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3. Fonctionnement neuropsychologique dans le TDAH

3.5 Marqueurs cognitifs du TDA/H

Les données empiriques suggèrent donc la présence de nombreuses atteintes cognitives qui peuvent être observées conjointement aux symptômes comportementaux du TDA/H. La grande variété de déficits rapportés pourrait porter à croire à la présence d’un dysfonctionnement cognitif généralisé dans le contexte du trouble. Il importe toutefois de considérer que les différents résultats discutés jusqu’à présent sont issus de moyennes de groupe. Des travaux ayant porté une attention particulière à l’analyse des données individuelles des participants ont pour leur part permis de mettre en lumière la complexité du profil cognitif du TDA/H, lequel est caractérisé par une grande hétérogénéité interindividuelle (Coghill, Seth, & Matthews, 2014; Lambek et al., 2011; Nigg, Willcutt, et al., 2005). Ainsi, il a été observé qu’aucun des déficits cognitifs ayant été ciblés par les différentes études n’est systématiquement retrouvé en présence du trouble, c’est-à-dire qu’il serait présenté par tous les individus ayant la pathologie. À cet effet, Nigg, Willcutt, Doyle et Sonuga-Barke (2005) ont démontré que, lorsque les moyennes de groupes obtenues auprès d’enfants présentant un TDA/H sont comparées à celles d’enfants contrôles, la

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performance des participants avec un TDA/H est significativement inférieure sur l’ensemble des mesures utilisées dans les études. Or, lorsque l’intérêt est porté sur l’analyse individuelle de chacune de ces mesures, rarement plus de la moitié de ceux-ci présente un déficit cognitif significatif (c.-à-d. égale ou inférieure au 10e percentile comparativement à la performance des participants contrôles). À titre d’exemple, lorsque les auteurs analysaient les performances individuelles à une mesure d’inhibition d’une réponse motrice, soit l’un des déficits étant postulé comme central au trouble, seulement 51% des enfants avec un TDA/H avaient une performance déficitaire. Toujours en lien avec l’hétérogénéité cognitive, plusieurs études ont démontré qu’une proportion d’enfants avec un TDA/H (variant de 20% à 30%) ne présenterait même aucun déficit sur l’ensemble des mesures leur ayant été administrées, suggérant ainsi qu’un sous-groupe d’individus avec le trouble puisse avoir un fonctionnement cognitif préservé (Coghill, Seth, & Matthews, 2014; Hanisch, Konrad, Günther, & Herpertz-Dahlmann, 2004; Lambek et al., 2011; Nigg, Willcutt, et al., 2005). Quant à ceux qui présenteraient des déficits cognitifs, la majorité échouerait uniquement une ou deux tâches, ce qui suggère que le déficit cognitif n’est pas généralisé mais plutôt spécifique à certaines fonctions (Coghill, Seth, & Matthews, 2014; Lambek et al., 2011; Nigg, Willcutt, et al., 2005).

Il est donc reconnu que le TDA/H ne se caractérise non pas par un déficit cognitif unique ou un affaissement généralisé de la cognition, mais plutôt par une variété d’atteintes pouvant différer d’un individu à l’autre. Des auteurs ont ainsi émis l’hypothèse que le trouble puisse être caractérisé par certains marqueurs cognitifs plus fréquemment atteints, lesquels pourraient donner lieu à des sous-types neuropsychologiques du TDA/H. Ceux-ci seraient susceptibles de différer entre eux en termes d’origine étiologique, de phénotype, ou de trajectoire clinique (Nigg, Willcutt, et al., 2005; Sonuga-Barke et al., 2008; Willcutt, Doyle, et al., 2005). Les dernières années ont ainsi vu émerger un courant de littérature qui s’intéresse à l’identification de ces marqueurs cognitifs du TDA/H, aussi appelés endophénotypes, qui pourraient agir à titre d’intermédiaires dans la relation causale entre le génotype et le phénotype du trouble. Des critères ont été élaborés afin de tester les endophénotypes, ces derniers se devant d’être 1) héritables, 2) associés à la pathologie, 3) observés indépendamment du fait que les symptômes soient actifs ou non chez l’individu,

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et 4) présenter un effet de co-ségrégation familial, c’est-à-dire être observés chez des apparentés ne rencontrant pas les critères diagnostics du trouble (Gottesman & Gould, 2003; Ritsner & Gottesman, 2009).

Bien qu’un endophénotype puisse être de différentes natures (p. ex. biologique, cognitif ou comportemental), les travaux s’étant intéressés à l’étude des endophénotypes du TDA/H se sont majoritairement concentrés sur le domaine cognitif. Ces études ont principalement examiné la présence d’atteintes cognitives chez des proches non affectés d’enfants avec un TDA/H, soit leurs parents ainsi que leurs frères et les sœurs. Elles ont tenté de vérifier si les atteintes cognitives étaient observées chez ces proches dans une plus grande proportion que ce qui est retrouvé chez des participants contrôles. Des effets de familiarité ont été observés pour des mesures d’inhibition motrice, de flexibilité, de variabilité de TR, de mémoire de travail, de traitement temporel de l’information et de vitesse d’exécution motrice (Kuntsi & Stevenson, 2001; Nigg, Blaskey, Stawicki, & Sachek, 2004; Nikolas & Nigg, 2015; Rommelse, Altink, Martin, et al., 2008; Rommelse, Altink, Oosterlaan, Beem, et al., 2008; Rommelse, Altink, Oosterlaan, Buschgens, et al., 2008; Thissen et al., 2015). Par ailleurs, ça ne semble pas être tous les déficits cognitifs retrouvés chez les enfants avec un TAD/H qui seraient partagés par les membres de leur famille. Dans une étude réalisée par Nigg, Blaskey, Stawicki et Sachek (2004), des effets de familiarité ont été observés pour la flexibilité, l’inhibition motrice et la variabilité, alors que ce n’était pas le cas pour la planification, le contrôle de l’interférence et la vitesse motrice. Ces résultats suggèrent donc que ce ne sont pas tous les corrélats neuropsychologiques du trouble qui seraient des candidats intéressants au titre d’endophénotype et que, malgré la grande diversité des atteintes cognitives retrouvées dans le TDA/H, certaines d’entre elles s’avèrent plus prometteuses pour identifier les origines étiologiques du TDA/H et leurs liens avec son phénotype comportemental. Certaines fonctions exécutives et attentionnelles, dont l’inhibition, la flexibilité, la mémoire de travail, l’alerte et la vigilance, ont ainsi été proposées comme potentiels endophénotypes en raison du fait qu’elles sont fréquemment observées comme étant atteintes chez les individus qui présentent le trouble, qu’elles ont des fondements neurobiologiques démontrés, qu’elles sont héritables et qu’elles ont montré des patrons de co-ségrégation familiale (Castellanos & Tannock, 2002; Nigg, 2010;

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Rommelse, Geurts, Franke, Buitelaar, & Hartman, 2011). Toutefois, bien que ces fonctions soient présumées comme pouvant entretenir un lien avec les origines étiologiques du trouble, l’étude des endophénotypes du TDA/H n’en est qu’à ses débuts et le rôle de ces atteintes en lien avec l’émergence de la symptomatologie clinique demeure encore bien peu compris.