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L’étude expérimentale présentée dans ce chapitre se base sur six poutres précon-traintes, testées en flexion 4 points jusqu’à rupture. Les structures testées diffèrent par le type de précontrainte mis en place - adhérente par injection de coulis après mise en tension, ou non-adhérente par Toron Gainé Graissé TGG - et par le taux de ferraillage passif additionnel. Les résultats produisent une importante base de données sur le com-portement global des différentes structures et sur leur comcom-portement à la fissuration. Le post-traitement des mesures par corrélation d’images numériques offrent une caractérisa-tion globale et locale de la fissuracaractérisa-tion provoquée par le chargement.

Deux résultats principaux sont mis en évidence par les essais et par la comparaison aux études analytiques proposées en parallèle. La sur-tension globale du toron non-adhérent a un effet significatif sur la capacité portante des structures, ainsi que sur les ouvertures des fissures. Ne pas la prendre en compte dans le dimensionnement revient à sous-estimer la première, et à surestimer la seconde. Des méthodes analytiques ont été proposées pour rendre compte de cette problématique. Néanmoins, il semble difficile d’estimer a priori l’apport évolutif de la tension du câble dans les différentes phases de dégradation des structures, et principalement dans la phase de fissuration. L’étude analytique du toron adhérent, comparée aux résultats expérimentaux obtenus, montrent à l’inverse une sur-estimation de la capacité portante et une sous-sur-estimation des ouvertures de fissures. Les propriétés d’adhérence du toron injecté sont ici remises en question. Une dégradation im-portante de la liaison toron - coulis d’injection pourrait en effet induire une modification du transfert d’efforts des armatures vers la structure, et ainsi expliquer les comporte-ments expérimentaux obtenus. Les deux phénomènes présentés mènent finalement à un comportement similaire (capacité portante et fissuration) des structures précontraintes adhérentes ou non-adhérentes pour une même section d’armatures passives.

Il convient ici d’étudier plus en détail le comportement local du toron de précontrainte au cours du chargement. Seule une mesure expérimentale in situ pourra permettre de corréler l’apport du toron de précontrainte à la fissuration de la structure et à son comportement global. Une instrumentation originale par fibres optiques des torons de précontrainte est présentée au chapitre suivant (Chapitre 3). Les mesures seront utilisées pour la validation d’un modèle spécifique d’interface toron - structure. La prise en compte de la dégrada-tion évolutive de l’interface permettra de s’affranchir de l’hypothèse d’adhérence parfaite communément utilisée. Elle permettra aussi de généraliser l’analyse à différents types de structures. De plus, les essais expérimentaux présentés ont mis en évidence l’importance des armatures passives dans le comportement local des structures précontraintes. La carac-térisation expérimentale et la modélisation numérique associée de l’interface acier-béton seront exposées au Chapitre 4, dans le but final de simuler le comportement mécanique des structures testées.

Chapitre 3

Étude de la liaison torons de précontrainte

- structure

Le comportement mécanique du toron de précontrainte et son interaction avec la struc-ture sont étudiés dans ce chapitre. Une méthode d’instrumentation originale par fibres optiques est ici développée afin de mesurer la tension du câble de précontrainte in situ au cours du chargement de flexion 4 points. L’instrumentation est appliquée dans les deux cas d’une précontrainte adhérente ou non-adhérente. À partir des mesures obtenues et des mécanismes identifiés, la modélisation de l’interface toron de précontrainte - structure est aussi abordée. Des essais d’arrachement de torons ancrés permettent de calibrer des modèles spécifiques, utilisables pour des calculs de structure.

L’interrogation des fibres optiques pour la mesure de déformation a été faite par Monsieur Aghiad Khadour (IFSTTAR).

3.1 Introduction

L’importance de l’interface toron de précontrainte - structure a été identifiée au cha-pitre précédent. Le comportement global et la fissuration des structures sont fortement influencés par l’état progressivement dégradé de cette liaison. Néanmoins, la probléma-tique d’une mesure locale in situ de la tension du toron de précontrainte reste encore ouverte.

Dans le cas d’un toron non-adhérent TGG, un capteur annulaire de force aux abouts peut être utilisé pour la mesure de la tension. En effet, l’absence de liaison avec la structure et le très faible coefficient de frottement du toron dans sa gaine graissée en PEHD permettent de considérer un champ de déformation quasi-uniforme le long du câble de précontrainte. Il n’en est pas de même pour une précontrainte adhérente injectée au coulis de ciment. Aujourd’hui, seule des mesures locales sont proposées et appliquées pour des tests de laboratoire. Des jauges de déformation, collées sur la surface du toron, permettent par exemple une évaluation du comportement du toron en quelques points de mesure. Une mesure de champ linéique sur la longueur du toron semble ainsi plus adéquate.

Pour cela, de nombreuses solutions innovantes à base de fibres optiques ont été dévelop-pées durant les deux dernières décennies [Li et al., 2004] [Deng et Cai, 2007]. Ces capteurs fonctionnent suivant le principe qu’une variation du phénomène mesuré (déformation par exemple) modifie la propagation du signal lumineux le long de la fibre de silice. Suivant ce principe, ont été développés pour des applications en génie civil des capteurs permettant de réaliser des mesures réparties sur toute la longueur de la fibre optique. Les systèmes de mesure de déformation (ou de température) dans les fibres optiques contiennent une unité opto-électronique active, qui est reliée à la fibre optique passive. L’unité opto-électronique transmet la lumière dans la fibre par un laser accordable en fréquence ou par une source à large bande. Les caractéristiques de propagation de la lumière à travers la fibre sont modifiées en fonction des déformations de celle-ci (ou de la température). Ainsi, la lumière rétrodiffusée, détectée par l’unité opto-électrique, rend compte de ces modifications. Le si-gnal rétrodiffusé est analysé puis converti en données de déformation (ou de température). L’élément essentiel du système de détection pour la réalisation des mesures distribuées est un réflectomètre qui permet d’obtenir une haute résolution spatiale. Dans de nombreux cas, les systèmes utilisés fonctionnent avec un réflectomètre optique temporel (OTDR), dans lequel l’unité de contrôle transmet une impulsion lumineuse courte et utilise le temps de propagation de la lumière diffusée en retour pour déterminer la position de la réflexion. Pour la technologie de capteur de Rayleigh, une résolution plus élevée peut être réalisée (< 1 mm) en utilisant un réflectomètre cohérent dans le domaine de fréquence optique, C-OFDR (Figure 3.1).

L’OFDR utilise un laser à fréquence variable, couplé dans un interféromètre de Mach-Zehnder. Les composantes de fréquence dans le signal détecté définissent la position res-pective de la réflexion. Pour réaliser des mesures exactes de déformation (et/ou tempéra-ture), le signal de rétrodiffusion de la fibre optique est divisé en petites fenêtres d’analyse (largeur des gauges, 1 mm dans notre cas). Le signal de chaque fenêtre est transféré dans le domaine fréquentiel. Le résultat est une fluctuation du spectre de réflexion en fonction de la fréquence. Les variations des déformations appliquées à la fibre optique conduisent

Fig. 3.1 Principe de l’OFDR.

à un décalage de fréquence, proportionnel à l’évolution des conditions externes affectant la fibre (déformation et température). Ce processus ressemble à des mesures à base de réseaux de Bragg où, de la même façon, le déplacement de pics de fréquence réfléchie est détecté lorsqu’il y a changement de conditions externes. Finalement, afin d’obtenir des mesures distribuées, la fenêtre d’analyse doit balayer toute la longueur de la fibre optique, par un algorithme mathématique, afin d’obtenir le profil total des déformations (ou températures).

L’utilisation d’une fibre optique protégée et noyée dans une structure béton constitue une solution d’instrumentation robuste. Cependant, le transfert d’efforts du matériau hôte (le béton) vers l’élément sensible (la fibre de silice) se réalise par le biais des différentes couches constitutives du câble à fibres optiques. Celles-ci, plus souples que le béton, mobilisent une longueur importante pour diffuser la déformation. Récemment, l’instrumentation par fibres optiques, développée à l’IFSTTAR, de structures béton armé a permis la réalisa-tion de mesures de déformaréalisa-tion avec une faible incertitude et haute résoluréalisa-tion spatiale : détection de fissures sur poutres béton armé [Henault et al., 2012] (Figure 3.2), champs de déformation d’armatures passives ancrées [Khadour et al., 2013] [Tixier, 2013].

3.2 Instrumentation des torons de précontrainte par fibres