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III. Synthèse

3. Discussion générale

De nombreuses travaux, dont certains très anciens, ont porté sur l’effet de la cadence de pédalage sur différents aspects tels que la performance, les paramètres cardiorespiratoires, la participation du métabolisme anaérobie et le recrutement musculaire (Chavarren et Calbet, 1999 ; Dickinson, 1929 ; Gaesser et Brooks, 1975 ; Hill et Vingren, 2012). En outre, la technique NIRS a beaucoup été employée, depuis la fin des années 1980, afin d’étudier le métabolisme oxydatif musculaire au repos et au cours de différentes modalités d’exercice (Ferrari et al., 2011) mais aussi afin de surveiller l’état des tissus corticaux de manière non invasive à travers le crâne (Jobsis, 1977). A ce jour et à notre connaissance, très peu d’auteurs ont utilisé la technique NIRS pour identifier l’effet de la cadence de pédalage sur l’oxygénation musculaire (Ferreira et al., 2006 ; Jacobs et al., 2013 ; Kounalakis et Geladas, 2012) et cérébrale (Kounalakis et Geladas, 2012). De plus, ces travaux ne concernaient pas l’exercice intense mené jusqu’à l’épuisement chez différentes populations. Dans ce contexte, l’objectif principal de cette thèse était d’identifier l’effet de la cadence de pédalage sur le profil de l’oxygénation musculaire et cérébrale lors d’intensités d’exercice différentes et chez des populations différentes. Dans ce chapitre, nous allons discuter l’ensemble des résultats obtenus lors des trois plans expérimentaux.

Concernant l’effet de l’intensité de l’exercice chez les sujets non entraînés, il convient d’indiquer, qu’à notre connaissance, aucune étude n’a évalué l’effet de la cadence de pédalage sur l’oxygénation musculaire lors d’un exercice à charge constante mené jusqu’à l’épuisement durant lequel la disponibilité en O2 au niveau musculaire pourrait jouer un rôle central sur la performance. En effet, les trois travaux relevés dans la littérature ont utilisé soit des exercices d’intensité modérée (Jacobs et al., 2013 ; Kounalakis et Geladas, 2012) soit un exercice

incrémental (Ferreira et al., 2006). Bien que dans nos études (1 et 2), l’effet de la cadence de pédalage sur l’oxygénation musculaire et sur O2 de l’organisme entier était différent lors de l’exercice intense comparativement à l’exercice d’intensité modérée (HHb similaire à 40 et 100 rpm lors de l’exercice d’intensité modérée mais HHb plus élevée à 40 qu’à 100 rpm lors de l’exercice intense d’une part, et d’autre part O2 plus élevée à 100 par rapport à 40 rpm lors de l’exercice d’intensité modérée mais O2 similaire pour les deux cadences lors de l’exercice intense), nos conclusions pour les deux intensités d’exercice sont que O2M était plus élevé à 100 rpm, suggérant que le muscle ajuste son O2M à la demande d’O2 afin de satisfaire aux besoins de l’exercice suite au changement de cadence de pédalage. Ces résultats permettent de penser que, dans les conditions d’exercice étudiées, l’intensité de l’effort ne serait pas un facteur déterminant de la perfusion musculaire et que, conformément aux résultats de Saltin et al. (Saltin et al., 1998), la perfusion musculaire est le résultat des interactions entre des mécanismes centraux et locaux de contrôle de la vasomotricité, mais aussi des effets mécaniques de la contraction musculaire. Par ailleurs, nous avons observé que l’augmentation de la cadence de pédalage augmente l’hétérogénéité de la déoxygénation musculaire lors de l’exercice modéré, suggérant une redistribution du débit sanguin au sein d’un même muscle durant l’exercice, comme précédemment raporté par Armstrong et Laughlin (Armstrong et Laughlin, 1983), et/ou une augmentation de M par rapport à O2M dans certaines régions du muscle lors de l’exercice à cadence élevée.

Afin d’évaluer l’effet de la capacité aérobie sur les réponses à l’exercice induites par une modification de la cadence de pédalage lors de l’exercice intense mené jusqu’à l’épuisement, deux populations différentes, triathlètes et non entraînés, ont été testées. Nos résultats ont montré que la performance (évaluée ici par la durée de l’exercice avant la survenue de l’épuisement) était améliorée à 40 rpm par rapport à 100 rpm chez les sujets non entraînés tandis qu’aucune différence significative n’était observée entre les deux cadences chez les triathlètes. Ce résultat pourrait être dû au fait que les deux populations avaient probablement des cadences de pédalage préférées différentes. En effet, il a été rapporté que les cadences préférées de sujets entraînés à l’endurance étaient plus élevées que celles de sujets non entraînés (Marsh et al., 2000). De la même manière, il a été montré qu’une cadence de 60 rpm pourrait conduire à une meilleure performance chez des sujets moyennement entraînés, tandis que la performance optimale se produirait pour des cadences plus élevées

chez les cyclistes professionnels (Jacobs et al., 2013). De plus, Foss et Hallen, (Foss et Hallen, 2004) ont montré que la performance de cyclistes évaluée par un temps limite d’exercice était plus faible à 60 et 120 rpm qu’à 80 rpm. Cela indique que la « fenêtre » de cadences optimales serait assez petite. De plus, le pédalage à une cadence trop élevée pourrait être encore moins efficient que le pédalage à une cadence trop faible.

Nos résultats indiquent aussi que l’extraction d’O2 au niveau du vastus lateralis était dépendante de la cadence de pédalage chez les sujets non entraînés mais ne l’était pas chez les sujets entraînés à l’endurance. Il est donc possible que les adaptations induites par l’entraînement aérobie modifient les réponses de l’oxygénation musculaire à un changement de cadence. En effet, l’augmentation de la densité capillaire ainsi qu’une augmentation du nombre et de la taille des mitochondries dans le muscle squelettique chez les sujets entraînés en endurance (Holloszy, 2008 ; Laughlin et Roseguini, 2008) changerait l’équilibre entre l’apport et l’utilisation d’O2 lors de l’exercice. Bien que l’apport d’O2 au niveau musculaire semble être inférieur à 40 rpm en comparaison de 100 rpm chez les sujets non entraînés, la performance était supérieure à 40 rpm. Cela suggère que l’épuisement, dans les conditions d’exercice étudiées, ne serait pas lié à la disponibilité en O2 au niveau musculaire chez les sujets non entraînés. Nos résultats obtenus chez les sujets entraînés à l’endurance ne montraient pas de modification de la performance ni de changement d’apport d’O2 avec la cadence de pédalage, ce qui ne permet donc pas de confirmer cette hypothèse mais ce qui ne permet pas non plus de l’infirmer.

Au niveau cérébral, nous avons observé, d’une part une élévation importante de ΔO2Hb et ΔtHb au cours de l’exercice à 40 rpm mais pas lors de l’exercice à 100 rpm chez les sujets non entraînés, et d’autre part un plus grand niveau de ΔO2Hb à l’épuisement à 40 en comparaison de 100 rpm chez les sujets entraînés. Pris ensemble, ces résultats indiquent un effet de la cadence de pédalage sur l’oxygénation cérébrale et en particulier une possible élévation de la disponibilité en O2 au niveau cérébral à faible cadence de pédalage. Combinés aux résultats concernant la performance, cela suggère que les changements de la disponibilité en O2 au niveau du cortex préfrontal induits par la modification de la cadence de pédalage ne seraient pas impliqués dans la tolérance à l’exercice chez les sujets entraînés, mais pourrait l’être chez les sujets non entraînés. Nos résultats obtenus chez les sujets entraînés sont en

accord avec ceux de Sudhubi et al. (Subudhi et al., 2011) qui s’est intéressé à des cyclistes amateurs lors de l’exercice incrémental. Ainsi, ces auteurs ont montré que l’augmentation de O2C sans élévation concomitante de O2M n’altérait pas la performance lors de l’exercice progressif maximal, suggérant que l’apport d’O2 au niveau cérébral n’est pas le principal facteur limitant de l’exercice progressif (Subudhi et al., 2011).