 150 Longueur poutre [mm] V ar iat ion d e con trai n te ax ial e [M P a] F = 97.6 kN F = 146.4 kN 0 50 100 150 200 0 200 400 600 Force appliqu´ee F [kN] Con tr ai n te ax ial e tot al e p re [M P a] (a) (b)

Fig. 3.11 Calculs de la tension du toron à partir des mesures expérimentales in situ de déformation par fibres optiques sur TGG : (a) champ d’évolution spatiale de sur-tension

‡, (b) tension totale ‡pre au cours du chargement

fois. La rigidité de la structure est principalement contrôlée par le toron de précontrainte dans cette phase.

3.3.2 Comparaison mesures fibres optiques - mesures CIN

Dans le cas d’un ancrage parfait du toron de précontrainte, sans pertes instantanées ou différées, la variation de longueur du câble de précontrainte est égale à la variation de longueur de la structure, calculée à la hauteur du câble. On se propose ici de comparer ces deux évolutions.

La première peut être facilement calculée grâce aux mesures de déformation par fibres optiques. Par intégration de la déformation moyenne ‘moy sur la longueur totale (3 m), la variation de longueur du toron Lp peut être calculée comme :

Lp(F ) =ˆ 3

x=0moy(x,F ) dx . (3.3.2)

La variation de longueur de la structure est difficilement identifiable par les mesures CIN. En effet, la structure n’est pas analysée dans son intégralité. Néanmoins, il est possible d’approximer la variation de longueur à la somme des ouvertures de fissures. En phase élastique, l’approximation n’est pas valable. Après localisation et propagation des différentes fissures, la variation de longueur est néanmoins principalement contrôlée par les discontinuités créées. La somme Souv des ouvertures de fissures est définie de la façon suivante :

Souv(F ) =ÿ i

avec wi l’ouverture de la fissure i calculée à la hauteur du toron de précontrainte par CIN.

La Figure 3.12 compare les deux évolutions au cours du chargement. On reconnaît, dans

0 50 100 150 200 0 2 4 6 Force appliqu´ee F [kN] D ´ef or mat ion ax ial e [mm] Souv Lp

Fig. 3.12 Déformation axiale de la structure TGG-D12 : déformation toron vs. somme des ouvertures de fissures.

l’évolution de Lp, les trois phases de comportement définies précédemment pour la tension totale du câble. En phase élastique, la déformation du toron reste faible. Elle est simplement due à la déformation élastique du béton environnant. La somme des ouvertures de fissures est en effet nulle dans cette phase. Notre intérêt se porte principalement sur la phase post-élastique de fissuration de la structure (40 - 150 kN). Bien que théoriquement similaires, on remarque une forte différence de vitesses d’évolution entre Souv et Lp, la déformation totale du toron évoluant moins rapidement que la déformation structurelle. Les techniques et résultats de mesure ne sont ici pas remis en question. Ceux-ci ont été validés indépendamment a priori. Par contre, l’hypothèse d’un ancrage parfait peut être remise en cause. L’influence des conditions d’ancrage est par la suite étudiée.

Comportement de l’ancrage à clavette

Comme défini au Chapitre 2, l’ancrage est formé d’un pot conique mono-toron et d’une clavette d’ancrage. Celle-ci peut, sous tension, progressivement s’insérer au sein du pot et ainsi induire des pertes de tension dans le toron, en comparaison à un ancrage parfait. Ce phénomène explique les pertes instantanées lors de la mise en tension. Néanmoins, à cause de la sur-tension progressive du toron au cours du chargement de la structure, le même phénomène peut aussi être observé. Son influence est dépendante de la longueur du câble. Pour des poutres précontraintes de longueur 3 m, le recul d’ancrage peut avoir un effet non négligeable sur le comportement global du câble de précontrainte. Celui-ci n’a pas été mesuré directement lors des essais de flexion. Son influence est ainsi étudiée a posteriori, afin d’expliquer les comportements observés.

positionné dans un pot mono-toron et soumis à un chargement de traction progressive, effort Fpres. Afin de reproduire le comportement d’ancrage des structures testées, une traction initiale de 15 kN est imposée au système. Celle-ci représente l’effort initial de précontrainte ST15Sini. Le déplacement relatif r de l’extrémité non-chargée du toron, par rapport au support fixe, est mesuré par un capteur de déplacement. Le recul d’ancrage avant mise en tension initiale n’est ici pas pris en compte. Les résultats d’essai sont présentés sur la figure 3.13-b. À partir de ces résultats, la variation de longueur Lp du

0 20 40 60 80 100

0 1 2 3

Force appliqu´ee Fpres[kN]

Recu l d ’an cr age r [m m ] Test 1 Test 2 Test 3 (a) (b)

Fig. 3.13 Mesure des reculs d’ancrage : (a) dispositif expérimental, (b) résultats expéri-mentaux.

toron de précontrainte peut être fictivement corrigée. La valeur corrigée Lr

p représente le cas d’une sur-tension de câble en présence d’un ancrage parfait sans reculs. À effort structurel F donné, Lr

p est calculé de la façon suivante :

Y _ ] _ [

Ftoron= (‡ini+ ‡mesure) ST15S

Lrp = Lp+ 2r(Ftoron) (3.3.4)

avec Ftoronla tension totale dans le toron, calculée grâce aux mesures de déformation par fibres optiques.

La comparaison des évolutions mesurées et corrigées est illustrée sur la figure 3.14. On remarque que l’influence des reculs d’ancrage est significative sur le comportement global du toron TGG dans le cas des poutres testées. Ils expliquent la différence mesurée entre la déformation de la structure et la déformation du toron de précontrainte.

Deux points importants peuvent être explicités par ces résultats. Tout d’abord, la mesure par fibre optique informe sur le comportement réel du toron de précontrainte. Elle rend compte de l’apport mécanique de la sur-tension sur le comportement structurel global.

0 50 100 150 200 0 2 4 6 8 10 12 Force appliqu´ee F [kN] D ´ef or mat ion ax ial e [mm] Souv Lp Lr p

Fig. 3.14 Déformation axiale de la structure TGG-D12 : déformation mesurée toron vs. somme des ouvertures de fissures vs. déformation corrigée du toron.

Une unique étude de la fissuration ne peut suffire à comprendre les mécanismes locaux des différentes composantes du système. De plus, les phénomènes d’ancrage jouent un rôle prédominant sur l’évolution de la tension dans le toron de précontrainte. Il y a ainsi lieu de les prendre en compte ultérieurement dans la simulation numérique des structures testées.

3.4 Prise en compte numérique du toron non-adhérent