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Le respect des limites (affaire C-68/11)

Le premier arrêt examiné concerne une situation de dépassement des limites de pollution de la part de la République Italienne, cas qui est traité par la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil.

A – La directive

La directive ci-dessus mentionnée vise à : « définir et à fixer des objectifs

concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble (…) »364. Cette directive, notamment dans ses annexes techniques, fixe avec

précision les pourcentages et les valeurs critiques de pollution acceptés dans les différentes zones du territoire de l’Union. Un exemple clair est donné dans l’annexe VIII, qui prévoit dans le détail les critères de classification et d’implantation des points de prélèvement pour l’évaluation des concentrations d’ozone [voir infra en note fig. 9].

Cette directive vise à établir des critères communs pour la qualité de l’air et stipule que ces critères doivent être communiqués au public. Le but est de préserver l’environnement tout en informant les habitants des niveaux d’émissions polluantes. Ce faisant, elle contribue à alimenter une sorte de conscience collective, active et sensible aux problèmes qu’un niveau de pollution trop élevé peut causer, notamment pour la santé des habitants365.

L’alinéa 7 du deuxième article de la directive est intéressant notamment de par la définition qu’il donne de “marge de dépassement”, à savoir : « le pourcentage

de la valeur limite dont cette valeur peut être dépassée dans les conditions fixées par la présente directive » 366 . Le document permet également

l’évaluation de différents seuils d’appréciation en donnant la définition de seuil

364 DIRECTIVE 2008/50/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, concernant la

qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, 21 mai 2008, (Article premier, Alinéa 1).

365 Ibid. (Article premier, Alinéa 2, 3, 4, 5, 6,) : « (…) [vise] à évaluer la qualité de l’air ambiant dans les États membres sur la base de méthodes et de critères communs ; à obtenir des informations sur la qualité de l’air ambiant afin de contribuer à lutter contre la pollution de l’air et les nuisances et de surveiller les tendances à long terme et les améliorations obtenues grâce aux mesures nationales et communautaires ; à faire en sorte que ces informations sur la qualité de l’air ambiant soient mises à la disposition du public ; à préserver la qualité de l’air ambiant, lorsqu’elle est bonne, et à l’améliorer dans les autres cas ; à promouvoir une coopération accrue entre les États membres en vue de réduire la pollution atmosphérique ».

d’alerte, qui correspond à « (…) un niveau au-delà duquel une exposition de

courte durée présente un risque pour la santé humaine de l’ensemble de la population et à partir duquel les États membres doivent immédiatement prendre des mesures (…) »367. En ce qui concerne les critères d’évaluation, ceux-ci

trouvent leur légitimité dans l’article 6, qui confirme les dispositions des annexes et ajoute des méthodes d’analyse pour la mesure des niveaux d’émissions368. Les critères d’évaluation mettent en relation les résultats donnés

par les installations, décrites minutieusement dans les annexes de la directive, avec les seuils d’alerte. Cela est fait afin de vérifier, sur un arc temporel déterminé, la qualité de l’air d’un territoire de l’Union et, ce faisant, d’enregistrer l’évolution dans les différentes zones européennes, souvent sujettes aux dépassements des seuils d’alerte, pour pouvoir, par la suite, élaborer des stratégies de défense.

La responsabilité du contrôle est attribuée aux États membres. Ces derniers ont pour tâche d’évaluer la qualité de l’air, garantir les mesures, coordonner les programmes européens sur leur territoire et coopérer avec les autres États et la Commission. De même, ce sont les États qui doivent se préoccuper de la mesure des particules et informer la Commission d’éventuels dépassements et des moyens mis en place pour y faire face369.

En synthèse, ce sont les États membres qui doivent : veiller à ce que la qualité de l’air soit précisément conforme à ce qui est établi dans les annexes de la

367 DIRECTIVE 2008/50/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, concernant la

qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, 21 mai 2008, (Article 2, Alinéa 11, 12, 13) :

« (…) “seuil d’information” : un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine des groupes particulièrement sensibles de la population et pour lequel des informations immédiates et adéquates sont nécessaires ; “seuil d’évaluation supérieur” : un niveau en delà duquel il est permis, pour évaluer la qualité de l’air ambiant, d’utiliser une combinaison de mesures fixes et de techniques de modélisation et/ou de mesures indicatives ; “seuil d’évaluation inférieur” : un niveau en delà duquel il est suffisant, pour évaluer la qualité de l’air ambiant, d’utiliser des techniques de modélisation ou d’estimation objective ». 368 Les États membres sont libres de convenir l’installation de stations communes, voir : Ibid. (Article 6, Alinéa 5) : « (…) un point de prélèvement est installé par 100 000 km2 ; chaque État membre crée au moins une station de mesure ou peut convenir avec les États membres limitrophes de créer une ou plusieurs stations de mesure communes, couvrant les zones contiguës concernées, afin d’atteindre la résolution spatiale nécessaire ; le cas échéant, la surveillance est coordonnée avec la stratégie de surveillance et le programme de mesure du programme concerté de surveillance continue et d’évaluation du transport à longue distance des polluants atmosphériques en Europe (EMEP) (…) ».

369 En ce qui concerne la pollution transfrontalière, voir : Ibid. (Article 25, Alinéa 4) : « Lorsque le seuil d’information ou les seuils d’alerte sont dépassés dans des zones ou agglomérations proches des frontières nationales, des informations sont fournies dès que possible aux autorités compétentes des États membres voisins concernés. Ces informations sont également mises à la disposition du public ».

directive ; informer le public ; faire un rapport à la Commission ; mettre en œuvre ce qui est défini et les sanctions qui doivent être appliquées en cas de non-respect de la directive370.

B – Les faits et les recours

Les faits qui mènent à la décision dans l’affaire C-68/11 se déroulent de la façon suivante. La Cour européenne, sur demande de la Commission, est chargée d’examiner les niveaux de pollution dans différentes zones et agglomérations italiennes. Or, d’après cette vérification, la République Italienne

370 Fig. 9 - DIRECTIVE 2008/50/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL,

concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, 21 mai 2008, (annexe VIII, extrait). Cet extrait précise les critères de classification et d’implantation des points de prélèvement pour l’évaluation des concentrations d’ozone. Il est important de remarquer que pour chaque type de territoire existant dans l’ensemble des États de l’Union il est prévu un système différent pour la mise en place de procédés de macro- implantation.

a failli au contrôle sur le dépassement des limites garanties par la directive 2008/50/CE, en particulier en ce qui concerne le contrôle sur les : « valeurs

limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant »371.

La directive examinée dans la première section de ce paragraphe spécifie à l’article 5 les obligations qui incombent aux États membres qui se sont engagés au respect des limites liées aux émissions polluantes. La directive ci-dessus mentionnée insiste aussi sur les délais dans lesquels les autorités doivent informer et donner communication des dépassements des niveaux de pollution372.

La Commission, après avoir pris connaissance du dépassement sur le territoire italien, en informe cet État par lettre recommandée. L’Italie ne donne aucune explication et ne s’oppose pas en présentant une demande d’exemption (suivant le titre 22 de la directive 2008/05). Le 6 juillet 2010, un an après l'avertissement de la Commission, la République Italienne répond à un deuxième avis, et communique l’intention du gouvernement de mettre en place une série de réformes suffisantes pour stopper les dépassements et redescendre sous des seuils de pollution acceptables dans les territoires identifiés373.

Cependant, l’Italie, dans une lettre du 25 août 2010, admet ne pas avoir réussi à atteindre l’objectif imposé par la directive. De ce fait, l’État italien essaye de

371 Arrêt de la Cour (première chambre), 19 décembre 2012. Commission européenne contre République italienne. Affaire C-68/11.

372 La Commission prend en considération les effets d’un excès de pollution, au delà des seuils

permis, voir Ibid. (Alinéa 16) : « (…) Les États membres notifient à la Commission les zones ou

agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures communautaires actuelles et des mesures prévues, que doit proposer la Commission. En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies. En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux ».

373En particulier, les territoires visés sont différentes régions italiennes : Arrêt de la Cour

(première chambre), 19 décembre 2012. Commission européenne contre République italienne. Affaire C-68/11 (Alinéa 25) : « Dans sa décision du 28 septembre 2009, la Commission a émis

des objections à la demande présentée par la République italienne le 27 janvier 2009 en ce qui concerne 62 des 67 zones recensées par la République italienne et situées dans les Régions de l’Émilie-Romagne, du Frioul Vénétie Julienne, du Latium, de Ligurie, de Lombardie, des Marches, de l’Ombrie, du Piémont, de Toscane et de Vénétie, ainsi que dans la province autonome de Trente ».

mettre en œuvre la procédure d’exemption de l’article 22 de la directive 2008/05. La Commission estime toutefois que la documentation fournie par l’État n’est pas suffisante et introduit à l’encontre de l’État italien une

procédure de recours après absence d’une étude d’incidence sur les

territoires concernés.

La Commission reproche à l’Italie de ne pas avoir rendu les niveaux de PM10 adéquats aux seuils fixés par la directive. L’Italie réplique par plusieurs arguments parmi lesquels le fait que le PM10 ne figure pas dans les valeurs définies et que la Commission ne prendrait pas en compte les facteurs météorologiques et d’ordre naturel. L’État Italien estime par ailleurs qu’il n’y a pas une connaissance technique suffisante du phénomène pour fixer de véritables délais374. La Commission est d’un avis différent. Selon elle, la

situation italienne reproduit une situation de dépassement avec un « caractère

constant et systémique »375.

Cependant, de son côté, la Commission ne précise pas si le dépassement est vérifié dans un laps de temps limité. Elle affirme simplement qu’il existe un dépassement à plusieurs reprises sur une période de plusieurs années376. Le

374 Arrêt de la Cour (première chambre), 19 décembre 2012. Commission européenne contre République italienne. Affaire C-68/11, (Alinéa 41) : « La République italienne considère qu’il existe au moins cinq raisons pour lesquelles les valeurs limites applicables aux concentrations de PM 10 n’ont pas été respectées dans les délais impartis, à savoir, premièrement, la complexité du phénomène de formation des PM 10, deuxièmement, l’influence de la météorologie sur les concentrations atmosphériques de PM 10, troisièmement, des connaissances techniques insuffisantes du phénomène de formation des PM 10 qui ont conduit à fixer des délais trop courts pour le respect de ces valeurs limites, quatrièmement, le fait que les différentes politiques de l’Union européenne en vue de réduire les précurseurs des PM 10 n’ont pas produit les résultats escomptés et, cinquièmement, l’absence de lien entre la politique de l’Union concernant la qualité de l’air et, notamment, celle visant à réduire les gaz à effet de serre ».

375 Ibid. (Alinéa 45) : « De même, dans ses décisions des 28 septembre 2009 et 1er février 2010, la Commission aurait relevé l’absence d’informations fournies par la République italienne, en application de l’article 20 de la directive 2008/50, quant à la contribution des sources naturelles dans le dépassement des valeurs limites applicables aux concentrations de PM 10 dans les zones concernées. Par ailleurs, si la République italienne a présenté quelques plans régionaux à la Commission, elle ne lui aurait toujours pas présenté un plan national pour la qualité de l’air ».

376 Ibid. (Alinéa 52 et 53) : « (…) la Commission ne précise pas, ni dans les conclusions de sa requête, ni dans les motifs de celle-ci, les années pour lesquelles le manquement est reproché. En effet, elle se borne à relever que la République italienne a dépassé les valeurs limites applicables aux concentrations de PM 10 “pendant plusieurs années consécutives”. Elle allègue qu’il s’agit d’un manquement actuel et que la décision de la Cour doit porter sur le présent et non sur le passé, sans préciser la période visée . Dans ces conditions, force est de constater que l’absence d’indication d’un élément indispensable du contenu de la requête introductive d’instance, tel que la période pendant laquelle la République italienne aurait violé, selon les allégations de la Commission, le droit de l’Union, ne répond pas aux exigences de cohérence, de clarté et de précision ».

raisonnement de la Commission manquerait, selon la Cour, de « cohérence, de

clarté et de précision ». Néanmoins, cette dernière retient le recours comme

recevable, considérant suffisantes les motivations de la Commission qui peut déduire le dépassement de la part de la République italienne, mais seulement pour la période de 2005 à 2007. Il s’agit de la seule période suffisamment documentée. Le texte de loi est valable uniquement pour les années pour lesquelles la Commission a pu vérifier la réalité du manquement, cela se limite donc à avant 2008. La directive qui s’applique en l’espèce est par conséquent la directive qui précède la 2008/50/CE, c’est-à-dire la directive 1999/30/CE. Enfin, l’Italie oppose un cas de force majeur qui est rejeté par la Cour comme insuffisamment motivé.

C – Conclusions et évaluations

La Cour décide, pour les années 2006 et 2007, d'engager la responsabilité de la République Italienne pour avoir omis de veiller à ce que le dépassement de PM10 ne surpasse pas les limites imposées par la directive de 1999 (reprises par la suite dans la directive de 2008)377.

L’arrêt de la Cour de justice européenne, bien que limité à deux ans d’observation, confirme deux éléments.

Premièrement, cela confirme l’intérêt de l’Union européenne et de ses cours

pour les questions environnementales. Si d’un côté la formulation des documents sans valeur contraignante (i.e. communications et résolutions) peut entraîner quelques doutes sur l’action concrète contre la pollution au niveau de l’Union, l’arrêt de la Cour ici examiné, permet de vérifier l’effectivité au niveau du contrôle et le résultat du travail communautaire, avant et après l’activité législative.

377 Arrêt de la Cour (première chambre), 19 décembre 2012. Commission européenne contre République italienne. Affaire C-68/11, (Dispositif) : « Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête : 1) En ayant omis de veiller à ce que, pour les années 2006 et 2007, les concentrations de PM 10 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant, dans les 55 zones et agglomérations italiennes visées dans la mise en demeure de la Commission européenne du 2 février 2009, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition ; 2) Le recours est rejeté pour le surplus ; 3) La Commission européenne et la République italienne supportent chacune leurs propres dépens ».

Deuxièmement, l’action de la Cour permet de réelles améliorations et cela en

accord avec les initiatives de la Commission. Cela se retrouve notamment concernant l’action menée contre les émissions de substances nocives telles que l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant. Avec la vérification des dépassements des seuils d’alerte, les institutions européennes mettent en œuvre, à travers l’action de leurs Tribunaux, une protection concrète de la santé des citoyens de l’Union, sous forme de décisions de justice. Des cas comme l’affaire C-68/11 en sont un exemple.