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La pollution sonore (affaire C-120/10)

La pollution ne se limite pas à la diffusion de matière polluante dans l’atmosphère, tel qu’illustré dans les pages qui précèdent, mais elle existe également sous d’autres formes, telles que la pollution sonore. Le décollage et l’atterrissage des avions représentent un exemple de ce type de pollution dans le domaine des transports.

La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie afin de clarifier une situation qui concerne ce sujet et donner une interprétation de la directive 2002/30/CE, relative aux bruits provoqués par le transport aérien378.

A – La directive

Le préambule de la directive 2002/30/CE intéresse le transport durable. L’objectif fixé par ce texte d’une meilleure écologie dans le transport aérien sera atteint, selon le Parlement et le Conseil, à travers un compromis entre un système de transport performant, dans le public et dans le privé, et la prise en compte de la nécessité de la protection de l’environnement379.

Tel que précisé ci-dessus, le développement durable passe aussi par la réduction des nuisances sonores causées par le vol des aéronefs dans les zones limitrophes aux pistes.

Les institutions européennes souhaitent ainsi que le progrès technologique puisse, avec la production d’appareils moins polluants, faire avancer cette lutte contre les bruits excessifs380. De ce fait, une politique de restriction de la

378 Arrêt de la Cour (première chambre), 8 septembre 2011. European Air Transport SA contre

Collège d'Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et Région de Bruxelles-Capitale. Affaire C-120/10.

379 Le problème de la pollution sonore s’impose notamment dans les zones habitées, à la

différence de la pollution due aux émissions nocives qui, dans tous les cas, cause des problèmes, fut-elle proche ou non d’un centre habité. Il est toujours vrai que les émissions dans les centres habités sont plus dangereuses parce que directement en contact avec les citoyens. DIRECTIVE 2002/30/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, 26 mars 2002, (Alinéa (1) et (2)) : « Le

développement durable est un objectif fondamental de la politique commune des transports qui requiert une approche intégrée visant à garantir à la fois le bon fonctionnement des systèmes de transport de la Communauté et la protection de l'environnement ; le développement durable du transport aérien implique l'adoption de mesures visant à réduire les nuisances sonores causées par les aéronefs dans les aéroports où des problèmes de bruit particuliers se posent ». 380 Ibid. (Alinéa (6)) : « L'utilisation d'avions plus performants sur le plan environnemental peut contribuer à une exploitation plus efficace de la capacité aéroportuaire disponible et favoriser le développement des infrastructures aéroportuaires dans le respect des exigences du marché ».

pollution sonore est mise en place, de même que des règles plus sévères pour l’exploitation de ce moyen de transport381. L’objectif visé par la directive et les

institutions européennes est d’obtenir : « le plus grand bénéfice pour

l'environnement au moindre coût ».

Le principal but recherché est la mise en place de règles homogènes concernant la réduction du bruit causé par le passage des avions. Cela passe notamment par le fait de créer un système qui permette une réduction efficace et quantifiable dans chaque aéroport et trouver ainsi un équilibre avec les exigences qui sont demandées par le marché intérieur.

En relation avec l’arrêt C-120/10 de la Cour de justice, il est important de souligner la définition donnée à l’article 2 de la directive, relative aux « restrictions d’exploitations ». Ces restrictions entrent en jeu quand le bruit provoqué par l’avion, notamment des avions à réaction subsoniques, est d’une trop forte intensité, selon les paramètres techniques fixés par la directive elle- même. Ces restrictions peuvent être partielles, voir totales382.

L’article 2 donne également, aux alinéas (f) et (g), la définition de « parties intéressées ». Les personnes concernées ou susceptibles d’être concernées par l’application de certaines mesures de réduction de l’exploitation, dans des zones d’affectation précisément définies, sont nombreuses383. Ces mesures

d’approche aux problèmes de bruit doivent être équilibrées. Les États, selon

381DIRECTIVE 2002/30/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, relative à

l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, 26 mars 2002, (Alinéa (7)) : « L'adoption

d'un ensemble de règles et de procédures communes pour l'introduction de restrictions d'exploitation dans les aéroports communautaires dans le cadre d'une approche équilibrée de la gestion du bruit contribuera à assurer le respect des exigences du marché intérieur car des restrictions d'exploitation de même nature seront appliquées dans des aéroports présentant des problèmes de bruit comparables ».

382 En ce qui concerne la définition de restriction d’exploitation, voir : Ibid. (Article 2, Alinéa b et

Alinéa c) : « [définit] “restriction d'exploitation”, une mesure liée au bruit qui limite ou réduit

l'accès des avions à réaction subsoniques civils à un aéroport ; il peut s'agir de restrictions d'exploitation visant à interdire l'exploitation d'aéronefs présentant une faible marge de conformité dans des aéroports déterminés, ou de restrictions d'exploitation partielles, qui limitent l'exploitation des avions à réaction subsoniques civils selon la période de temps considérée » ; « avion à réaction subsonique civil », un avion dont la masse maximale au décollage est égale ou supérieure à 34.000 kilogrammes ou dont l'aménagement intérieur maximal certifié pour le type donné de l'avion comporte plus de 19 sièges passagers à l'exclusion de tout siège réservé à l'équipage ».

383 En ce qui concerne la définition d’aéroport, essentielle pour identifier les zones affectées par

la directive, voir : Ibid. (Article 2 Alinéa (a)) : « [définit] “Aéroport”, un aéroport civil dans la

Communauté dont le trafic excède 50.000 mouvements d'avions à réaction subsoniques civils par année calendaire (un mouvement étant un décollage ou un atterrissage), en tenant compte de la moyenne enregistrée au cours des 3 années calendaires précédant l'application des dispositions de la présente directive à l'aéroport concerné ».

l’opinion des institutions européennes, doivent évaluer les bruits engendrés par les avions dans chaque aéroport et identifier les effets prévisibles d’éventuelles mesures de restrictions. Une approche équilibrée doit prendre en considération le rapport entre les « coûts et avantages » que la mesure appliquée peut engendrer. En toute hypothèse, elle ne doit pas être plus restrictive que l’objectif de protection environnementale qui veut être atteint.

En ce qui concerne les règles à appliquer pour évaluer la situation de pollution sonore, l’article 5 de la directive renvoie à l’annexe II. Cette dernière clarifie la procédure à suivre, qui se compose d’une analyse de la situation actuelle et d’une deuxième phase de prévision de la situation future en l’absence de mise en œuvre des mesures nécessaires384. Sont ainsi pris en compte, dans les

évaluations menées, les avantages pour l’aéroport en matière d’impact que le bruit pourrait provoquer dans le cas où les mesures ne seraient pas appliquées, ainsi qu’une évaluation des coûts liés à l’application des changements anti- pollution. Enfin, l’annexe se préoccupe des mesures complémentaires, comme par exemple l’examen des solutions alternatives mises en œuvre dans d’autres aéroports limitrophes385.

L’article 6 de la directive fixe la date à partir de laquelle les avions trop polluants au niveau sonore devront cesser de fonctionner. Ainsi chaque exploitant est tenu de réduire le nombre de passages d’aéronefs qui ne seraient pas conformes aux mesures prises dans les six mois suivant leur application. Cette règle est tempérée par des exemptions pour des avions dont l’utilisation est exceptionnelle386. Une obligation de délai de préavis est aussi précisée à

l’article 11 de la directive. Les États qui adoptent des décisions visant à limiter la circulation des avions dans leurs aéroports internes sont tenus de le

384 En ce qui concerne les considérations à prendre avant la mise en place des mesures, voir :

DIRECTIVE 2002/30/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, 26 mars 2002, (Annexe II) : « (…)

Description de l'impact sur le niveau général de bruit au cas où aucune mesure supplémentaire ne serait prise, et des mesures déjà programmées pour atténuer cet impact sur la même période (…) ».

385 Ibid. (Annexe II) : « Évaluation de l'efficacité par rapport au coût ou du rapport coût/bénéfice de l'introduction de mesures spécifiques, compte tenu des effets socio-économiques des mesures sur les usagers de l'aéroport: exploitants (passagers et marchandises) ; voyageurs et collectivités locales ; un aperçu des effets possibles sur les plans de l'environnement et de la concurrence des mesures envisagées sur d'autres aéroports, exploitants et parties intéressées ».

386 Exemples de ces exceptions : Ibid. (Article 9) : « (…) aux aéronefs dont l'exploitation revêt un caractère si exceptionnel qu'il ne serait pas raisonnable de ne pas accorder d'exemption temporaire ; aux aéronefs effectuant des vols non commerciaux à des fins de modifications, de réparations ou d'entretien ».

communiquer aux autres États membres de l’Union dans un délai précis : un an ou six mois avant la mise en place de la mesure selon les caractéristiques de celle-ci387.

B – Les faits

La décision de la Cour (première chambre) du 8 septembre 2011 porte sur l’interprétation qu’il convient de donner à certaines dispositions de la directive précédemment évoquée. Il s’agit en particulier d’éclaircir la portée des articles 2, sous e), 4, paragraphe 4, et 6, paragraphe 2, suite à une amende de 56.113 euros infligée à EAT par l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement388. Ce dernier s’est vu administrer cette amende pour la

violation des limites de bruit produit par ses avions, notamment pendant les heures nocturnes.

Par la suite, cette société a introduit un recours auprès du collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale389. EAT a soulevé une

interrogation concernant la directive 2002/30/CE, qui a été reprise à travers une question préjudicielle par le Conseil d’État et adressée à la Cour de justice de l’Union européenne. Cette question est notamment centrée sur l’interprétation de l’article 6 de la directive.

387 En ce qui concerne la possibilité d’introduire des mesures plus restrictives pour la définition

des aéronefs, voir : DIRECTIVE 2002/30/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, 26 mars 2002, (Article 6) : « (…) les autorités gestionnaires des aéroports urbains répertoriées dans l'annexe I

peuvent introduire des mesures plus strictes en ce qui concerne la définition des aéronefs présentant une faible marge de conformité, à condition que ces mesures ne concernent pas les avions à réaction subsoniques civils qui satisfont, de par leur certificat d'origine ou à l'issue d'un renouvellement de certificat, aux normes acoustiques du volume 1, deuxième partie, chapitre 4, de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale ».

388 EAT : European Air Transport SA, société de transport aérien.

389 Pour le point de vue de la Cour sur les pouvoirs attribués aux autorités compétentes, voir :

Arrêt de la Cour (première chambre), 8 septembre 2011. European Air Transport SA contre

Collège d'Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et Région de Bruxelles-Capitale.

Affaire C-120/10, (Alinéa 18 et 19) : « (…) EAT a introduit un recours contre cette décision

devant le Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, qui a confirmé, par une décision du 24 janvier 2008, la sanction infligée par l’IBGE. Le 20 mars 2008, ladite société a alors introduit un recours devant le Conseil d’État contre le Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et la Région de Bruxelles-Capitale, en vue d’obtenir l’annulation de la décision du 24 janvier 2008. Elle a fait valoir, à cet égard, que l’arrêté du 27 mai 1999 viole les articles 4 et 6 de la directive 2002/30, en vertu desquels, d’une part, toutes les mesures de restrictions d’exploitation adoptées par les autorités compétentes, à savoir, dans l’affaire au principal, l’IBGE, doivent être fondées sur le bruit émis par l’aéronef, déterminé par la procédure de certification menée conformément au volume I de l’annexe 16 de la convention OACI, et, d’autre part, les autorités compétentes des États membres ne peuvent interdire ou limiter l’exploitation d’avions qui satisfont aux normes du chapitre 3 dudit volume, sauf s’il s’agit d’aéronefs présentant une faible marge de conformité avec ledit chapitre 3 ».

C – Questions et réponses

La Cour a donc été saisie d’une demande d’interprétation des articles 2, 4 et 6. La société EAT, sous le coup d’une amende en raison de l’application d’un règlement interne à l’État Belge, a réclamé une restriction d’exploitation. La Cour a repris le passage de la directive à l’article 2 alinéa e), où se trouve la définition de « restriction d’exploitation ». La question principale porte sur le fait de savoir si les limites maximales de nuisance sonore mesurées au sol, peuvent être considérées comme une « restriction d’exploitation ». Cette dernière est définie par la directive et par l’interprétation préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne comme « une interdiction d’accès à l’aéroport

concerné, interdiction qui peut être totale ou partielle »390. Une réglementation

environnementale qui contrôle le niveau sonore au sol, en imposant des limites maximales, ne constitue donc pas une restriction d’exploitation selon les termes de la directive 2002/30/CE.

La Cour (première chambre) conclue que : « L’article 2, sous e), de la directive

2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, (…) doit être interprété en ce sens qu’une “restriction d’exploitation” constitue une mesure prohibitive totale ou temporaire interdisant l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport d’un État membre de l’Union. Par conséquent, une réglementation nationale en matière d’environnement, qui impose des limites maximales de nuisance sonore mesurée au sol, à respecter lors du survol de territoires situés à proximité de l’aéroport, ne constitue pas, en tant que telle, une «restriction d’exploitation» au sens de cette disposition, à moins que, en raison des contextes économique, technique et juridique pertinents, elle puisse avoir les mêmes effets qu’une interdiction d’accès audit aéroport ».

L’attention portée sur une forme de pollution autre que l’émission de gaz nocifs pour l’atmosphère confirme une réflexion toujours croissante de la part des institutions européennes sur le phénomène environnemental. Cette attention trouve ses fondements dans la seconde moitié du vingtième siècle et voit dans la dernière décennie une accélération, aboutissant ainsi à la protection contre toutes les formes de pollution, y compris la pollution sonore.

390 Arrêt de la Cour (première chambre), 8 septembre 2011. European Air Transport SA contre Collège d'Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale et Région de Bruxelles-Capitale.

Paragraphe 3 – La pollution des navires (affaire C-343/09