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D’un principe politique à une norme coutumière régionale

L’étude de l’évolution normative de l’uti possidetis est riche d’enseignements sur les méandres mystérieux par lesquels s’entrelace le processus coutumier en droit international137. L’uti possidetis constitue un paradigme particulièrement topique des difficultés d’appréhension du passage de la “régularité à la règle”138 en empruntant une formule de Jean Combacau, notamment lors des prémisses de ce phénomène. La coutume est beaucoup plus “évanescente pour le juriste, elle ressemble à un mirage qui s’éloigne au fur et à mesure que l’on tente de l’approcher”139. En effet, les auteurs se sont longtemps interrogés sur le point de savoir si l’uti possidetis de facto et de juris, étaient deux principes différents ou d’une exégèse différenciée d’un même et unique principe. Dans la première des hypothèses, il importait de se demander si cela engendrait une incidence sur la constatation des précédents dans le temps et dans l’espace. La seconde impliquait de s’interroger sur la nature des relations entre les deux versions. Leurs rapports étaient-ils hiérarchisés, complémentaires, conflictuels (ou même contraires) ?

Au cœur de sa genèse, le principe de l’uti possidetis a vu s’affronter des interprétations opposées qui demeurent encore vivaces aujourd’hui, accentuant ainsi la complexité de la formation normative140. Originairement doté d’une simple portée politique, dont l’application et ses effets corrélatifs reposaient uniquement sur l’expression de la volonté des Etats, l’uti possidetis s’est vu progressivement, au fil des années, reconnaître les caractéristiques d’une norme coutumière régionale. Le juge Jessup avait d’ailleurs considéré que “l’uti possidetis to constitute perhaps the prime example of regional (i.e. American) international law”141.

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B. Stern, “La coutume au cœur du droit international quelques réflexions”, Le droit international : unité et diversité Mélanges Paul Reuter, Paris, Pedone, 1981, pp. 479-499, S. Sur, “La coutume internationale. Sa vie, son œuvre”, Droits, 1986, pp. 111-124.

138 J. Combacau, “Ouverture : de la régularité à la règle”, Droits, pp. 3-10. 139

E. Decaux, Droit international public, op. cit., p. 40. 140

Sur cette question, P. Klein affirmait ainsi que “l’apparente simplicité du principe se voit contredite par la complexité de la notion, qu’illustrent tant l’évolution du sens de l’expression au fil du temps, que la multiplicité des fonctions qui lui ont été attribuées.” P. Klein, “Les glissements sémantiques et fonctionnels de l’uti possidetis”, in Démembrements d'Etats et délimitations territoriales : l'uti possidetis en question(s), op. cit., p. 299.

141 P. C. Jessup, “Diversity and Uniformity in the law of Nations”, AJIL 1964, vol. 58, p. 347. Rapporté par J. Klabbers and R. Lefeber, Peoples and minorities in international law, op. cit., p. 54.

La conjonction de l’élément matériel consuetudo à l’élément psychologique opinio

juris sive necessitatis s’est trouvée retardée par une confusion sémantique expliquant ainsi

le caractère relativement récent de l’identification coutumière par la doctrine ou, dans une moindre mesure, par la jurisprudence (§2). A travers l’uti possidetis se sont affrontées deux acceptions antithétiques(§1). Par conséquent, suivant que l’on faisait terminer cette expression par le terme juris ou de facto, les Etats lui attribuaient un sens antinomique.

§1 La dualité des versions de l’uti possidetis

Originellement circonscrite aux Etats issus de la même puissance coloniale, l’Espagne, l’applicabilité de l’uti possidetis fut cependant rapidement étendue, par nécessité, aux relations entre le Brésil et les Etats limitrophes. Cet élargissement fut la source d’interprétations contrastées. A cette locution latine, les Etats opposés sur le tracé des nouvelles frontières ont chacun adjoint un complément – juris pour les Etats hispaniques, de facto pour le Brésil – afin de favoriser chacun leurs intérêts.

A) L’uti possidetis juris

Aux termes du premier, la délimitation s’effectue en vertu d’un titre juridique142, alors qu’à ceux du second l’occupation effective constitue le critère déterminant ; le Brésil considérant qu’aucun des Traités célébrés entre l’Espagne et le Portugal143 n’était plus juridiquement valable au jour de l’accession à l’indépendance. De plus, l’uti possidetis

juris donna lieu à une subdivision : deux déclinaisons, spatio-temporelles distinctes, entre

celui de 1810 pour l’Amérique du Sud et celui de 1821 pour l’Amérique centrale, ce qui engendrera des incidences sur la détermination de la date critique pour la fixation des frontières, nous y reviendrons.

142 E. Ayala relève une définition d’un auteur colombien : “Le domaine territorial (des Etats ibéros- américains) doit être limité par lignes frontières, tracées en accord avec les dispositions royales espagnoles relatives aux divisions coloniales, et en vigueur à l’époque de l’émancipation des colonies, ou bien, en accord avec les traités publics, signés par l’Espagne. En conséquence pour fixer les frontières de droit il n’y a d’autres titres valides que les actes du gouvernement espagnol qui ont servi à déterminer la juridiction politique des vice-royautés ou capitaineries générales du Continent sous sa domination, ainsi que les traités publics avec d’autres nations sur la matière.”, in “Le principe de l’ « uti possidetis » et le règlement des questions territoriales en Amérique”, op. cit., p. 443.

143 Le Traité de Madrid de 1750 ainsi que les conventions complémentaires et les travaux de démarcation avaient été déclarés “révoqués, nuls et non avenus, comme s’ils n’avaient jamais existé” le 12 février 1761 par le Traité de El Pardo ou le traité de San Ildefonso du 1er octobre 1777 annulé par la guerre survenue entre les deux puissances coloniales en 1801. cf. J. Barberis “La conception brésilienne de l’uti possidetis”, in E. Yakpo & T. Boumedra, Liber Amicorum Mohamed Bedjaoui, 1999, Kluwer Law International, pp. 49-62 ou J. Barberis, “Les règles spécifiques du droit international en Amérique latine”, op. cit., pp. 134-135.

La perception doctrinale, notamment européenne, au début du XXe siècle, en l’absence d’une homogénéité de la notion de l’uti possidetis, fut donc de prime abord assez négative. Aussi ne faut-il pas s’étonner du jugement sans concession de Paul de La Pradelle144 qui influencera pendant des générations de très nombreux internationalistes.

Alors que le support d’un titre juridique pour la première déclinaison pouvait laisser présager une utilisation plus aisée de cet instrument de droit international, il n’en a rien été. Ainsi, lorsqu’il a fallu déterminer précisément, à l’occasion de litiges, la valeur des titres juridiques, nombreux furent les Etats restant en désaccord sur leur signification. L’intervention du juge ou de l’arbitre n’en devenait que plus nécessaire et impérieuse. Une des explications réside très certainement dans la polysémie frappant le vocable « titre » en droit international public145 tant sur le plan doctrinal que le plan jurisprudentiel.

Pour le premier plan – concernant les auteurs et afin de nous rendre compte de cette difficulté sémantique – nous pouvons nous référer au Dictionnaire de droit international

public, élaboré sous la direction de Jean Salmon. Celui-ci ne relève pas moins de cinq

significations dont trois concernent spécifiquement notre propos146. L’on distingue ainsi, comme dans le droit romain, le « titre-cause » (negotium juris) relatif au fondement, à l’origine substantielle d’un droit, du « titre-mode » qui correspond à l’opération juridique constituant une modalité d’attribution d’un droit et du « titre-preuve » (instrumentum) expression qui renvoie à une définition reprise du dictionnaire Basdevant147 : « Document invoqué en vue d’établir l’existence d’un droit ou d’une qualité ». L’utilisation de termes identiques n’induit pas forcément une similitude au niveau de la signification et surtout au plan des effets. En droit international il est alors question de souveraineté, pouvoir qui s’exerce directement sur des hommes et non de propriété pouvoir sur des choses. Or cela fait déjà bien longtemps, en droit international, que la conception patrimoniale héritée de la tradition monarchique de cette notion – ainsi caractérisée – apparaît comme surannée (cf.

supra Introduction).

144 “Le principe d’uti possidetis doit être rejeté en droit pour l’incorrection juridique de son fondement. Présenté par la Colombie sous la formule uti possidetis juris le principe américain ou « colonial » est vicié dans son origine. Il repose sur une affirmation contradictoire : l’uti possidetis renvoie à un titre, non au fait de la possession. Présenté par le Brésil sous la formule uti possidetis de facto, il est dans la forme un pléonasme et se confond pour le fond avec le principe de l’occupation”. P. de La Pradelle, La frontière, op. cit., pp. 86- 87.

145 Cf. G. Distefano, “La notion de titre juridique et les différends territoriaux dans l’ordre international”, RGDIP, 1995, pp. 335-366.

146 J. Salmon, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p. 1084. 147

Selon cette théorie, l’Etat, nous l’avons vu, – confondu avec la personne du Prince – exercerait un droit réel de droit public, un dominium. Poussée au bout de sa logique, elle amène à penser qu’un Etat pourrait aliéner son territoire sans pourtant disparaître. C’est pourtant faire fi de la place essentielle du territoire dans la naissance et l’existence de l’Etat. C’est pourquoi la théorie du territoire objet, soutenue en son temps par Paul Fauchille ou Hersch Lauterpacht, a été largement critiquée et est aujourd’hui considérée comme étant dépassée148. D’aucuns ont même cru pouvoir déceler une application de cette théorie dans la pratique à travers l’institution du condominium149 par lequel deux ou plusieurs Etats s’engagent à exercer les compétences étatiques de façon collégiale souvent de manière paritaire. L’histoire nous procure des exemples de ce régime juridique d’exception caractérisé par l’exercice de cette souveraineté indivise selon Politis sur un territoire et aucunement sur un Etat. L’on connaît bien le condominium franco-britannique exercé sur le Vanuatu avant que ce territoire n’accède à l’indépendance en 1980, appelé alors les Nouvelles-Hébrides. De même – autre cas bien connu et souvent cité dans les manuels de droit international public– celui de l’île des Faisans à proximité de l’embouchure de la Bidassoa soumise au condominium de franco-espagnol depuis la Convention de Bayonne du 2 décembre 1856. Dans toutes ces situations, le territoire placé sous condominium n’est sous la souveraineté territoriale d’aucun Etat puisque pour tous, il reste un territoire étranger.

Cependant, le terme même a été sujet à discussion. En effet, littéralement cela signifie co-souveraineté. Plus exactement le préfixe latin con indique « avec » et le terme

dominium trouve comme traduction « souveraineté ». La Cour internationale de justice a eu

l’occasion dans son arrêt du 11 septembre 1992 d’expliquer “ que le mot « condominium », en tant que terme technique utilisé en droit international, désigne en général, précisément, ce genre de système organisé, mis en place en vue de l’exercice en commun de pouvoirs

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Pour J. Barberis, “la critique qui, depuis sa formulation, a été adressée à cette conception tient à ce qu’elle fait apparaître le territoire comme quelque chose d’étranger à la personnalité de l’Etat. A l’instar d’un individu qui peut se détacher d’une chose sans que sa personnalité en soit affectée, l’Etat pourrait, d’une manière analogue, céder son territoire. La critique estime que la relation entre l’Etat et son territoire ne saurait être considérée comme un droit réel et, par conséquent, cette conception ne constituerait pas une description fidèle de la réalité juridique”. In “Les liens juridiques entre l’Etat et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit international”, AFDI, 1999, p. 137.

149 Cf. pour une théorie du condominium, Ch. Rousseau qui distingue deux types de condominium : le frontalier et le colonial, Droit international public, op. cit., pp. 22-30.

gouvernementaux souverains sur un territoire ; situation qu’il serait peut-être plus juste d’appeler co-imperium”150.

La Cour internationale de justice approuva ces différentes définitions quand elle se trouva confrontée à cette difficulté. Elle constata à deux reprises lors de l’affaire du

différend frontalier Burkina Faso c/ Mali que les parties “ont fait usage de ce terme en des

sens divers”151 ou lors de l’affaire différend frontalier terrestre, insulaire et maritime El

Salvador c/ Honduras que “le mot « titre » a en fait, dans la présente instance, été parfois

employé de telle manière qu’on ne sait pas très bien parmi ses divers sens possibles lequel lui attribuer”152. En 1992, déclarant que le mot « titre » ne renvoie pas uniquement à une preuve documentaire, elle confirme l’observation rendue par la Chambre, en 1986, laquelle déclarait que “la notion de titre peut également et plus généralement viser aussi bien tout moyen de preuve susceptible d’établir l’existence d’un droit que la source même de ce droit”153.

De plus, il existait encore très récemment une controverse doctrinale sur la signification de l’emploi par la jurisprudence du terme juris. Affirme-t-il la primauté du titre juridique sur la possession effective comme il convient de conclure à partir de la lecture de l’arrêt de la CIJ rendu en 1986154 ou renvoie-t-il simplement au droit colonial155 comme le laisserait à penser l’arrêt de 1992 ? Les deux perspectives sont pourtant indubitablement antithétiques.

En effet, dans la première hypothèse, la Cour l’a déclaré : “[L]e droit international ne fait-il aucun renvoi au droit établi par un Etat colonisateur non plus qu’à aucune règle juridique établie unilatéralement par un Etat quelconque”156. Cette même position, toute de circonspection et de prudence avec ce droit interne sera préalablement rappelée par la Cour au §28 de son arrêt du 12 juillet 2005. Elle s’attache à reprendre in extenso le §30 de l’arrêt

150 CIJ, Différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime, El Salvador c/ Honduras, arrêt du 11 septembre 1992, Rec. 1992, pp. 597-598, §399

151

CIJ, Rec. 1986 p. 564, §18. Elle assura qu’“il est à peine besoin de rappeler que ce n’est pas là [la compréhension du titre comme preuve documentaire] la seule acception du mot « titre »”.

152 CIJ, Rec. 1992, p. 388, §44. 153 CIJ, Rec. 1986, op. cit. 154

“Le génitif juris, accorde au titre juridique la prééminence sur la possession effective comme base de souveraineté”, CIJ, Rec. 1986, p. 566, §23.

155 M. Kohen, “L’uti possidetis revisité : l’affaire du 11 septembre 1992 dans l’affaire El Salvador / Honduras”, RGDIP, 1993, pp. 950-951.

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Elle ajoute que “le droit interne français (et plus particulièrement celui que la France a édicté pour ses colonies ou territoires d’outre-mer) peut intervenir, non en tant que tel (comme s’il y avait un continuum juris, un relais juridique entre ce droit et le droit international), mais seulement comme un élément de fait, parmi d’autres, ou comme moyen de preuve et de démonstration de ce qu’on a appelé le « legs colonial », c’est-à-dire de l’ « instantané territorial » à la date critique”. Rec. 1986, p. 568, §30.

de 1986 dans l’affaire du Différend territorial Bénin/Niger avant de procéder à un examen minutieux “du droit colonial français dit « d’outre-mer » ”157.

Ainsi Georges Abi Saab, reprochant “une analyse par trop détaillée du droit colonial”, a affirmé dans son opinion individuelle jointe à l’arrêt qu’“on ne saurait, par conséquent, trouver par ce biais, en droit international contemporain -même de manière indirecte- une quelconque légitimation rétroactive de l’institution coloniale”158. L’on sait que cette pratique était originellement reconnue par la Charte des Nations unies. Celle-ci, continuatrice du système des mandats (B et C) de la SdN – il importe de le souligner – ne prohibait pas le principe du colonialisme ; pis, elle prévoyait juridiquement les différentes modalités administratives de prorogation. Ce système mettait d’ailleurs en place une réglementation peu contraignante du pouvoir colonial. Il faut déceler dans ces deux systèmes le primat du facteur spatial sur la dimension humaine. Ce sont en effet juridiquement des territoires et non des populations que l’on place sous mandat ou plus tard sous tutelle dans le cadre des Nations unies. Si le classement du territoire en question parmi les catégories A, B, C était néanmoins fonction prioritairement du degré de développement des populations vivant sur ce territoire, il était également tenu compte de la situation géographique (retour ou maintien d’un critère territorial). La terminologie usitée à l’article 22 du Pacte de la Société des Nations, dont le grand inspirateur fut le Général sud- africain Smooth, est à ce titre significative – le §4 concernant la première catégorie parle “des communautés qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman”, le §5 à propos de la deuxième ne connaît que les “peuples spécialement ceux de l’Afrique centrale”, le §6 n’évoque pour la troisième que “des territoires”.

Cette classification graduelle démontre clairement la dialectique entre les critères humains et territoriaux. Ce système, rompant philosophiquement avec le régime colonial antérieur ou celui des protectorats, amorçait pourtant l’intégration de finalités humaines à ce découpage géographique car originellement et textuellement il répondait à «une mission

157 CIJ, Rec., 2005, p. 23, §28. De plus, elle prend soin de réitérer : “Ainsi qu’il a été relevé plus haut (voir paragraphe 28), dans l’application du principe de l’uti possidetis juris, le droit français n’intervient pas en tant que tel, mais seulement comme un élément de fait parmi d’autres, ou comme moyen de preuve et de démonstration concernant ce que l’on a pu appeler le «legs colonial» à la date critique.” §46.

158 CIJ, Rec. 1986, p. 659, §4. G. Abi Saab répond indirectement à M. Luchaire qui dans son opinion individuelle déclare qu’“il ne faut pas négliger une opinion – respectable comme toutes les opinions, qu’on les partage ou qu’on ne les partage pas – d’après laquelle l’indépendance n’est pas le contraire de la colonisation mais son parfait achèvement, surtout lorsqu’elle a été acquise sans combat contre l’autorité administrante qui a ainsi facilité le progrès culturel, économique, social et politique des populations intéressées, c’est-à-dire les conditions mêmes d’une véritable indépendance”. p. 652.

sacrée de civilisation »159 contrôlée par une Commission permanente chargée d’informer périodiquement le Conseil de la SdN. Progrès notable mais qu’il convient toutefois de resituer dans la pratique de la colonisation. Les Etats européens ont toujours su afficher une justification morale ou un prétexte religieux pour couvrir sinon dissimuler l’exploitation, véritable motif d’une telle entreprise. Le mandat a été reconnu par la Cour internationale de justice comme une institution internationale à laquelle était assignée une finalité humaine : répondre à l’intérêt des habitants du territoire concerné.

Après la Seconde Guerre mondiale, les chapitres XI et XII, aujourd’hui tombés en désuétude et obsolètes sur le plan pratique, organisaient respectivement le régime des territoires non autonomes (article 73 et 74) et des territoires sous tutelle (article 75 à 85), le chapitre XIII étant consacré au Conseil des tutelles160. C’est donc du critère territorial prédominant que procédait l’application d’un régime juridique précis et plus strict.

Ainsi l’article 77 reflète bien la prédominance du principe territorial sur le substrat humain en déterminant les territoires pour lesquels le régime des tutelles était applicable161. Si l’article 73 posait des objectifs économiques, sociaux et culturels pour assurer le développement et garantir “la primauté des intérêts des habitants”, il établissait

159 L’article 22 du Pacte de la SdN, dont la formulation “n’est pas un modèle de rédaction juridique” dixit H. Rolin, fruit d’un compromis entre les thèses antinomiques des Etats-Unis initiée par le Président Wilson et les Etats européens, dispose que “

1. Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre ont cessé d’être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d’incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l’accomplissement de cette mission.

2. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité […]”. In C. A. Colliard et A. Manin, op. cit., p. 39. La vision progressiste et ouverte de ce système voulu par Wilson comme propédeutique à l’indépendance n’a pas prévalu mais au contraire a été dépassée par une conception conservatrice utilisant le système des mandats comme un carcan contre le développement des populations et ainsi bloquer leur accession à l’autonomie. Voir pour de plus amples développement H. Rolin, La pratique des mandats internationaux,