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III. La spectroscopie dans le proche infrarouge

2. Les principales applications de la NIRS

L’utilisation de la NIRS est de plus en plus fréquente aujourd’hui dans le domaine de la physiologie de l’exercice (Ferrari et al., 2011 ; Ferrari et Quaresima, 2012 ; Hamaoka et al., 2011). Sa popularité croissante est due à ca capacité d’évaluer de façon non invasive les changements relatifs de l’équilibre entre l’apport et l’utilisation d’O2 au niveau des petits vaisseaux sanguins, des artérioles, des capillaires et des veinules, donnant ainsi une image plus complète de la réponse à l’exercice, surtout quand elle est combinée avec des mesures simultanées des réponses cardiorespiratoires (Ferrari et al., 1997). La NIRS présente un grand avantage sur les techniques invasives et d’autres techniques non invasives plus couteuses car elle permet de suivre l’évolution du volume sanguin et de l’oxygénation dans les régions spécifiques du muscle et du cortex cérébral lors de diverses modalités d’exercice et à différentes intensités d’exercice. C’est pourquoi, les effets de différentes tâches motrices (Leff

et al., 2011), les effets de l’exercice ou de la fatigue musculaire (Rooks et al., 2010) sur les

changements de l’oxygénation musculaire et corticales ont auparavant été examinés en utilisant la technique NIRS.

2.1. Au niveau musculaire

Depuis la fin des années 1980, la NIRS a été utilisée afin d’étudier le métabolisme oxydatif musculaire local au repos et au cours des différentes modalités d’exercice. En particulier, la NIRS a été appliquée pour étudier l’évolution dans le temps du métabolisme oxydatif (Cettolo et al., 2007 ; duManoir et al., 2010), l’hétérogénéité de l’apport et de la demande musculaire en O2 (Koga et al., 2007 ; Saitoh et al., 2009 ; Zorgati et al., 2013), le rôle du cerveau dans la fatigue musculaire (Bhambhani et al., 2007 ; Rupp et Perrey, 2008) et l’effet de l’entraînement physique (McKay et al., 2009). Parmi les différents muscles squelettiques, les muscles des membres inférieurs ont été explorés à l’aide de la NIRS (i.e.

biceps femoris, gastrocnemius, rectus femoris, tibialis anterior, vastus medialis et vastus lateralis) au cours de diverses modalités d’exercice (pédalage, stimulation électrique,

al., 2011). Par ailleurs, les mesures des paramètres NIRS au niveau musculaire sont

facilement reproductibles lors de l’exercice de pédalage (Spencer et al., 2011).

En raison de son emplacement, le muscle vastus lateralis est accessible à la technique NIRS. De plus, il représenterait au mieux les muscles impliqués dans l’exercice de pédalage. Dans la partie suivante nous décrivons le profil de l’oxygénation au niveau du muscle vastus

lateralis au cours de l’exercice de pédalage.

2.1.1. Lors d’un exercice incrémental

Plusieurs études ont rapporté que la déoxygénation musculaire du vastus lateralis suit un profil sigmoïde avec un ralentissement ou un plateau marquant « un seuil NIRS » vers la fin de l’exercice incrémental (> 90% de peak) (Figure 23) (Boone et al., 2010 ; Ferreira et

al., 2007 ; Legrand et al., 2007 ; Racinais et al., 2014 ; Subudhi et al., 2007). Par ailleurs,

Subudhi et al. (Subudhi et al., 2007) ont montré que l’oxygénation du vastus lateralis diminuait de façon linéaire jusqu’à 75% de peak, malgré l’augmentation du volume sanguin régional (augmentation de tHb).

Figure 23 : paramètres NIRS au niveau du vastus lateralis au cours d’un exercice incrémental. SV1 et SV2, premier et second seuil ventilatoire ; HHb, déoxyhémoglobine ;

O2Hb oxyhémoglobine (Racinais et al., 2014).

Ces tendances de HHb et O2Hb ont été attribuées à des changements de l’oxygénation capillaire et veineuse, à la saturation de la myoglobine tissulaire en O2, qui fluctuent en fonction de PO2, à l’acidose sanguine et à l’équilibre entre l’apport et l’utilisation d’O2 due à l’exercice au niveau du site de mesure (Belardinelli et al., 1995 ; Bhambhani et al., 1997 ; Subudhi et al., 2007). En effet, les mesures NIRS ont été corrélées avec les changements de la tension intracellulaire en O2 (Tran et al., 1999) et avec la saturation du sang veineux en O2

(Esaki et al., 2005 ; Wilson et al., 1989). Le plateau de l’oxygénation musculaire à la fin de l’exercice incrémental a été interprété comme une preuve de l’extraction maximale d’O2

(Esaki et al., 2005 ; Shibuya et al., 2004 ; Wilson et al., 1989). Toutefois, un déplacement vers la droite de la courbe de dissociation de O2Hb devrait accélérer la déoxygénation à des intensités avoisinant le « seuil lactique » ou ventilatoire (Belardinelli et al., 1995 ; Grassi et

al., 1999 ; Miura et al., 2004).

Cependant, ce plateau de l’oxygénation du muscle vastus lateralis n’a pas été observé dans d’autres études lors d’un exercice incrémental (Figure 24) (Rupp et Perrey, 2008). Par

ailleurs, il semble que l’épuisement ne serait pas lié au niveau de la déoxygénation au niveau du vastus lateralis comme le suggère la capacité à poursuivre l’exercice à des intensités plus importantes après l’apparition du plateau (Subudhi et al., 2007).

Figure 24 : changements au cours de temps des paramètres NIRS durant un exercice de pédalage progressif maximal. [HbO2], concentrations musculaires d’oxyhémoglobine ;

[HHb], concentrations musculaires de déoxyhémoglobine ; [HbTot], concentrations musculaires d’hémoglobine totale (Rupp et Perrey, 2008).

2.1.2. Lors d’un exercice à charge constante

2.1.2.1. Exercice d’intensité modérée

Pendant un exercice de pédalage mené à 40% de max, tHb et Oxy (= O2Hb - HHb) au niveau du muscle vastus lateralis diminue pendant la première minute de l’exercice en raison de facteurs mécaniques liés à la contraction musculaire (Figure 25) (Kime et al., 2009). Ensuite, tHb et Oxy augmentaient avec le temps en raison de la vasodilatation induite par l’exercice et de l’augmentation du recrutement artériolaire et capillaire (Figure 25).

Cependant, à des intensités d’exercice plus élevées, l’approvisionnement en O2 aux muscles peut être limité par des effets mécaniques dus à l’augmentation de la pression intramusculaire.

Figure 25 : réponses typiques de Δ[tHb] et Δ[Oxy] à l’exercice de pédalage. Δ[tHb],

variation des concentrations musculaires de l’hémoglobine totale ; Δ[Oxy], variation des concentrations musculaires (d’oxyhémoglobine – déoxyhémoglobine) ; la zone déterminée par des lignes en pointillés indique la période d’exercice à 40% de max (Kime et al., 2009).

Les mêmes résultats pour O2Hb et tHb ont été observés par Kounalakis et Geladas (Kounalakis et Geladas, 2012), lors de l’exercice prolongé effectué à 40 et à 80 rpm à une intensité modérée (90 minutes de pédalage réalisé à 60% de O2peak) (Figure 26). D’autre part, SatO2 suivait le même profil que O2Hb et tHb. En ce qui concerne HHb, elle se stabilisait jusqu’à la fin de l’exercice après une légère baisse au début de l’exercice (Figure 26) (Kounalakis et Geladas, 2012).

Figure 26 : changements des paramètres NIRS du muscle vastus lateralis pendant 90 minutes de pédalage à 40 et 80 rpm. ∆tHb (a), variation de l’hémoglobine totale ; ∆O2Hb (b), variation de l’oxyhémoglobine ; ∆HHb (c), variation de la déoxyhémoglobine ; SatO2 (d),

saturation artérielle en O2 ; *, p < 0,05, différence significative entre 40 et 80 rpm ; †, p < 0,05, ‡, p < 0,01, différence significative par rapport à la cinquième minute (Kounalakis et

Geladas, 2012).

Par ailleurs, O2Hb et tHb au niveau du vastus lateralis présentent la même réponse suite à une augmentation de la puissance de 20 W (qui peut être considérée comme un échauffement) à une puissance correspondant à 80% du « seuil lactique », c’est à dire une baisse au début de l’exercice suivie d’une augmentation au cours de l’exercice. HHb décrivait un profil différent puisque HHb augmentait significativement pendant la première minute de l’exercice puis se stabilisait ensuite tout au long de l’exercice (DeLorey et al., 2003) (Figure 27).

Figure 27 : adaptation des paramètres NIRS au niveau du muscle vastus lateralis en réponse à une variation de la puissance de travail de 20 W à 80% du « seuil lactique ».

HHb, déoxyhémoglobine ; O2Hb, oxyhémoglobine ; Hbtot, hémoglobine totale ; la ligne pointillée indique le début de l’exercice (DeLorey et al., 2003).

2.1.2.2. Exercice d’intensité élevée

Au début d’un exercice de pédalage à une intensité correspondant à 80% de O2max, HHb augmentait et O2Hb diminuait avant de s’approcher d’un plateau vers la troisième minute d’exercice (Figure 28) (Turner et al., 2013). Les mêmes résultats ont été reportés par Keramidas et al. (Keramidas et al., 2011) lors d’un exercice de pédalage à 85% de peak conduit jusqu’à épuisement. En effet, ces auteurs ont observé une diminution progressive de O2Hb jusqu’à 20% du temps de maintien, et par la suite O2Hb se stabilisait en plateau jusqu’à l’épuisement.

Par ailleurs, la transition de 80% à 100% de O2max augmentait significativement HHb (augmentation de 3,6 ± 2,6 µM), toutefois, il n’y avait pas de différence significative de tHb et O2Hb entre les deux intensités (Figure 28) (Turner et al., 2013).

Figure 28 : changements de l’oxygénation du vastus lateralis au cours l’exercice intense.

[deoxy (Hb + Mb)] (A), concentration de l’hémoglobine et la myoglobine désoxygénée ; [oxy (Hb + Mb)] (B), concentration de l’hémoglobine et de la myoglobine oxygénée ; [total (Hb + Mb)] (C), concentration de l’hémoglobine et de la myoglobine totale ; la ligne verticale en

2.2. Au niveau cérébral

La première application de la NIRS à l’étude de l’oxygénation cérébrale a été proposée il y a trente-huit ans par Jöbsis, (Jobsis, 1977). Bien que l’utilisation de la lumière dans le proche infrarouge pour examiner l’oxygénation du cerveau soit compliquée par le fait que la tête est un milieu hétérogène, l’utilisation de la NIRS ne cesse d’augmenter dans le domaine de la physiologie de l’exercice (Ferrari et Quaresima, 2012 ; Perrey, 2008 ; Rooks et al., 2010). La lumière émise diffuse dans toutes les directions à l’intérieur des tissus de la tête (la peau, le crâne, la dure-mère et l’espace sous-arachnoïdien rempli de liquide céphalo-rachidien ainsi que le tissu cortical avec ses circonvolutions et ses sillons). Cette lumière diffuse entre chaque paire émetteur-récepteur en présentant un profil en forme de banane. La NIRS permet d’évaluer les paramètres de l’oxygénation cérébrale (i.e. O2Hb, HHb et tHb).

Pour des raisons pratiques, l’oxygénation cérébrale a souvent été mesurée au niveau du cortex préfrontal même si cette zone ne participe qu’à la prise de décision. Toutefois, il a été montré que la déoxygénation de cette région du cerveau contribue à la limitation de la performance lors de l’exercice effectué à des intensités élevées (Seifert et al., 2009). Dans la partie suivante nous décrivons le profil de l’oxygénation cérébrale au niveau du cortex préfrontal au cours de l’exercice de pédalage.

2.2.1. Lors d’un exercice incrémental

L’utilisation de la NIRS afin de suivre l’oxygénation au niveau du cortex préfrontal pendant l’exercice incrémental a montré que, après une phase stable pour de faibles intensités (jusqu’à 25% peak) (Subudhi et al., 2007), O2Hb, HHb et tHb cérébrale augmentaient jusqu’à des intensités correspondant à SV2 (Figure 29 et 30) (Bhambhani et al., 2007 ; Oussaidene et al., 2013 ; Racinais et al., 2014 ; Rooks et al., 2010 ; Rupp et Perrey, 2008) ou à 75% de peak (Subudhi et al., 2007). Ces observations renforcent l’idée que la perfusion cérébrale augmente pour maintenir l’apport d’O2 pendant l’exercice sous-maximal (Ide et al., 1999 ; Imray et al., 2005 ; Jensen et al., 2002 ; Nielsen et al., 2001).

Figure 29 : paramètres NIRS au niveau du cortex préfrontal au cours d’un exercice incrémental. SV1 et SV2, premier et second seuil ventilatoire ; HHb, déoxyhémoglobine ;

O2Hb, oxyhémoglobine (Racinais et al., 2014).

A des intensités d’exercice plus élevées (> à SV2 ou à 75% de peak), bien que tHb se stabilisait, O2Hb diminuait progressivement et HHb continuait à augmenter jusqu’à l’épuisement (Figure 29 et 30) (Racinais et al., 2014 ; Rupp et Perrey, 2008 ; Subudhi et al., 2007). Par ailleurs, HbDiff augmentait de l’échauffement à SV2, puis chutait significativement entre SV2 et l’épuisement. Ces observations sont en accord avec la diminution de l’oxygénation cérébrale observée au cours de l’exercice maximal (Nielsen et al., 1999) et supramaximal (Shibuya et al., 2004).

Figure 30 : changements au cours du temps des paramètres NIRS au niveau cérébral lors d’un exercice maximal progressif de pédalage. [HbO2], oxyhémoglobine ; [HHb],

Ces modifications de l’oxygénation cérébrale ont été attribuées aux modifications de PaCO2 (Bhambhani et al., 2007 ; Racinais et al., 2014 ; Subudhi et al., 2007). En effet, une augmentation de PaCO2 à des faibles intensités induit une vasodilatation cérébrale augmentant ainsi le débit sanguin, alors qu’une diminution brusque de PaCO2 après SV2 (Wasserman, 1986) conduit à une vasoconstriction cérébrale et une diminution du Céréb. La stabilisation de tHb, la baisse de O2Hb et l’augmentation de HHb à la fin de l’exercice incrémental ont permis à Subudhi et al. (Subudhi et al., 2007) de soutenir les suggestions de Gonzalez-Alonso et al. (Gonzalez-Alonso et al., 2004), à savoir que la baisse de l’oxygénation cérébrale survenant avant l’épuisement, lors de l’exercice intense de pédalage à charge constante, est due à une légère diminution du Céréb associée à une augmentation relativement plus importante de l’extraction cérébrale d’O2.

2.2.2. Lors d’un exercice à charge constante

2.2.2.1. Exercice d’intensité modérée

Probablement en raison de l’importance « mineure » accordée à l’oxygénation cérébrale pour la réalisation d’un exercice d’intensité modérée, à notre connaissance, très peu d’études se sont intéressées à l’évolution des paramètres NIRS au niveau cérébral. Lors de l’exercice de pédalage de 10 minutes à 30% de O2max, Ide et al. (Ide et al., 1999) ont observé une baisse de HHb au début de l’exercice suivie d’une augmentation puis d’une stabilisation à des valeurs proches de celles de repos jusqu’à la fin de l’exercice. Parallèlement, une légère augmentation de tHb et O2Hb a été observée (Figure 31). Dans la même étude, suite à l’augmentation de l’intensité de 30% à 60% de O2max, HHb, O2Hb et tHb augmentaient jusqu’à la fin de l’exercice (Figure 31).

Figure 31 : changements des paramètres NIRS au niveau cérébral pendant 10 minutes de repos, 10 minutes de pédalage à 30% de O2max, 10 minutes à 60% de O2max et 10

minutes de récupération. ∆Hb, variation de la déoxyhémoglobine ; ∆HbO2, variation de l’oxyhémoglobine ; ∆Hbtotal, variation de l’hémoglobine totale (Ide et al., 1999).

Par ailleurs, pendant 90 minutes de pédalage à 40 et à 80 rpm, Kounalakis et Geladas, (Kounalakis et Geladas, 2012) ont observé une augmentation de tHb à 40 rpm mais pas à 80 rpm et une baisse de HHb à 80 rpm mais pas à 40 rpm entre 8-13 minutes et 85-90 minutes d’exercice (Figure 18).

2.2.2.2. Exercice d’intensité élevée

Lors de l’exercice de pédalage à 360 ± 10 W conduit jusqu’à épuisement, l’oxygénation au niveau du cortex préfrontal diminuait tout au long de l’exercice (Figure 32) (Gonzalez-Alonso et al., 2004). Selon ces auteurs, cette baisse de l’oxygénation cérébrale serait due à une légère diminution du débit sanguin cérébral associée à une augmentation relativement plus importante de l’extraction cérébrale d’O2. Le même résultat a été observé chez des cyclistes lors d’un exercice de pédalage mené jusqu’à épuisement et effectué à environ 80% de max (Goodall et al., 2012).

Figure 32 : oxygénation cérébrale déterminée par NIRS au repos, au cours de l’exercice sous-maximal et maximal et pendant la récupération (Gonzalez-Alonso et al., 2004).

D’autre part, lors d’un exercice mené jusqu’à épuisement et effectué à 85% de peak, O2Hb restait stable tout au long de l’exercice, tandis que HHb augmentait significativement après 60% du temps de maintien par rapport aux valeurs de repos et tHb augmentait à la fin de l’exercice (Keramidas et al., 2011). Toutefois, durant l’exercice supra-maximal à charge constante (120% de peak), Shibuya et al. (Shibuya et al., 2004) ont observé une augmentation significative de tHb et de O2Hb pendant la première minute de l’exercice, ensuite, tHb et O2Hb diminuaient graduellement au cours de l’exercice.