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2 Le principe de finalités des frontières

Au début du XXe siècle, la Cour Permanente d’arbitrage dans sa sentence en l’affaire

Grisbadarna dégage les prémisses de ce principe de sécurité juridique : “Dans le droit des

gens, c’est un principe bien établi qu’il faut s’abstenir autant que possible de modifier l’état de choses existant de fait et depuis longtemps”1. Néanmoins, les lacunes de ce qui fut appelé le principe quieta non movere qui pourrait se traduire par “Ne pas agiter ce qui est paisible”, tiennent en son caractère éminemment sinon excessivement conservateur. Cette stratégie de politique juridique2 ambitionnait de non seulement fixer ou figer le droit international mais en plus d’apporter une légitimité juridique à une situation de fait persistante alors même qu’elle pourrait être internationalement illicite. Or, la sécurité juridique se distingue de cette dernière, car la première qui en son essence “commande toute une série de conséquences avantageuses à la société (autorité, paix, ordre)”3 ne prohibe en aucun cas le changement à condition qu’il soit prévisible. Il n’est qu’à mesurer l’importance des évolutions, sinon des mutations entre le droit des gens, principalement à caractère interétatique, et le droit international mû par un processus d’institutionnalisation pour comprendre que ce dernier au gré de ses améliorations n’a cessé de se renouveler. Toutefois la particularité inhérente de la société internationale en dépit des évolutions structurelles4 demeure son absence de centralisation de production normative. Ce que souligne Philippe Weckel, lorsqu’il affirme que “le besoin de clarté et de sécurité juridique, désormais prédominant, justifie le cadastrage des espaces”5.

L’étroite corrélation entre paix et respect des frontières est mise en exergue. Le Conseil de la SdN n’avait-il pas déjà affirmé en son temps : “Le Conseil est d’avis que des

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RSA, 1909 vol. XI, p. 161. Selon M. Kohen interprétant cette jurisprudence “il s’agirait, pour des raisons de sécurité juridique, d’arrêter l’effectivité à un moment donné et de faire en sorte que rien ne la modifie, du moins « autant que possible »”. “L’influence du temps sur les règlements territoriaux”, in Le droit international et le temps, op. cit.

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Cf. G. De Lacharrière, La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 236 pages.

3 P. Roubier, op. cit., p. 268. Pour G. Zimmer, il faut ajouter que le principe de sécurité juridique comporte d’autres éléments comme l’intérêt et les souhaits de la population du territoire en cause, les investissements intervenus dans le territoire. Gewaltsame territoriale Veränderungen und ihre völkerrechtliche Legitimation, Berlin, Duncker & Humblot, 1971, pp. 190-191. Rapporté par M. Kohen, Possession contestée et souveraineté territoriale, op. cit., p. 161.

4 Voir les analyses de R. J. Dupuy sur le passage d’une société interétatique à une société internationale dans son QSJ ? Droit international, op. cit.

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Cet auteur avait écrit au préalable : “[L]e développement du contentieux territorial traduit un phénomène profond de transformation et peut-être de banalisation des rapports de l’Etat avec l’espace”, in “rapport introductif”, in Le juge international et l’aménagement de l’espace : la spécificité du contentieux territorial, op. cit., p. 15.

incidents constituant un danger pour les bonnes relations entre pays voisins restent probables tant que les frontières entre ces pays ne seront pas déterminées et que la seule solution radicale de ces difficultés est d’établir des frontières bien définies et respectées de tous”6. Ainsi appliquée aux questions frontalières, cette nécessité fondamentale à laquelle répond cette stratégie juridique est connue, le plus communément, sous le nom de principe des frontières stables et définitives ou, selon l’appellation de Georges Abi Saab, le “principe de stabilité et de la finalité des frontières”7. Pierre-Marie Dupuy également, “la stabilité et le caractère définitif de la frontière sont souvent rapportés à la préoccupation fondamentale de sécurité juridique qui anime l’ordre international comme tous les ordres juridiques”8. Au sein de la doctrine anglophone, cette finalité correspond à l’expression de “principle of stability and finality of boundaries”9. La stabilité et la permanence des frontières répondent à une nécessité logique secrétée par le système international lui- même10. Cette évolution manifeste le souci du droit international de satisfaire tant bien que mal un besoin diffus de stabilité des frontières. “On introduit ainsi un élément d’ordre de nature à amortir les effets substantiellement déstabilisants de l’effondrement des empires coloniaux ou du démembrement d’entités préexistantes.”11. Pour synthétiser, retenons l’opinion de Lucius Caflish qui atteste que “piliers de l’existence et de la sécurité de l’Etat- nation, des frontières stables contribuent à des relations internationales pacifiques et harmonieuses”12. Un rapport d’interaction relie la stabilité et le caractère définitif de la frontière. La stabilité provient de l’impossibilité de remettre en cause la frontière ; son caractère définitif s’attache à la permanence de celle-ci. Ces deux caractéristiques s’autoalimentent.

6 Cf. J. O. S.d.N., octobre 1924, p. 1378. Rapporté par L. Lucchini, “Aspects juridiques de la frontière sino- indienne”, AFDI, 1963, p. 283.

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G. Abi Saab, “La pérennité des frontières en droit international”, op. cit., p. 345. Il conclut son étude sur la thématique de la stabilité des frontières comme ceci : “Ainsi cette politique ou stratégie juridique favorisant la stabilité des frontières n’est pas la fin de l’histoire. Ce n’est pas le gel universel des frontières. Ce que le droit international essaye de faire, c’est de les stabiliser autant que possible, tout en permettant le changement, et même l’ordonnant dans les cas limites. Seulement il essaye d’en réduire la fréquence et de contrôler et ordonner le processus”. p. 349.

8 P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 43.

9 Pour K. H. Kaikobad, ce principe correspond à “one of the fundamental concerns for a State in this regard is the maintenance of a maximum degree of territorial stability.” In, “Some observations on the doctrine of continuity and finality of boundaries”, BYBIL 1983, n°54, p. 118.

10 M. Kohen, “L’idée [… en effet] se dégage de la nature même des rapports entre entités souveraines obligées de fixer des limites territoriales à leurs pouvoirs respectifs”. “Règlement territorial et maintien de la paix”, op. cit., p. 220. De même pour H. Kaikobad: “States, therefore, have come to appreciate the importance of stable boundaries, the finality of frontier settlements and the general continuity of alignments”. op. cit., p. 119.

11 R. Mehdi, op. cit., p. 60. 12

Au contraire, selon Daniel Bardonnet, “une analyse attentive de la pratique des frontières montre que le principe de la permanence des frontières n’a pas la rigidité que l’on pourrait croire, compte tenu de la préoccupation fondamentale qu’ont les tribunaux internationaux et notamment la Cour internationale de justice, dans l’affaire du Temple de

Préah Vihéar, d’assurer la stabilité des frontières et de « laisser couchés les chiens qui

dorment ». Plutôt que d’une règle au contenu précis, il ne s’agit que d’une directive souple de politique jurisprudentielle, sans doute nécessaire, mais à laquelle on ne saurait reconnaître d’aucune manière un caractère impératif, ni même contraignant. Non seulement il n’existe aucun principe général, en quelque sorte « inhérent », de stabilité et de permanence, mais il n’existe pas davantage, en cette matière, de tabou ni de fétichisme de la ligne”13.

Il nous appartient de nous interroger sur la valeur de ce principe des frontières stables et définitives. Il ne fait aucun doute quant à la réception par la jurisprudence du caractère normatif d’un tel principe. La Cour permanente de justice internationale, quelques années après la CPA, apportera sa contribution à l’éclaircissement salutaire de ce principe en le comprenant comme un corollaire, “une conséquence de l’établissement des frontières”14. Dans l’avis consultatif dans l’affaire dite de Mossoul, rendu le 21 novembre 1925, elle met en exergue l’exigence de stabilité des frontières et le caractère définitif des délimitations conventionnelles15. Elle a confirmé de manière incidente sa position dans son arrêt en date du 5 avril 1933 rendu en l’affaire du Statut juridique du Groenland oriental16. Les arrêts sont nombreux dans lesquels la Cour rappelle ce principe général du droit.

A son tour, la Cour internationale de justice consacrera véritablement au plan jurisprudentiel ce principe qui commandait la pratique étatique. Son arrêt dans l’affaire du

Temple de Préah Vihéar, répondant à sa préoccupation fondamentale – à savoir la stabilité

de la frontière et pour éviter “le chaos qu’engendrerait un bouleversement des règlements

13 D. Bardonnet, “Les frontières terrestres et la relativité de leur tracé”, op. cit., p. 71. 14 M. Kohen, Possession contestée et souveraineté territoriale, op. cit., p. 162.

15 “Non seulement les termes employés [par l’article 3, § 2, du Traité de Lausanne] (fixer et déterminer) ne s’expliquent que par une intention d’établir une situation définitive, mais il résulte encore de la nature même d’une frontière et de toute convention destinée à établir les frontières entre deux pays, qu’une frontière doit être une délimitation précise dans son étendue. Il arrive assez fréquemment qu’au moment où est signé un traité établissant de nouvelles frontières, certaines fractions de ces frontières ne soient pas encore déterminées et que le traité prévoie certaines mesures afin de les déterminer (…). Mais il est naturel que tout article destiné à fixer une frontière soit, si possible, interprété de telle sorte que, par son application intégrale, une frontière précise, complète et définitive soit obtenue”, Interprétation de l’article 3§2, du Traité de Lausanne (frontière entre la Turquie et l’Irak), avis consultatif du 21 novembre 1925, CPJI, Série B n°12, p. 20.

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territoriaux passés”17 – a défini plus précisément le principe de frontières stables et définitives : “D’une manière générale, lorsque deux pays définissent entre eux une frontière, un de leurs principaux objectifs est d’arrêter une solution stable et définitive. Cela est impossible si le tracé ainsi établi peut être remis en question à tout moment, sur la base d’une procédure constamment ouverte, et si la rectification peut en être demandée chaque fois que l’on découvre une inexactitude par rapport à une disposition du traité de base. Pareille procédure pourrait se poursuivre indéfiniment et l’on n’atteindrait jamais une solution définitive aussi longtemps qu’il resterait possible de découvrir des erreurs. La frontière, loin d’être stable, serait tout à fait précaire”18. Le propos est limpide et les conséquences précises. Elle fait de nouveau mention de ce principe dans son raisonnement dans son arrêt à propos de l’affaire du Plateau continental de la Mer Egée19.

Plus tard, dans l’affaire du Plateau continental (Tunisie / Jamahiriya arabe

libyenne), elle affirme : “La frontière a donc survécu à toutes les vicissitudes des deux

guerres mondiales… La même règle de continuité ipso jure des traités de frontière et des traités territoriaux est reprise dans la Convention de Vienne de 1978 sur la succession d’Etats en matière de traités”20. En 1994, la Cour reconnaît même à ce principe la qualité de “principe fondamental de la stabilité des frontières”21. Dans cette affaire du Différend

territorial (Libye/Tchad), elle a été amenée à interpréter le traité d’amitié et de bon

voisinage du 10 août 1955 entre la France et la Libye demeurant au cœur de cette affaire car il fixait entre autre la frontière franco-libyenne22. Mais cet accord comportait en son article 11 une disposition assez insolite dans les cas de traités de frontière23. De cette

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J.-P. Cot, “Jurisprudence et juridiction internationale (Affaire du temple du Préah Vihéar)”, AFDI, 1962, p. 224. S. Bastid conclut aussi que “cette décision montre également l’importance attribuée à la « stabilité » de la frontière, au bénéfice réciproque qu’en tirent les Etats.”, Les problèmes territoriaux dans la jurisprudence de la Cour internationale de justice, RCADI, 1962, vol. 107, p. 488.

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Affaire du Temple de Préah Vihar (Cambodge c. Thaïlande), Arrêt du 15 juin 1962, CIJ, Rec. 1962, p. 34. Les auteurs, animés par le souci d’écarter toute prétention de remise en cause d’un secteur de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, n’ont eu de cesse d’affirmer leur volonté d’ « obtenir une solution certaine et définitive », de « réaliser la stabilité des frontières d’une manière certaine et définitive », mesurer « l’intérêt d’une solution définitive » Voir les commentaires de J. P. Cot, “Jurisprudence et juridiction internationale (Affaire du temple du Préah Vihéar)”, op. cit. , p. 217-247, S. Bastid, op. cit., pp. 469-488. 19 La Cour indique : “Qu’il s’agisse d’une frontière terrestre ou d’une limite de plateau continental, l’opération de délimitation entre Etats voisins est essentiellement la même : elle comporte le même élément inhérent de stabilité et de permanence et est soumise à la règle qui veut qu’un traité de limites ne soit pas affecté par un changement fondamental de circonstances”. CIJ, Rec., 1978, p. 36, § 85.

20 CIJ, Rec., 1982, p. 66, § 84. 21 CIJ, Rec. 1994, p. 37, § 72. 22

Pour une analyse plus approfondie des prétentions des deux parties, Cf. M. Koskenniemi, “L'affaire du différend territorial (Jamahiriya arabe Libyenne c. Tchad)”, AFDI 1994, pp. 442-464.

23 L’article 11 du traité de 1955 disposait :

“Le présent Traité est conclu pour une durée de vingt années.

disposition, la Cour affirme que “[n]onobstant ces dispositions, le traité doit, de l’avis de la Cour, être considéré comme ayant établi une frontière permanente.” La Cour voulait s’assurer en l’espèce de la survie de la frontière établie par-delà la renégociation du traité ou l’extinction de celui-ci par application de cet article 11. Cette assertion paradoxale reste cependant conforme au droit international. “Un tel type de traité épuise immédiatement ses effets dès l’instant qu’il établit valablement une frontière, laquelle doit, partant être respectée”24. Il semble inconcevable qu’un traité établisse une frontière pour une durée limitée car pareil traité ne comporterait qu’un accord entre Parties sur une délimitation provisoire mais non sur une frontière qui, par essence, présente des caractères inverses de la précarité.

De même, se pose plus généralement la question de la dénonciation des dispositions des traités établissant une frontière ou des dispositions relatives dans un traité. Le droit des traités prévoit à l’article 56 de la Convention de Vienne deux exceptions25. Quand bien même la mention « la nature du traité » reste imprécise sinon mystérieuse, il est clairement admis que le traité de frontière appartient à cette catégorie26. De plus, un traité dont l’objet ne porte que partiellement sur les questions frontalières comportant néanmoins une clause générale de dénonciation verra son régime juridique se diviser. L’exception de l’article 56 ne s’appliquera qu’aux articles relatifs aux frontières. Pour les autres dispositions, la clause de dénonciation restera valide.

Revenons au traitement de l’affaire par la Cour, laquelle poursuit son raisonnement sans toutefois apporter réellement de justifications27. En le formalisant ainsi après en avoir

Cette consultation sera obligatoire à l’expiration des dix années qui suivront sa mise en vigueur.

Il pourra être mis fin au présent Traité par l’une ou l’autre Partie vingt ans après son entrée en vigueur ou à toute époque ultérieure avec un préavis d’un adressé à l’autre Partie.”

24 J. Verhoeven précise : “Il importe assez peu que l’accord qui en a permis l’établissement soit ou non ultérieurement dénoncé, ce qui ne permet pas de remettre en cause les effets irrévocablement produits lors de sa conclusion”, op. cit., p. 430.

25 Article 56 : “ Dénonciation ou retrait dans le cas d’un traité ne contenant pas de dispositions relatives à l’extinction, à la dénonciation ou au retrait

1. Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins :

a) Qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des Parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait ; ou

b) Que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité.” 26

Cf., P. Daillier, A. Pellet, Nguyen Quoc Dinh : “Il existe des traités qui, en raison de leur nature, sont insusceptibles de dénonciation”, op. cit., p. 307.

27 “Rien n’indique dans le traité de 1955 que la frontière convenue devait être provisoire ou temporaire ; la frontière porte au contraire toutes les marques du définitif. L’établissement de cette frontière est un fait qui dès l’origine, a eu une existence juridique propre, indépendante du sort du traité de 1955. Une fois convenue, la frontière demeure, car toute approche priverait d’effet le principe fondamental de la stabilité des frontières, dont la Cour a souligné à maintes reprises l’importance […]”. CIJ, Rec. 1994, p. 37, §72.

plusieurs fois fait mention auparavant, la Cour affirme la primauté d’un tel principe sur d’autres considérations (en l’espèce celles avancées par la Libye par lesquelles elle mettait “en doute le caractère obligatoire du règlement intervenu en 1955”28). Elle poursuit : “Une frontière établie par traité acquiert ainsi une permanence que le traité lui même ne connaît pas nécessairement. Un traité peut cesser d’être en vigueur sans que la pérennité de la frontière en soit exercée ou non, la frontière demeure. […] Du reste, que cette faculté soit exercée ou non, la frontière demeure”29. Elle précise à propos du caractère définitif d’une frontière : “Cela ne veut pas dire que deux Etats ne peuvent pas, d’un commun accord, modifier leur frontière. Un tel résultat peut naturellement être obtenu par consentement mutuel, mais, lorsqu’une frontière a fait l’objet d’un accord, sa persistance ne dépend pas de la survie du traité par lequel ladite frontière a été convenue”30.

Les sentences arbitrales confirment elles aussi cette orientation. En effet, une préoccupation identique anime la jurisprudence arbitrale31. Dans l’affaire Canal de Beagle, le tribunal arbitral expose dans sa sentence : “This title suggests the spirit and intention of the treaty as a whole, - for a limit, a boundary, across which the jurisdictions of the respective bordering States may not pass, implies definitiveness and permanence”32. Le Tribunal arbitral en l’affaire de la Laguna del Desierto opposant l’Argentine au Chili a rappelé que “la stabilité des frontières (…), en tant que notion juridique, ne dépend pas des éventuelles mutations que le territoire par lequel les frontières passent puisse subir. Ces mutations constituent un phénomène strictement physique (…) En effet, une fois établie la limite …”33.

Toutefois, il importe de bien s’entendre sur la portée de ce principe, lequel est circonscrit au plan temporel. Son applicabilité nécessite l’établissement précis du tracé de la frontière, étape indispensable à la reconnaissance par les deux Etats de leurs frontières communes. Celui-ci ne peut être constaté qu’au terme d’“une opération à procédure”34 selon la formule de Paul Reuter, il constitue la dernière étape de la détermination complète

28 M. Koskenniemi, “L'affaire du différend territorial (Jamahiriya arabe Libyenne c. Tchad)”, op. cit., p. 459. 29 CIJ, Rec. 1994, p. 37, § 73.

30 Idem. 31

Le président du Tribunal arbitral dans l’affaire du Rann de Kutch opposant l’Inde au Pakistan adopta comme leitmotiv “paramount consideration of promoting peace and stability”. RSA, 19 février 1968, t. XVII, p. 571.

32 RSA, p. 11, §18. 33

Sentencia del 13 octubre de 1995. Solicitud de revision y de interpretacion en subsidio planteada por Chile respecto de la Sentencia del 21 de octubre de 1994. pp. 24-26, Traduction de M. Kohen 1995, op. cit., p. 167-168.

de la frontière. Processus à l’intérieur duquel on distingue comme étapes successives la détermination, la délimitation, la démarcation et dans certains cas la densification35. Autrement dit, une frontière, pour être définitive, doit être préalablement définie. Il convient pourtant de rappeler qu’aucune norme de droit international n’impose que les frontières doivent être complètement délimitées et définies36. Il était des situations, particulièrement pour l’hypothèse qui nous occupe (les frontières africaines dont le tracé était le plus fréquemment très incertain au lendemain des indépendances37), qui de fait se trouvaient écartées. Nul Etat nouveau n’a pu échapper à la situation d’absence d’un territoire bien délimité. La condition sine qua non d’application de ce principe imposait donc la reconnaissance par les Etats nouveaux de leurs frontières respectives. Afin d’atteindre cet objectif, ils furent finalement incités au conservatisme territorial.

Sur le plan de la pratique internationale des Etats, cette exigence de stabilité a été reconnue conventionnellement. Les accords frontaliers – et ce dès le XIXe siècle –