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CHAPITRE IV Discussion générale

5. Contributions cliniques

5.4 Prise en charge cognitive dans le traitement du TD/AH

Finalement, les résultats de la thèse soulèvent des considérations en lien avec la prise en charge des patients avec un TDA/H. Tel que démontré par nos résultats, il apparaît que la symptomatologie et la cognition n’évoluent pas nécessairement dans la même direction, et qu’une évolution clinique favorable n’est pas garante d’un bon fonctionnement cognitif. De plus, plusieurs des atteintes poursuivent une trajectoire marquée par une forme de stabilité ou même une accentuation. Dans l’optique où les atteintes cognitives sont postulées comme pouvant être associées aux altérations dans le fonctionnement quotidien, nos résultats encouragent le recours à l’utilisation d’approches de traitement qui cibleraient la cognition en parallèle aux symptômes.

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À ce jour, la pharmacothérapie est l’approche privilégiée pour le traitement du TDA/H. L’efficacité de cette approche thérapeutique pour réduire les symptômes comportementaux a été démontrée à maintes reprises et celle-ci est actuellement parmi les principaux traitements recommandés par les lignes directrices d’évaluation et de traitement du TDA/H (American Academy of Pediatrics, 2011). Bien que certaines études suggèrent un impact positif de l’utilisation d’une médication psychostimulante sur la cognition (Coghill, Seth, Pedroso, et al., 2014), les effets seraient moindres comparativement à ceux observés pour les symptômes. De plus, les résultats de plusieurs études demeurent mitigés quant à la réelle efficacité de la médication psychostimulante sur le fonctionnement neuropsychologique des individus avec un TDA/H, particulièrement à long terme (Baroni & Castellanos, 2015; Coghill, Rhodes, & Matthews, 2007; Hellwig-Brida, Daseking, Keller, Petermann, & Goldbeck, 2011; Schweren et al., 2018; Wang, Chen, & Huang, 2015). Bien que les symptômes comportementaux ne soient pas à négliger dans le choix de l’approche de traitement et que l’utilisation d’une médication n'est pas à remettre en question, l’ensemble des facettes du trouble se doit d’être considéré par les cliniciens au moment de planifier l’approche thérapeutique. Il apparaît ainsi essentiel d’envisager une approche de traitement globale, laquelle devrait inclure des interventions adressant tout aussi spécifiquement la composante cognitive du trouble de manière à en favoriser l’évolution positive.

Nos résultats encouragent donc le recours à l’utilisation d’approches de traitement qui cibleraient la cognition en parallèle aux symptômes. En ce sens, la remédiation cognitive pourrait être une forme de traitement vers laquelle se tourner, particulièrement dans le contexte où certaines fonctions cognitives semblent affectées de manière persistante chez les individus qui présentent le trouble. La littérature portant sur la remédiation cognitive est actuellement en émergence, notamment avec les avancées qu’a connu l’utilisation des outils technologiques dans les dernières années (Rutledge, van den Bos, McClure, & Schweitzer, 2012). Toutefois, les résultats disponibles jusqu’à présent sont mitigés quant à l’efficacité des thérapies de remédiation cognitive dans le TDA/H. Il semble que l’entraînement cognitif permette l’amélioration ciblée de la fonction entraînée, sans pour autant permettre de diminuer les symptômes comportementaux du trouble ou de se généraliser au fonctionnement quotidien (Cortese et al., 2015; Rapport, Orban, Kofler, & Friedman,

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2013). Ainsi, au-delà de l’entraînement de la fonction ciblée, il apparaît nécessaire que ces programmes incluent une composante permettant le transfert du gain cognitif dans le quotidien. Il a été proposé que cela puisse être rendu possible par l’utilisation de programmes de remédiation cognitive plus écologiques (Cortese et al., 2015; Moreau & Conway, 2014). En effet, des programmes qui placeraient l’individu dans des situations de la vie quotidienne et qui impliqueraient des activités complexes sollicitant à la fois le fonctionnement cognitif et moteur (p. ex. activités sportives, musique, etc.) pourraient se révéler plus efficaces pour permettre l’obtention d’un gain cognitif. Cela pourrait également permettre d’encourager le développement de compétences parallèles et même la pratique des habiletés sociales (p. ex. une intervention incluant une composante sportive en équipe) (Moreau & Conway, 2014). Par ailleurs, la mise en évidence de périodes développementales caractérisées par une combinaison précise d’atteintes cognitives chez les individus avec un TDA/H soulève des enjeux en lien avec l’élaboration et la sélection des programmes d’interventions cognitives à mettre en place auprès de ces derniers. Nos résultats suggèrent qu’il y ait des fenêtres développementales plus propices pour intervenir au niveau de certains processus chez les patients. Ainsi, un programme de rééducation ciblant une multiplicité d’atteintes trouverait avantage à être appliqué auprès des enfants présentant le trouble, chez qui il est attendu de trouver une plus grande variété d’atteintes. Des programmes adressant des fonctions plus spécifiques pourraient, quant à eux, s’avérer plus pertinents à partir de l’adolescence ou du début de l’âge adulte. Les résultats d’une méta-analyse ayant porté sur le sujet ont d'ailleurs démontré que les programmes de remédiation cognitive qui adressent des fonctions multiples chez les enfants avec un TDA/H ont une plus grande efficacité que les programmes restreints à l’entraînement d’une fonction précise (Cortese et al., 2015). Cela pourrait donc être en lien avec les effets développementaux mis de l’avant. Ces nouvelles connaissances gagneront ainsi à être considérées par les cliniciens qui souhaiteraient adresser spécifiquement la composante cognitive chez les patients par le biais de la remédiation cognitive.

D’autre part, les résultats de la thèse suggèrent qu’une intervention qui viserait simultanément l’aspect comportemental et cognitif chez les patients soit des plus pertinentes pour le traitement du trouble. À cet effet, la thérapie basée sur la pleine

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conscience est une approche qui suscite de plus en plus l’intérêt des chercheurs dans le traitement du TDA/H. Cette forme de thérapie consiste en une intervention qui vise à entraîner la capacité de l’individu à porter une attention au moment présent et à adopter une attitude de non-jugement par le biais, notamment, d’entraînement à la méditation (Kabat- Zinn, 2003). La thérapie basée sur la pleine conscience a démontré son efficacité pour diminuer une variété de symptômes présentés par des adultes et des enfants, dont les symptômes affectifs (humeur et anxiété), la douleur chronique, le stress, et plus récemment, l’inattention (Black, Milam, & Sussman, 2009; Harnett & Dawe, 2012; van der Oord, Bögels, & Peijnenburg, 2012). Certains des mécanismes d’action présumés pour intervenir dans la pleine conscience sont de nature cognitive (p. ex. maintenir l’attention dans le moment présent, orienter l’attention sur l’objet de méditation, inhiber le traitement des pensées approfondies) (Bishop et al., 2004). Ainsi, l’intérêt de certains chercheurs s’est porté sur les impacts cognitifs de cette forme de thérapie. Les résultats obtenus jusqu’à présent sont encourageants et suggèrent qu’elle puisse constituer une alternative prometteuse pour améliorer le fonctionnement neuropsychologique de l’individu (Mitchell et al., 2013; van de Weijer-Bergsma, Formsma, de Bruin, & Bögels, 2012). Dans le contexte du TDA/H, cette forme de traitement est des plus intéressantes puisqu’elle pourrait permettre d’adresser à la fois la composante cognitive et comportementale du trouble. Bien que peu d’études aient été menées pour en démontrer l’efficacité dans le traitement du TDA/H, les résultats obtenus jusqu’à présent sont prometteurs, tant pour la réduction des symptômes comportementaux qu’au niveau des atteintes cognitives (Bögels, Hoogstad, van Dun, de Schutter, & Restifo, 2008; Mitchell et al., 2013; van de Weijer-Bergsma et al., 2012; van der Oord et al., 2012). Des travaux sont actuellement en cours dans notre laboratoire en lien avec le développement d’une intervention de pleine conscience (programme PEACE), incluant une composante de remédiation cognitive, et applicable auprès d’enfants avec un TDA/H (Rouleau et al., 2018; Simard, 2018). Bien que préliminaires, les résultats disponibles jusqu’à présent suggèrent une amélioration du fonctionnement global des enfants ainsi qu’une diminution des symptômes anxieux présentés par certains d’entre eux, suite à cette intervention s’étant déroulée sur une période de huit semaines (Simard, 2018; Thériault-Couture, Veillette, & Rouleau, 2018; Veillette, Thériault-Couture, Rouleau, 2018). Des résultats à venir devraient renseigner sur les

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impacts cognitifs de l’intervention. Ainsi, bien que des études futures portant sur l’efficacité de cette forme de traitement soient toujours nécessaires, ces résultats sont encourageants et pourraient ouvrir la porte à une avenue de traitement complémentaire à la pharmacothérapie, et qui permettrait d’adresser la multitude de facettes du TDA/H.