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Dans le deuxième chapitre, les étapes essentielles des principaux traités en matière environnementale ont été examinées. Cet excursus chronologique va désormais servir de base aux développements suivants.

Les principes généraux du droit international de l’environnement sont issus de ces traités. Ainsi La Déclaration de Stockholm fournit les premiers principes sur lesquels un nouveau droit de l’environnement a pu évoluer. Ensuite, la Charte mondiale de la nature de 1972 a apporté une contribution importante, suivie de la Déclaration de Rio qui a le mérite de fixer ces principes et de les consacrer comme concepts de base du droit international de l’environnement. Puis, d’autres conventions suivront réaffirmant avec conviction l’ensemble des fondements qui constituent aujourd’hui le droit de l’environnement.

A – L’évaluation

Le principe de prévention bénéficie de l’expérience du droit international mais aussi des droits des territoires, notamment dans le cadre européen185. Tout

d’abord il convient d’étudier des exemples du principe de prévention et d’en extrapoler les idées qui constituent ce principe. La Déclaration sur les forêts de Rio de Janeiro utilise la formule : « de la gestion écologiquement rationnelle et

efficace » ou encore « la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable des forêts ». Le principe n°15 de la Conférence de

Rio demande aux États de s’abstenir en cas de doute sur les potentiels effets néfastes d’un projet ; l’article 17 énonce : « Une étude d’impact sur

l’environnement, en tant qu’instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d’avoir des effets nocifs importants sur l’environnement et dépendent de la décision d’une autorité nationale compétente ». Le principe de prévention s’adresse donc à toutes les activités

qui peuvent entraîner un dommage pour l’environnement, en cherchant à le prévenir186. Une gestion écologique et rationnelle doit être appliquée à chaque

cas concret et le fait de connaître d’abord les dangers inhérents à un projet fait

185 PRIEUR, Michel. Droit de l'environnement. Paris: Dalloz, 2011, p.71 sqq.

186 Ibid. La prévention définie par l’auteur consiste « à empêcher la survenance d’atteintes à l’environnement par des mesures appropriées dites préventives avant l’élaboration d’un plan ou la réalisation d’un ouvrage ou d’une activité. L’action préventive est une action anticipatrice et a

priori qui, depuis fort longtemps, est préférée aux mesures a posteriori du type réparation,

partie du principe de base187. Ainsi, le fait que les États avant d’entreprendre

des actions doivent s’assurer que les effets sur l’environnement sont pris en considération, notamment grâce à l’étude de l’impact au niveau interne, constitue le cœur du principe de prévention, codifié dans les documents jusqu’ici analysés.

La Convention signée à Espoo le 25 février 1991 définit le principe de façon plus précise et structurée. Il est, en effet, intéressant de noter que cette Convention établit une liste détaillée des actions qui doivent être mises en œuvre par les États signataires ainsi que de leur mode d’évaluation. Ces stratégies doivent permettre d’évaluer les répercussions néfastes possibles d’une activité188. Cette évaluation selon l’article 1 vise à encadrer les effets

directs et indirects sur l’environnement. En particulier l’article 2.1 dispose que :

« les parties prennent, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l’impact transfrontières préjudiciable que des activités proposées pourraient avoir sur l’environnement ».

L’obligation d’évaluation, cependant, n’exclut pas le principe de prévention.

B – La prévention

Certains textes prévoient clairement le principe de prévention dans leurs formulations189. Les deux textes suivants contiennent le principe de prévention

dans leur lettre : le préambule de la Convention sur la biodiversité du 5 juin 1992 (qui fait partie de l’ensemble de Rio de Janeiro) établit une distinction

187 Une approche préventive est intrinsèque à la définition de ce principe. Bien que redondant,

ce fait constitue exactement le but recherché par ce principe, c’est à dire anticiper le développement de dommages environnementaux. Ce principe opère préventivement par rapport au pollueur-payeur. VAN LANG, Agathe. Droit de l'environnement. Paris : Presses Universitaires de France, 2007, p.70 : « Le développement d’une approche préventive des problèmes environnementaux s’avère complémentaire du dispositif curatif : si le principe pollueur-payeur s’efforce seulement de remédier à des nuisances déjà réalisées, le principe de prévention anticipe l’occurrence d’une atteinte à l’environnement et implique l’établissement de mesures propres à en empêcher la survenance ».

188 Les processus qui doivent être mis en place sont à la base des études d’impact pour vérifier

si l’activité envisagée constitue une activité dangereuse ou non. Les études d’impact sont définies comme des vraies études scientifiques par PRIEUR, Michel. Droit de l'environnement. Paris : Dalloz, 2011, p.72 : « Avec l’étude d’impact, la recherche préalable change de nature et d’échelle, il s’agit d’étudier scientifiquement l’insertion du projet dans l’ensemble de son environnement en examinant les effets directs et indirects, immédiats et lointains, individuels et collectifs. On réalise une sorte de socialisation des actions d’investissements. L’écologie oblige à avoir une vision globale qui, à partir d’un projet donné, intègre toute une série de facteurs a

priori extérieurs au projet ».

189 MEMLOUK, Malik. Entreprises et dommage écologique. Rueil-Malmaison : Éditions Lamy,

entre l’anticipation et la prévention ; le deuxième texte est un arrêt de la Cour internationale de Justice du 25 septembre 1997 (opposant la Hongrie et la Tchécoslovaquie). Le préambule de la Convention énonce que : « (…) il

importe au plus haut point d’anticiper et de prévenir les causes de la réduction ou de la perte sensible de la diversité biologique à la source et de s’y attaquer ». L’arrêt de la Cour quant à lui : « La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de répartition de ce type de dommages. Au cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l’a souvent fait sans tenir compte des effets sur l’environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité - qu’il s’agisse des générations actuelles ou futures -, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement ».

De la lecture de ces deux extraits, il est possible de tirer une conclusion importante et notamment concernant l’objectif de cette étude : le principe de prévention est strictement lié au développement durable. L’évaluation des risques ne se limite pas seulement aux nouvelles activités, mais aussi aux anciennes activités qui provoquent des effets néfastes, récemment découverts. La mission de la politique de développement durable vise justement à concilier ces deux exigences : développement et environnement. Ces exigences atteignent leur niveau maximal dans le contexte du transport qui doit concilier d’importants enjeux économiques et protection de l’environnement alors qu’il est en même temps source d’éventuelles pollutions.

Sur ce point, il convient de faire une distinction entre le principe de prévention au niveau européen et au niveau international. Il est possible d’observer qu’au

niveau international, ce principe est exprimé de façon plus synthétique. Ainsi, le principe de prévention stricto sensu est remplacé par différentes notions telles que : “l’obligation d’anticipation”, “l’obligation de correction à la source” et le concept de “écologiquement rationnel”190. Un exemple clair est relevé dans les

termes de l’Agenda 21 : « Les buts globaux (id est : de la gestion des déchets)

sont les suivants : a) Prévenir ou réduire au minimum la génération de déchets dangereux, dans le cadre d’une approche globale, intégrée et plus propre de la production ; éliminer les mouvements transfrontières de déchets dangereux ou les réduire à un minimum compatible avec la gestion écologiquement rationnelle des déchets ; poursuivre des entreprises de gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux, en respectant le plus possible le principe d’autosuffisance du pays d’origine. Les mouvements transfrontières qui ont lieu devraient avoir des motifs écologiques et économiques et relever d’accords entre tous les États concernés ». Un exemple de ce principe en droit

international est donné par la Convention-cadre de l’ONU sur le changement climatique191. Son article 4 stipule en effet : « Encouragent et soutiennent par

leur coopération la mise au point, l’application et la diffusion - notamment par voie de transfert - de technologies, pratiques et procédés qui permettent de maîtriser, de réduire ou de prévenir les émissions anthropiques des gaz à effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal dans tous les secteurs pertinents (…) ».

La situation européenne est un peu plus nette en ce qui concerne le respect du principe de prévention. En particulier, la directive n°337/85 du 27 juin 1985 (sur les études d’impact) fait une distinction entre les projets qui doivent toujours faire l’objet d’une étude d’impact et les autres qui sont soumis à l’appréciation de chaque État. De même, la directive n° 42/01 du 27 juin 2001 ajoute l’évaluation relative à certaines plans et programmes environnementaux qui

190 En ce qui concerne le droit international, la gestion de ce principe s’appuie sur des

conventions bilatérales et des accords. VAN LANG, Agathe. Droit de l'environnement. Paris : Presses Universitaires de France, 2007, p.71 : « Au-delà de l’affirmation d’une responsabilité

étatique envers d’autres États lésés dans leur environnement, le droit international illustre plus clairement le principe de prévention au travers de nombreuses conventions bilatérales ou multilatérales ayant pour objet la protection de l’environnement ».

191 Ibid. Autres exemples en droit international de l’application de ce principe se trouvent dans la « Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontalières de déchets dangereux et leur élimination (art. 4.2 c), la Convention d’Helsinki du 2 avril 1992 sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique (art. 3.1), la convention-cadre des Nations Unies du 9 mai 1992 sur la biodiversité (art. 14 et huitième considérant du préambule), la Convention de Vienne du 22 mars 1985 sur la protection de la couche d’ozone (art. 2), pour n’en citer que quelques-unes ».

pourraient être concernés par des études ultérieures. Selon les termes de la directive, il s’agit des plans et des programmes susceptibles d’avoir « des

incidences notables sur l’environnement » et qui « fixent le cadre de décisions ultérieures d’autorisation de projets », qui seront évalués en fonction de leur

incidence réelle192. L’approche de ce principe est caractérisée par l’existence de

niveaux différents selon qu’il s’agit du droit européen ou du droit international. En toute hypothèse, la présence du principe strictu sensu est garantie.

Dans le projet de Constitution européenne, l’article 233 énonçait : « La politique

de l’Union (…) est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement (…) ». La prévention est donc strictement liée à la précaution

[voir infra paragraphe 3] mais ces deux notions sous-entendent deux principes différents193. Par “action préventive”, en effet, il faut entendre que les États

signataires d’une convention faisant mention, dans sa lettre, de ce principe, ont une obligation d’éviter, en utilisant les meilleures techniques, certains risques qui peuvent endommager l’environnement194. Le « risque majeur » fait partie et

complète la définition de ce premier principe. La prévention des risques majeurs comprend deux étapes : la planification et un processus d’autorisation préalable. Un exemple est fourni par la directive 96/82/CE ou Seveso du 24 juin 1982 qui pose trois objectifs : rendre compatible le développement, la production et la protection de l’environnement, réguler la concurrence à travers l’application de l’article 100, toujours en fonction et, sur la base de la protection

192 VAN LANG, Agathe. Droit de l'environnement. Paris : Presses Universitaires de France,

2007, p.72 : « La directive CEE n°75-442 du 15 juillet 1975 prévoit ainsi que “les États membres

prennent des mesures appropriées pour promouvoir la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité”. Le principe de prévention a été également affirmé en matière de risques industriels majeurs, à la suite de la catastrophe écologique de Seveso, par la directive n° 82-501 du 24 juin 1982 selon laquelle “la meilleure politique consiste à éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances”, et “notamment les possibilités d’accidents par une intégration de la sécurité aux différents stades de la conception, de la production et de l’exploitation” ».

193 La stratégie du principe de prévention s’occupe de la lutte à la source de la pollution.

PRIEUR, Michel. Droit de l'environnement. Paris : Dalloz, 2011, p.101 : « La gestion

écologiquement rationnelle prônée par le PNUE exige, au lieu de réduire les rejets et les émissions de polluants, de s’attaquer à la source de la pollution en imposant une conception et une fabrication des machines et des produits qui n’engendrent pas ou très peu de nuisances lorsqu’on les fait fonctionner ou lorsqu’on les consomme. Pour réduire les déchets, il faut ne pas fabriquer de produits non recyclables. Pour lutter contre la pollution atmosphérique des véhicules, il faut imposer aux constructeurs de fabriquer des véhicules non polluants ».

194 Plusieurs directives européennes vont dans ce sens : la n°61/1996/CE règlemente les

conditions d’émissions dans l’air, l’eau et le sol, et spécifie l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Le règlement n°258/97 traite des nouveaux aliments et des nouveaux ingrédients alimentaires, et impose des procédures préalables d’autorisation mises en place par les États. Il y a fréquemment recours à une procédure communautaire commune.

de l’environnement, favoriser une harmonisation communautaire de la gestion de ces risques majeurs. Le « risque majeur » y est défini de la manière suivante : « [le risque majeur est] un événement tel qu’une émission, un

incendie ou une explosion de caractère majeur, en relation avec un développement incontrôlé d’une activité industrielle, entraînant un danger grave, immédiat ou différé, pour l’homme, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement et/ou pour l’environnement et mettant en jeu une ou plusieurs substances dangereuses ». La directive Seveso propose une définition stricte

du principe. Cette limitation empêche d’ailleurs de trouver une plus vaste liste d’exemples. Restent donc exclues les installations nucléaires, les installations minières, etc. Mis à part cet aspect, le texte prévoit trois obligations d’une certaine importance : prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les accidents majeurs, instituer une commission permanente et instaurer une procédure d’information.

Ces règles seront modernisées avec la directive Seveso 2 du 3 février 1997 qui harmonisera les dispositions en s’appliquant non seulement à tous les produits qui contiennent potentiellement des substances dangereuses, mais aussi à toutes les personnes propriétaires d’installations à risque. En 2012 elle sera de nouveau mise à jour par la directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012 dite directive Seveso 3. Cette dernière a pour objectif de remplacer le système de classification des substances dangereuses à partir du 1er janvier 2015. De plus,

elle met à jour les mesures qui ont démontré leur efficacité dans les deux versions précédentes.

En ce qui concerne l’information des citoyens, cette troisième version renforce les dispositions relatives à l’accès du public. Les habitants pourront, à travers un accès internet, obtenir des informations sur les installations de type Seveso situées à proximité de leur domicile, ainsi que sur les programmes et mesures d’urgence mis en place. De la même manière, ils pourront contester en justice certaines décisions lorsque leurs droits n’auront pas été respectés, par exemple lors de la construction de structures près de leur domicile.

La directive doit respecter une proportionnalité entre établissement de type Seveso à seuil haut (avec une quantité importante de matières dangereuses sur le site) ou à seuil bas (avec une quantité minime). Enfin, un nouveau

système de dérogation mis en place au niveau européen permettra de s’adapter aux nouveautés technologiques futures qui se présenteront dans ce domaine. Les principes de prévention et de précaution utilisent les mêmes techniques de mise en œuvre. Les différences entre les deux portent sur la certitude ou non du risque envisagé et sa nature.