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I. Oxygène et limitation de l’exercice

4. Apport et utilisation musculaire et cérébrale d’O2 et limitation de l’exercice

4.2. Limitation de l’exercice et oxygénation cérébrale et musculaire

La fatigue (ou l’épuisement) est un phénomène complexe impliquant des facteurs limitant la capacité à maintenir la contraction musculaire ou un niveau donné de production de force (Vollestad et al., 1988). Bien que la décision de mettre fin à l’exercice soit prise par le cerveau (Kayser, 2003), il est évident que la fatigue périphérique, décrite comme une perturbation de la capacité de génération de force d’un muscle, contribue au développement de la fatigue globale (Fitts, 1994). Si la fatigue centrale se réfère à tous les processus impliqués dans l’activation des motoneurones qui peuvent être modulés au niveau de la moelle et/ou au niveau supraspinal (Gandevia, 2001), le système nerveux central semble être fortement influencé par les événements qui se déroulent dans les muscles pendant l’effort (Amann et al., 2008).

Lors de l’exercice maximal mobilisant une grande masse musculaire, le débit cardiaque devient un facteur limitant (Mortensen et al., 2008) et pourrait affecter non seulement la circulation sanguine et l’oxygénation des muscles actifs, mais aussi la perfusion et l’oxygénation cérébrale (Seifert et al., 2009).

4.2.1. Limitation de l’exercice et oxygénation cérébrale

Lors de l’exercice aérobie d’intensité élevée, l’oxygénation cérébrale réduite résulte de l’apport d’O2 insuffisant au cerveau (Rasmussen et al., 2007). Cette baisse de l’apport d’O2 au niveau cérébral serait due à la baisse de la PaCO2 induite par l’hyperventilation (Hellstrom et

al., 1996) et pourrait être impliquée dans la limitation de l’exercice.

L’oxygénation cérébrale a été mesurée en utilisant la NIRS au niveau du cortex préfrontal ou des aires corticales motrices à différentes intensités d’exercice (Bhambhani et

al., 2007 ; Gonzalez-Alonso et al., 2004 ; Ide et al., 1999 ; Nielsen et al., 1999 ; Oussaidene et al., 2013 ; Rupp et Perrey, 2008 ; Shibuya et al., 2004 ; Subudhi et al., 2007). La plupart des

études ont montré une diminution significative de l’oxygénation cérébrale à l’approche de l’épuisement. Ces auteurs ont conclu que la diminution de l’activation corticale a eu lieu en concomitance avec une déficience de la fonction musculaire et contribue progressivement à la fatigue centrale avant l’épuisement (Sogaard et al., 2006). De plus, certains auteurs ont suggéré que l’oxygénation cérébrale était plus susceptible de contribuer à limitation de l’exercice que l’oxygénation musculaire (Nielsen et al., 1999). Par ailleurs, bien que Rooks et al. (Rooks et al., 2010) aient suggéré que l’entraînement pourrait influencer l’oxygénation cérébrale pendant l’exercice, les mêmes conclusions sur le lien entre oxygénation cérébrale et fatigue ont été tirées chez les sujets entraînés à l’endurance (Nielsen et al., 1999) et chez les sujets non entraînés (Oussaidene et al., 2013).

peak (Subudhi et al., 2008) et le temps de maintien (temps auquel l’épuisement survenait) (Amann et al., 2007 ; Kayser et al., 1994) en hypoxie ont été rapidement améliorées par l’administration d’O2 juste avant l’apparition de la fatigue. Ces auteurs ont

conclu que cette amélioration serait due à une augmentation de l’apport d’O2 au cerveau car ces changements sont trop rapides pour inverser l’accumulation ou l’épuisement des métabolites associés à la fatigue musculaire. D’autre part, l’hyperoxie modérée décale le seuil de diminution de l’oxygénation cérébrale lors de l’exercice progressif sans avoir d’effet sur le profil de l’oxygénation musculaire, ce décalage étant lié à l’augmentation de performance en hyperoxie (Oussaidene et al., 2013). Ces résultats soutiennent l’hypothèse d’un rôle de l’oxygénation cérébrale comme un mécanisme impliqué dans la limitation de la performance. Toutefois, l’augmentation de Céréb sans élévation concomitante de M (par la respiration de CO2) n’améliore pas la performance lors de l’exercice progressif maximal, suggérant que l’apport d’O2 au niveau cérébral ne serait pas le principal facteur limitant de l’exercice (Subudhi et al., 2011).

4.2.2. Limitation de l’exercice et oxygénation musculaire

La fatigue musculaire est définie comme une perte transitoire de la capacité du muscle à générer de la force. Cette fatigue musculaire se développait lors des contractions suffisamment intenses et/ou prolongées (Enoka et Duchateau, 2008 ; Gandevia, 2001). Un facteur important en rapport avec les mécanismes de la fatigue musculaire pendant l’exercice est la capacité d’apport et d’utilisation d’O2 au niveau musculaire. En d’autres termes, O2M

insuffisant et/ou O2M insuffisante peuvent influencer la capacité des muscles à résister à la fatigue (Hogan et al., 1994 ; Katayama et al., 2007).

Lors de l’exercice impliquant une grande masse musculaire, plusieurs études ont montré que l’oxygénation musculaire diminuait progressivement avec l’augmentation de l’intensité ou la durée de l’exercice, atteignant un minimum ou un plateau vers la fin de l’exercice incrémental (> 90% de peak) (Boone et al., 2010 ; Ferreira et al., 2007 ; Legrand

et al., 2007 ; Racinais et al., 2014 ; Subudhi et al., 2007) ou vers la troisième minute

d’exercice lors de l’exercice à charge constante d’intensité élevée (> 80% de peak) (Keramidas et al., 2011 ; Turner et al., 2013). Bien que ce plateau a été interprété comme une preuve de l’extraction maximale d’O2 (Esaki et al., 2005 ; Shibuya et al., 2004 ; Wilson et al., 1989), la plupart de ces études ont écarté l’hypothèse que l’oxygénation musculaire joue un

rôle important dans l’épuisement. En effet, les sujets ont pu continuer l’exercice à des intensités plus élevées après l’apparition du plateau de l’oxygénation musculaire, et par conséquent, l’hypothèse d’une implication de l’oxygénation cérébrale demeure plausible (voir section précédente).

Toutefois, aucune désaturation du tissu cérébral n’a été observée au cours de l’exercice d’extension de genou qui implique de fait une petite masse musculaire (Gomes et al., 2013 ; Matsuura et al., 2011 ; Pereira et al., 2007). Dans le même temps, O2Hb et tHb étaient compromis au niveau musculaire (Gomes et al., 2013 ; Matsuura et al., 2011). Ces résultats suggèrent que la fatigue des membres inférieurs serait d’origine périphérique et s’expliquerait en partie par la réduction de la disponibilité d’O2 au niveau musculaire due à une réduction de O2M (Place et al., 2009). D’autre part, le développement de la fatigue musculaire lors de contractions isométriques intermittentes de flexion du coude à 60% de la contraction maximale volontaire était accompagné d’une augmentation de tHb et O2Hb au niveau cérébral et d’une stabilisation de tHb et O2Hb au niveau musculaire (Bhambhani et al., 2014). Ces auteurs ont suggéré que la fatigue musculaire à cette intensité d’exercice est due en partie à la réduction de la disponibilité d’O2 au niveau périphérique plutôt qu’à une diminution de l’activation neuronale centrale.

Il semble donc que le rôle de l’oxygénation musculaire dans la limitation de l’exercice serait limité à l’exercice très local mobilisant une petite masse musculaire et que la disponibilité et l’utilisation d’O2 au niveau musculaire, lors de l’exercice mobilisant une grande masse musculaire, ne serait pas impliqué dans la limitation de l’exercice. Toutefois, ces conclusions sont à prendre avec précaution. En effet, le rôle de la fatigue périphérique dans la limitation de l’exercice mobilisant une petite masse musculaire a été mise en doute (Neyroud et al., 2012). De plus, une implication de la disponibilité et de l’utilisation musculaire d’O2 dans la limitation de l’exercice du corps entier est loin d’être écarté (Subudhi