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III. Synthèse

1. Discussion de l’étude 1

À notre connaissance, cette étude est la première portant sur l’effet de la cadence de pédalage sur l’hétérogénéité de la déoxygénation musculaire au cours de l’exercice d’intensité modérée. Le principal résultat de ce travail est que l’hétérogénéité de la déoxygénation musculaire (i.e., HHb RD) était plus élevée à 100 rpm en comparaison de 40 rpm, bien que HHb n’était pas modifiée par la cadence de pédalage. Dans le même temps, O2 de l’organisme entier était plus élevée à 100 rpm qu’à 40 rpm.

1.1. Hétérogénéité de HHb

Nos résultats montrent que, lors du pédalage à 100 rpm, la déoxygénation du vastus

lateralis était plus hétérogène qu’à 40 rpm. Puisque HHb reflète l’équilibre entre O2M et O2M, la plus grande hétérogénéité de HHb à 100 rpm indique une plus grande hétérogénéité du ratio O2M/ O2M. Ainsi, l’ajustement entre la demande et l’apport d’O2 n’était pas uniforme dans la région d’intérêt du vastus lateralis, en particulier à cadence de pédalage élevée. Ce résultat pourrait impliquer plusieurs mécanismes. (i) Il existe une redistribution du débit sanguin au sein d’un même muscle et entre les muscles ainsi qu’entre les organes pendant l’exercice (Armstrong et Laughlin, 1983). Cette redistribution se produit

probablement afin de mieux coordonner l’apport d’O2 à la demande locale d’O2. Ce phénomène pourrait s’expliquer par des mécanismes de contrôle local des cellules musculaires lisses des parois des vaisseaux sanguins, induisant des variations du diamètre des artérioles, et modifiant ainsi le débit sanguin au niveau des organes et la pression artérielle systémique (Clifford, 2011). (ii) Une augmentation de O2M par rapport à O2M dans certaines régions du muscle à cadence élevée pourrait être due à une augmentation de la demande métabolique et donc du débit sanguin dans une partie du muscle. Cette hypothèse est supportée par les résultats de Hamann et al. (Hamann et al., 2005), qui ont observé une augmentation de M lors des contractions de courte durée par rapport à des contractions de longue durée du muscle gastrocnemius plantaris isolé du chien. Ces auteurs ont suggéré que la réponse du débit sanguin est plutôt liée au métabolisme musculaire qu’au travail contractile. Les mêmes résultats ont été observés par Sjogaard et al. (Sjogaard et al., 2002) au cours d’un exercice d’extension du genou. Cependant, d’autres études n’ont pas signalé cette augmentation en utilisant la même modalité d’exercice limitée à 20 degrés (Hoelting et al., 2001). À notre connaissance, il n’existe aucune donnée sur le débit sanguin au niveau des membres inférieurs mesuré à différentes cadences pendant l’exercice de pédalage. (iii) Les fibres musculaires ne sont certainement pas réparties uniformément dans le muscle, comme l’indique le faible pourcentage de fibres à contraction lente dans les régions distales par rapport aux régions proximales du muscle vastus lateralis chez l’homme (Lexell et al., 1983), ainsi qu’une prédominance des fibres de Type IIb à la surface et des fibres de type I dans les régions plus profondes du muscle (Dahmane et al., 2005). Par conséquent, étant donné que le pédalage à une cadence élevée pourrait augmenter le recrutement des fibres à contraction rapide (Sargeant, 2007) et que l’augmentation de M serait directement liée à la proportion de fibres à contraction rapide (Laughlin et Armstrong, 1982), cette augmentation de l’hétérogénéité de recrutement des fibres musculaires induirait une déoxygénation plus hétérogène dans la région d’intérêt.

1.2. HHb, tHb et Δ

max-min

tHb musculaire

HHb et tHb représentent une évaluation plus globale de la déoxygenation et du volume sanguin au niveau du muscle vastus lateralis. En effet, HHb et tHb correspondent à la moyenne des mesures effectuées par les huit canaux du système NIRS utilisé dans cette étude,

ce qui correspond à une mesure moyenne sur une surface musculaire d’environ 38 cm2

. Nos résultats indiquent que HHb n’était pas modifiée par la cadence de pédalage malgré les valeurs de O2 significativement plus élevées à 100 rpm par rapport à 40 rpm. Ces résultats obtenus lors de l’exercice d’intensité modérée sont comparables à ceux obtenus lors de l’exercice maximal progressif réalisé à 60 et 100 rpm (Ferreira et al., 2006). Cela indique que la cadence de pédalage n’a pas d’effet sur le ratio O2M/ O2M, suggérant que l’extraction d’O2 était indépendante de la cadence de pédalage. Par ailleurs, la plus grande O2 de l’organisme entier suggère que O2M était plus élevée à 100 rpm qu’à 40 rpm. On peut donc émettre l’hypothèse que O2M était lui aussi plus grand à 100 rpm. Le muscle semble donc adapter O2M à la demande d’O2. Ce plus grand O2M pourrait être lié à un C plus élevé comme pourrait l’indiquer la plus grande FC à 100 rpm par rapport à 40 rpm (Tableau 2). De plus, selon Gotshall et al. (Gotshall et al., 1996), le pédalage à des cadences élevées implique une augmentation du VES due à une meilleure action de la pompe musculaire. D’autre part, une pression artérielle plus élevée pendant l’exercice effectué à 100 rpm contribuerait à l’augmentation du M à des niveaux similaires à ceux observés à 60 rpm (Gotshall et al., 1996). Une autre explication de l’augmentation du M pourrait être la redistribution du débit sanguin (voir (iii) dans la section précédente) en réponse à une différence dans le recrutement des fibres musculaires. En effet, une hétérogénéité de la distribution du débit sanguin peut se produire à l’intérieur du muscle pendant l’exercice en raison de la composition en différent type de fibres (Mackie et Terjung, 1983).

Après une chute initiale au début de l’exercice, tHb augmentait au cours de l’exercice pour les deux cadences de pédalage (Figure 34 et 37B). Cette augmentation de tHb est due à la vasodilatation et à l’augmentation du recrutement artériolaire et capillaire. Ces observations sont en accord avec celles de Kime et al. (Kime et al., 2009) qui ont utilisé Δmax-mintHb comme indicateur de l’hypérémie fonctionnelle induite par l’exercice et montraient que tHb augmentait au cours d’un exercice dont l’intensité était inférieure à 60% de max. L’intensité de l’exercice, même si elle est modérée, était plus importante lors de l’exercice à 100 rpm par rapport à 40 rpm ( O2 plus élevée), ce qui impliquerait une plus grande production de métabolites du muscle à 100 rpm comparativement à 40 rpm. Cela aurait pu avoir pour conséquence une augmentation de la vasodilatation avec l’augmentation de la cadence de pédalage. De plus, l’augmentation de la fréquence de contraction musculaire pourrait avoir un

effet sur les forces de cisaillement au niveau des cellules endothéliales, ce qui pourrait modifier la production de NO (puissant vasodilatateur fabriqué par les cellules endothéliales en partie sous l’influence des forces de cisaillement). Cependant, dans notre étude, aucun effet de la cadence de pédalage sur Δmax-mintHb n’a été observé. Ce résultat indique que la vasodilatation induite par l’exercice n’est pas influencée par la cadence de pédalage.

1.3. Intensité de l’exercice et réponses cardiorespiratoires

Pour surmonter les problèmes de reproductibilité de la mesure de l’oxygénation musculaire liés au positionnement de l’optode NIRS, les deux exercices (à 40 et à 100 rpm) ont été effectués au cours de la même session de test, et non pas sur deux jours différents. Il est donc important d’évaluer l’éventuelle influence d’un exercice par l’autre. L’intensité modérée de l’exercice et la période de repos de huit minutes séparant les exercices devraient limiter ce phénomène. Il n’y avait pas de différence significative de O2, CO2, E, RER et FC entre la fin de la période de récupération avant exercice à 40 et 100 rpm (repos) et la fin de la période de repos avant le test (Repos) (Tableau 2). Il semble donc que la période de huit minutes de récupération était suffisante pour retrouver le niveau du repos. Par conséquent, nous pouvons supposer que l’influence de l’exercice précédent sur les réponses cardiorespiratoires et métaboliques au cours des deux exercices était minime. Enfin, les deux exercices ont été réalisés dans un ordre aléatoire et une analyse statistique (MANOVA) n’a pas montré d’effet significatif de l’ordre des exercices.

Les valeurs des échanges gazeux ( O2, CO2 et RER) ainsi que FC étaient significativement plus élevées à 100 rpm par rapport à 40 rpm, indiquant que « l’intensité métabolique » de l’exercice réalisé à 100 rpm était plus grande qu’à 40 rpm. L’augmentation de O2 (13 ± 6% à la sixième minute de l’exercice à 100 rpm par rapport à 40 rpm) avec l’augmentation de la cadence de pédalage est en accord avec la littérature (Chavarren et Calbet, 1999 ; Tokui et Hirakoba, 2008), bien que plusieurs études n’ont pas rapporté une telle augmentation pour des cadences de pédalage similaires (Zoladz et al., 2002). Cette augmentation de O2 pourrait s’expliquer par une augmentation de la dépense énergétique liée à la respiration (Chavarren et Calbet, 1999) comme le suggère l’augmentation de E

observée à 100 rpm comparativement à 40 rpm. Cependant, nous avons calculé que l’augmentation de E ne représentait que 9 ± 5% de la différence de O2 entre 100 et 40 rpm (Coast et al., 1993). Il semble donc plus probable qu’un recrutement additionnel de muscles non locomoteurs pour la stabilisation du corps (plus de co-activation des muscles antagonistes) (Mogensen et al., 2006) et/ou une augmentation du travail interne seraient responsables de la plus grande O2 à 100 rpm (Gotshall et al., 1996 ; Tokui et Hirakoba, 2008).