• Aucun résultat trouvé

Les dernières années ont vu émerger des modèles intégratifs du TDA/H qui tentent d’expliquer le lien entre les différentes composantes de la pathologie, notamment le lien unissant les symptômes et la cognition. C’est le cas du modèle cognitif-affectif de Nigg et Casey (2005) dans lequel ces auteurs intègrent les données issues des neurosciences affectives et cognitives. En se basant sur les anomalies neuroanatomiques, neurocognitives et affectives observées chez les individus avec un TDA/H, ils proposent différentes trajectoires pouvant mener au phénotype comportemental du trouble. Parmi les trajectoires proposées, l’une d’elles cible plus spécifiquement le lien entre les atteintes cognitives et les symptômes de la pathologie. Cette trajectoire s’appuie sur la présence d’anomalies dans le fonctionnement des circuits frontal-striatal et frontal-cérébelleux, tous deux impliqués dans le contrôle cognitif. Les anomalies affectant ces réseaux engendreraient une variété de dysfonctions cognitives, telles des difficultés d’organisation de la réponse, de mémoire de travail, d’alerte et de traitement temporel de l’information, lesquelles donneraient lieu aux manifestations comportementales de désorganisation et d’inattention. Les auteurs proposent également deux autres trajectoires qui impliqueraient quant à elles une altération du circuit frontal-limbique, avec des répercussions davantage observées au niveau motivationnel et de la réponse d’approche (c.-à-d. de comportements orientés vers ou à l’écart de stimuli de l’environnement). Ces trajectoires permettraient pour leur part d’expliquer les manifestations d’impulsivité et certains comportements extériorisés fréquemment observés chez les individus avec le trouble (Nigg & Casey, 2005).

Bien que le modèle de Nigg et Casey n’ait jamais été testé dans son intégralité, certains travaux appuient partiellement la première trajectoire proposée. En effet, des analyses ont permis de démontrer que la présence d’atteintes exécutives prédit spécifiquement la

26

présence ou l’apparition ultérieure de symptômes d’inattention alors qu’elle ne contribue pas à prédire la présence de symptômes d’hyperactivité-impulsivité (Brocki, Eninger, Thorell, & Bohlin, 2010; Nigg, Stavro, et al., 2005; Thorell, 2007; Wahlstedt & Bohlin, 2010; Wåhlstedt, Thorell, & Bohlin, 2009; Willcutt, Brodsky, et al., 2005). Des résultats similaires ont été obtenus lorsque la mémoire de travail et le fonctionnement attentionnel, plus particulièrement la variabilité intra-sujet, sont mis en relation avec la symptomatologie clinique (Martinussen & Tannock, 2006; Wåhlstedt et al., 2009). Il semble donc que les déficits exécutifs retrouvés dans le TDA/H contribuent spécifiquement aux symptômes d’inattention, sans toutefois être associés au domaine d’hyperactivité et d’impulsivité. Or, les processus qui sous-tendent cette relation sont mal compris puisqu’il apparaît que la relation entre ces deux composantes n’est pas proportionnelle. Ainsi, les enfants présentant les déficits cognitifs les plus importants ne sont pas nécessairement ceux avec les symptômes comportementaux les plus sévères. En effet, rares sont les études qui ont permis d’identifier des corrélations entre les mesures de symptômes et la performance cognitive des individus avec un TDA/H, celles-ci étant généralement de faible magnitude ou totalement absentes (Coghill, Hayward, et al., 2014; Jonsdottir, Bouma, Sergeant, & Scherder, 2006; Sanscartier, 2010; Tillman, Eninger, Forssman, & Bohlin, 2011; Vaughn et al., 2011; Willcutt, Brodsky, et al., 2005). Pour leur part, Lambek, et al. (2010) ont comparé des enfants présentant un TDA/H avec déficits exécutifs à un groupe d’enfants avec un TDA/H dont le fonctionnement exécutif était intact. Ils observent que les deux groupes ne diffèrent pas quant aux symptômes TDA/H présentés. Ils concluent donc que les enfants avec des atteintes exécutives ne se retrouvent pas à l’extrémité maximale du continuum de sévérité du trouble et qu’ils ne présentent pas nécessairement les symptômes comportementaux les plus intenses. Ainsi, la relation qui unit les symptômes et la cognition semble être moins linéaire que présumée, la présence d’atteintes cognitives n’influençant que peu l’intensité avec laquelle s’exprime la symptomatologie clinique.

Plus récemment, différentes hypothèses ont été discutées dans la littérature quant à la nature du lien unissant la composante cognitive et clinique du trouble, adoptant plutôt une perspective développementale (Carr, Nigg, & Henderson, 2006; Halperin & Schulz, 2006; van Lieshout, Luman, Buitelaar, Rommelse, & Oosterlaan, 2013). Une première

27

proposition suggère que les déficits cognitifs soient une composante centrale et stable de la pathologie. Selon cette hypothèse, il est attendu que les déficits soient statiques et persistants, et qu’ils ne soient pas associés aux variations du phénotype ou à l’évolution symptomatique de la pathologie dans le temps (van Lieshout et al., 2013). À l’inverse, il est également suggéré que les déficits cognitifs puissent constituer un épiphénomène du trouble, ceux-ci pouvant alors varier en fonction de l’état clinique de l’individu (Carr et al., 2006). Certains auteurs vont même jusqu’à proposer que la normalisation du fonctionnement cognitif puisse avoir un rôle à jouer dans la rémission des symptômes (Halperin & Schulz, 2006).

À cet effet, Halperin et Schulz (2006) font une proposition théorique dans laquelle ils combinent ces différentes hypothèses et suggèrent que le TDA/H résulte de déficits cognitifs sous-corticaux et non exécutifs qui seraient stables indépendamment de l’évolution clinique du trouble. Ils suggèrent également que la maturation du cortex frontal et le développement des fonctions exécutives avec l’âge agissent comme moyens de compensation au déficit primaire. Cela pourrait alors expliquer la diminution des symptômes observés dans le cadre de la rémission du trouble, survenant généralement à la fin de l’adolescence. Inversement, un développement inadéquat des processus cognitifs contrôlés pourrait expliquer le maintien des symptômes chez certains individus. Bien que cette proposition soit intéressante, la littérature actuelle ne permet pas de valider une telle hypothèse, notamment en raison du peu d’études développementales s’étant intéressées à l’évolution de la cognition dans le TDA/H, et qui plus est, de sa relation avec l’évolution des manifestations cliniques.