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1.2. Régulation négative des réponses immunes Teffectrices

1.2.4. Mécanismes de suppression des Treg

Plusieurs systèmes expérimentaux in vitro et in vivo ont mis en évidence que les nTreg

CD4+CD25+Foxp3+ préviennent le développement de pathologies auto-immunes. Dans un

second temps, différentes stratégies expérimentales in vitro ont visé à la compréhension du

mécanisme utilisé par les nTreg pour l’induction de la tolérance périphérique. Les résultats de

ces études indiquent très clairement l’implication des nTreg dans la suppression de

l’activation, de la prolifération et/ou des fonctions effectrices des LT (production des

cytokines, cytotoxicité) de la lignée CD4+ et CD8+, après une stimulation antigénique par un

système utilisant des CPA ou par un système polyclonal mimant les mêmes effets (anticorps

CD3/CD28) (Thornton AM

,

1998 ; Godfrey WR

,

2004 ; Game DS

,

2005). L’action des Treg

affecte aussi bien les cellules T naïves, effectrices que les LT mémoires. La tolérance

périphérique médiée par les nTreg ne se limite pas aux LT, elle s’exerce sur les LB (Lim HW

,

2005), les cellules NK (Azuma T

,

2003), et les CPA (DC) (Misra N

,

2004). Dans un troisième

temps, les recherches expérimentales se sont tournées vers le rôle du facteur de transcription

Foxp3 dans la régulation du mécanisme de suppression. Hori S, et Sakaguchi S et

collaborateurs, démontrent qu’une induction de l’expression de Foxp3 rend les Tconv naïfs

immunosuppressives vis-à-vis des Teff (Hori S

,

2003). Ceci démontre que Foxp3 pourrait

contrôler l’expression des molécules clés régulatrices de la fonction de suppression.

1.2.4.1. Molécules immunosuppressives

Les nTreg sécrètent des molécules immunosuppressives impliquées dans la fonction de

suppression envers les LT autoréactifs. Les plus connues et largement décrites sont l’IL-10 et

le TGF-β qui sont des cytokines aux propriétés anti-inflammatoires et immunosuppressives.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’IL-10 est également secrétée par un sous-type

de Treg, les Tr1, dont elle induit la différenciation. Elle est primordiale dans le contrôle de

l’inflammation. Des études sur des modèles murins de pathologie in vivo avec une

composante inflammatoire élevée confirment ces conclusions ; notamment des nTreg isolés

de souris KO IL-10 dans un modèle de colite, sont dans l’incapacité de contrôler le

développement de la maladie (Annacker O

,

2001). Dans des modèles de rejet de greffe,

l’utilisation d’anticorps bloquants IL-10 prouve également son rôle dans la suppression des

Quant au TGF-β, il contrôle de façon générale la différenciation des Treg en induisant

l’expression de Foxp3. Cette cytokine est connue pour inhiber la prolifération des Th1 et Th2,

et pour induire des iTreg en périphérie afin de maintenir la stabilité des nTreg. Des arguments

en faveur du maintien de l’homéostasie des nTreg par le TGF-β sont fournis par des études in

vitro, montrant que l’addition de la molécule associée à une stimulation du TCR, permet chez

l’homme et la souris la conversion de lymphocytes naïfs T CD4+ CD25- Foxp3- en

lymphocytes T CD4+ CD25+ Foxp3+ régulateurs (Rao PE

,

2005).

Certaines études mettent en avant l’influence du microenvironnement sur la signature

cytokinique des nTreg et sur les fonctions suppressives mises en place. En effet, des modèles

murins de colite montrent que les nTreg empêchant le développement de la maladie via la

production d’IL-10 (anticorps bloquant) sont localisés au niveau de la lamina propia de

l’intestin uniquement (Uhlig HH

,

2006). Un autre argument en faveur de cette hypothèse, est

que le traitement par un anticorps bloquant TGF-β n’inhibe pas les fonctions Treg lors de tests

in vitro de suppression (Piccirillo CA

,

2002). D’autre part, le TGF β peut être sécrété par des

types cellulaires différents et favoriser un environnement immunosuppressif.

Par ailleurs, il a été montré que d’autres molécules sécrétées sont impliquées dans le

mécanisme immunosuppresseur des lymphocytes Treg, l’IL-35 et la galectine-1 (Collison LW

,

2007 ; Garín MI

,

2007). Elles causent l’arrêt du cycle cellulaire et inhibition de la production

des cytokines pro inflammatoires.

De surcroit, les Treg utilisent l’adénosine, dont les propriétés immunosuppressives sont

établies (Sitkovsky MV

,

2004). Le CD39 dégrade l’adénosine-5'-triphosphate (ATP) en

Adénosine Mono-Phosphate (AMP) dans le milieu extracellulaire et le CD73 dégrade l’AMP

en adénosine. Ces 2 ectoenzymes CD39 et CD73 ont récemment été mises en évidence à la

surface des Treg chez la souris (Deaglio S

,

2007) et chez l’homme (Borsellino G

,

2007). La

liaison de l’adénosine au récepteur A2A des Tconv supprime leur prolifération in vitro et in

1.2.4.2. Mécanisme de suppression avec contact cellulaire

La nécessité d’un contact cellulaire pour le potentiel suppresseur des Treg a été mise en

évidence par le test de suppression de la prolifération des Teff in vitro, qui est devenu le test

de routine dans l’évaluation du potentiel suppresseur des cellules. Différentes molécules

intervenant dans un contact entre les Treg et les Teff ont été impliquées dans le potentiel

suppresseur des Treg.

Des travaux ont montré que CTLA-4 exprimé à la surface des Treg pouvait interagir avec les

molécules CD80 et CD86 des DC afin d’induire l’expression de IDO, enzyme responsable du

catabolisme du tryptophane. Le catabolisme du tryptophane va conduire à la synthèse de

métabolites toxiques comme les kynurénines, de plus la déplétion locale du milieu

extracellulaire en tryptophane va pénaliser la prolifération cellulaire (Grohmann U

,

2002 ;

Fallarino F

,

2003). (Shevach EM

,

2009). Les Souris CTLA4-/- souffrent d’un syndrome

lymphoprolifératif.

LAG3 est une protéine de surface homologue de CD4, qui interagit avec le CMH II avec une

forte affinité (Figure 11). Leur interaction avec une cellule comme DC empêche leur

maturation et supprime leur capacité stimulatrice. Les nTreg isolés de modèle murins

LAG3-/- et l’utilisation d’anticorps bloquants montrent une activité altérée des cellules régulatrices

lors de tests fonctionnels (Liang B

,

2008).

Un autre mécanisme de suppression serait médié par la génération de molécules associées à la

cytotoxicité cellulaire, perforine et granzymes A et B (Grossman WJ

,

2004).

Des publications ont également suggéré que suite à une expression constitutive du CD25, les

Treg détournent à leur profit l’IL-2 présent dans le milieu extracellulaire ; cette capture

empêche la prolifération des Teff (Figure 11) (Oberle N

,

2007).

Depuis peu, de nouveaux mécanismes de suppression des Treg ont été identifiés. En effet, des

études in vitro ont mis en avant l’intervention des nTreg dans la synthèse de glutathion

(GSH), un antioxydant intracellulaire important pour la prolifération des Teff. L’inhibition de

la synthèse de GSH passe par la consommation par les Treg de la cystéine nécessaire à la

synthèse de GSH et la rendant ainsi indisponible aux Teff (Yan Z

,

2010 ; Yan Z

,

2009). Une

autre équipe a montré l’induction par les Treg de la sénescence des Teff stimulés par de

d’arrêt permanent de la prolifération (Ye J

,

2012). Ce point sera plus détaillé dans le chapitre

sur le stress oxydatif.

Au total, il ne semble pas qu’il y ait un mécanisme d’action principal des Treg, mais

plusieurs selon le contexte expérimental physiopathologique et la fonction effectrice

régulée.

Figure 11. Mécanismes de suppression par les Treg. De multiples mécanismes moléculaires et cellulaires ont

été décrits à ce jour : Influence du contact cellulaire avec l’interaction CTLA-4 et des molécules de

co-stimulation CD80/CD86 sur la CPA et l’induction d’IDO via CTLA-4 dans les DC ; interaction entre LAG3 et

les molécules de CMH de classe II ; sécrétion de cytokines immunosuppressives : IL-10, TGF-β, IL-35 ;

Cytotoxicité des Treg sur les cellules T effectrices et sur les CPA via granzyme A/B ou CD39/79 avec la

production d’adénosine ou privation en IL-2 (LANE N, 2010).

1.2.4.3. Fonctions physiopathologiques des Treg

De nombreux modèles expérimentaux murins, et études in vitro/ex vivo réalisés chez l’homme

présentant une délétion ou une altération des marqueurs CD25 ou Foxp3 des Treg, les ont

montrés comme responsables du développement de pathologies auto-immunes.

Mais ces populations Treg dont le rôle est primordial dans l’immunosurveillance

périphérique, sont aussi impliquées dans le développement de cancers et d’infections

chroniques (Chatila TA

,

2005) car elles inhibent les réponses immunitaires à médiation

cellulaire des CTL nécessaire à l’éradication des cellules tumorales (Nishikawa H

,

2010). En

effet, une augmentation de la fréquence des lymphocytes Treg a été décrite dans de très

nombreux types de cancers (notamment pulmonaire, ovarien, colorectal, du sein et

mélanome). Cette augmentation de la fréquence est souvent en corrélation avec un mauvais

pronostic (à l’exception des cancers hématopoïétiques), notamment pour les carcinomes

ovariens (Curiel TJ

,

2004). De nouvelles stratégies thérapeutiques sont donc développées dans

le but de réguler leurs prolifération et fonctions.

Les infections chroniques (virus, bactéries et parasites) ont également été associées à une

augmentation du nombre de lymphocytes Treg Foxp3+. L’induction ou l’expansion de

lymphocytes Treg durant l’infection, afin de limiter les dommages tissulaires, serait

responsable de l’échec de l’élimination complète de l’infection, avec pour conséquence

l’établissement d’une phase chronique (Wohlfert E

,

2008).

En conclusion, le moindre déséquilibre dans la fonction ou la fréquence des lymphocytes Treg

conduit au développement de graves pathologies, un excès dans leur nombre ou leur fonction

favorisant le développement de cancers tandis qu’un défaut semble impliqué dans la

physiopathologie de nombreuses maladies auto-immunes et dans les maladies allergiques.

Figure 12. Différentiation des sous-populations de Th et iTreg à partir des Tconv naïfs. Les Tconv naïfs

provenant du thymus s’activent et se différencient en plusieurs sous-types de Th ayant des fonctions différentes

et sécrétant des cytokines caractéristiques. Les Th1 médient les réponses anti-infectieuses contre les pathogènes

intracellulaires et les Th2 contre les pathogènes extracellulaires ; la réponse anti-infectieuse des Th17 est

restreinte aux muqueuses ; les nTreg ou induits (iTreg et Tr1) contrôlent le développement des Th1/2/17 (John J

and al, 2010).