2. Le stress oxydatif
2.2. Les principales ERO et leur mode de production
2.2.2.1. Principales sources de production
Les deux principales sources responsables de la production d’O
2- sont la mitochondrie et la
Nicotinamide Adenine Dinucleotide Phosphate oxidase (NADPH oxydase). Elles seront
exposées de manière exhaustive, en mettant l’accent sur leur rôle dans les lymphocytes.
A. La chaîne respiratoire mitochondriale
En aérobiose, pour son fonctionnement une cellule produit de l’énergie par des réactions
d’oxydo-réduction. Ces réactions font intervenir des oxydants ou accepteurs d’électrons, et
des réducteurs ou donneurs d’électrons. Elles ont lieu au niveau de la chaine respiratoire de la
mitochondrie, un organite cellulaire qui fournit environ 90% de l’énergie nécessaire sous
forme d’ATP (Rolfe DF
,1997). Son rôle est crucial pour le fonctionnement de la cellule et
représente une des sources principales d’ERO d’une cellule. Chez l’homme, la plupart des
cellules contiennent un nombre variable de mitochondries en fonction du type cellulaire et des
besoins énergétiques (Jakobs
,2006).
i. Structure et production d’ERO par la mitochondrie
La mitochondrie possède deux compartiments : l’espace intermembranaire et la matrice
mitochondriale délimités par deux membranes, la membrane interne et externe.
L’espace intermembranaire a une composition très proche de celle du cytosol. De plus, ce
dernier a une charge positive en raison du gradient de protons (H+). La matrice
mitochondriale est le siège de nombreuses réactions métaboliques, telles que le cycle de
Krebs, la β-oxydation des acides gras. La dégradation des nutriments (glucides, acides gras et
acides aminés) va donc fournir à la chaîne respiratoire des équivalents réduits, sous forme de
la Nicotinamide Adenine Dinucleotide (NADH) et de la Flavine adénine dinucléotide
(FADH2), nécessaires à la synthèse d’ATP.
La membrane externe est perméable aux molécules et permet le transport des protéines de
taille importante via des translocases.
La membrane interne possède de nombreux replis qui forment les crêtes mitochondriales où
sont enchâssés les 4 complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale et l’ATP synthase,
responsable de la production d’ATP. Chaque complexe contient plusieurs transporteurs
d’électrons agissant séquentiellement :
Le complexe I ou NADH-ubiquinone oxydoreductase catalyse le transfert de deux
électrons du co-facteur NADH à l’ubiquinone (ou Co-enzymeQ), couplé à la
translocation de quatre protons au travers de la membrane interne vers l’espace
intermembranaire. Ceci contribue à la force protonmotrice (Sazanov LA
,2007).
Le Complexe II ou Succinate-ubiquinone oxydoréductase qui oxyde la succinate en
fumarate. Il permet le transfert de deux électrons au 3éme complexe, par
l’intermédiaire de l’oxydation du FADH
2
et d’un pool d’ubiquinone (Brière JJ
,2005).
Le Complexe III ou Complexe b-c1 (ubiquinol-cytochrome C réductase) catalyse le
transfert de deux électrons de l’ubiquinol au cytochrome c, directement associée à
l’expulsion de 4 protons.
Le Complexe IV ou Cytochrome c oxydase catalyse la dernière réaction
d’oxydoréduction qui réduit l’O
2
en H
2
O par 4 électrons et 4 protons qui sont
transloqués de la matrice mitochondriale vers l’espace intermembranaire (Wikström M
,2007).
Les cofacteurs (NADH, FADH2) issus de la dégradation des nutriments vont être réoxydés
par transfert de leurs électrons sur un accepteur final : l’O
2, au niveau de la chaîne
respiratoire. Le transfert des électrons sur les différents complexes s’accompagne d’un
pompage de protons de la matrice vers l’espace intermembranaire qui est ensuite utilisé par
l’ATP synthase pour la phosphorylation de l’ADP en ATP (Figure 13).
Figure 13. La chaîne respiratoire mitochondriale. La chaîne respiratoire, au niveau de la membrane interne,
est constituée de 4 complexes (I-IV) contenant les transporteurs d’électrons et permettant la réduction de l’O
2en
H
2O. Lors de la réduction il se créé un gradient de protons au niveau de l’espace intermembranaire ainsi qu’une
production d’ERO dans la matrice au niveau des complexes I et III. La force du pompage des protons vers la
matrice permet la synthèse d’ATP via le complexe V (ATP synthase).
Au final, l’oxygène est transformé en molécule d’eau :
O
2+ 4e- + 4H
+→ 2H
2O
Cependant, les imperfections de la chaîne respiratoire peuvent générer des ERO en condition
physiologique. En effet, le système peut laisser échapper quelques électrons qui vont réduire
partiellement l’oxygène. Environ 2 à 3% de l'oxygène subisse une réduction mono
électronique (addition d'un seul électron) conduisant à la formation du radical O
2-( Figure 13)
(Boveris A
,1972 ; Koppenol WH
,2001 ; Chapman KE
,2005) :
O
2+ 1 e- → O
2-Cette production radicalaire se perçoit donc comme un phénomène physiologique naturel,
strictement lié au métabolisme aérobie, qui est permanent et ubiquitaire, excepté dans les
cellules dépourvues de mitochondries. Le débit de la synthèse d’ERO est dépendant du flux
d’électrons de la chaîne respiratoire et du degré de réduction des transporteurs d’électrons.
Ainsi, une réduction accrue des transporteurs d’électrons du côté du substrat par rapport au
reste de la chaîne respiratoire (coté oxygène) est très oxydé, et favorise une importante
production de radicaux. Dans la situation inverse, une oxydation accrue des transporteurs
d’électrons (ajout de l’ADP) réduit de manière drastique la production d’ERO (Herrero A
,1997 ; Servais S
,2003). En effet, l’ajout d’ADP mime les mêmes effets obtenus qu’avec un
agent découplant, tel que le carbonylcyanide-p-trifluorométhoxy-phénylhydrazone (FCCP)
(décrits plus loin).
En outre, les sites de production de l’O
2-, au sein de la chaine respiratoire, sont identifiés
grâce à des inhibiteurs spécifiques : la roténone (complexe I), l’antimycine A ou le
myxothiazol (complexe III), dans des cellules du muscle cardiaque (Barja G
,1999 ; Liu X
,2002 ; Chen Q
,2003). Chacun des traitements ont montré une surproduction d’ERO, ils ont en
commun des quinones qui sont des sources d’ERO. De plus, l’identification de dysfonctions
au niveau des complexes I-III a clairement établi un lien entre l’augmentation de la
production d’ERO, par la mitochondrie et les dommages spécifiques d’un stress oxydatif,
dans de nombreuses maladies neurodégénératives (Schapira AH
,1998).
Ces traitements pharmacologiques sur des lymphocytes périphériques stimulent également
une production d’ERO qui reste plus élevée au niveau du complexe III (Kamiński MM
,2012).
Le rôle du complexe III dans la genèse d’ERO mitochondriaux par les lymphocytes T a été
démontré chez des souris déficientes pour un gène codant pour le complexe III (Uqcrf1) (Sena
LA
,2013). Par ailleurs, ces études mettent en évidence un rôle essentiel des ERO
physiologiques dans l’activation des lymphocytes T (décrits plus loin). De même, la
surexpression de la protéine BCLxl (B-cell lymphoma x1), impliquée dans la régulation des
ERO produits par la mitochondrie, diminue de façon significative la synthèse d’O
2- par les LT
activés (Esposti MD
,1999 ; Devadas S
,2002).
ii. Régulation de la phosphorylation oxydative mitochondriale
Le système de phosphorylation oxydative est composé de la chaîne respiratoire
mitochondriale (les 4 complexes) et de l’ATP synthase ou complexe IV (Figure 13). En
fonction des besoins en ATP, la cellule s’adapte en modifiant le fonctionnement global de la
chaîne respiratoire ou en modifiant un des éléments (phosphorylation) qui contrôle le
fonctionnement de la chaîne ou encore en jouant sur la quantité d’enzymes (Devin A
,2007).
l’efficacité de cette synthèse (Kadenbach
,2003). L’efficacité de la synthèse d’ATP varie soit
par modification de la force du gradient de protons (découplage extrinsèque) soit par
modification de l’efficacité de pompage des protons (découplage intrinsèque). Nous
limiterons la description à la régulation de la phosphorylation oxydative, via le découplage
extrinsèque, impliqué dans la régulation des niveaux d’ERO de la mitochondrie (en rapport
avec mon projet).
L’énergie libérée par la chaîne de transporteurs d’électrons (ETC) va permettre de pomper les
ions H+ à partir de la matrice mitochondriale au travers de la membrane interne vers l’espace
intermembranaire. Le gradient de protons va représenter une force poussant les protons à
retourner dans la matrice mitochondriale pour la synthèse d’ATP (Figure 13). Cependant, la
force du gradient de protons peut être modifiée par un découplage extrinsèque grâce à une
augmentation de la perméabilité membranaire interne aux protons et aux cations, et donc
entraîner une diminution du gradient de protons à travers cette membrane. La fuite de protons
à l’origine de ce découplage peut être basale, c’est-à-dire influencée par les propriétés
physicochimiques de la membrane (teneur en acides gras) ou inductible (Bobyleva V
,1997 ;
Brand MD
,1992).
La fuite inductible est réalisée par une famille de protéines les « Uncoupling proteins »(UCP).
Il existe plusieurs isoformes dont la première UCP1 a été découverte en 1980 (Lin CS,
1980), sa fonction découplante liée à sa capacité à transporter les protons est dépendante des
acides gras. Les autres isoformes UCP2 à UCP5 ont ensuite été identifiées sur la base de leur
homologie avec la séquence d’UCP1 (UCP2 : Fleury C, 1997, UCP3 : Boss O, 1997, UCP4 :
Mao W, 1999, UCP5 : Yu XX, 2000). Une activité de transport de protons a également été
attribuée pour les isoformes UCP2 et UCP3 (Jabůrek M, 1999) et leur expression dans des
cellules de mammifères permet un découplage du gradient (Figure 14).
Ces protéines (UCP2, UCP3) auraient un rôle dans la limitation de production d’ERO
mitochondriale. Cette hypothèse s’appuie sur différentes expériences de modulation de
l’expression des UCP. En 1996, Skulachev V et collaborateurs ont proposé le concept de
découplage modéré basé sur une augmentation assez faible de la perméabilité aux protons qui
a pour effet une diminution des ERO. En effet, une élévation de la force du gradient de
production d'H
2
O
2