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Des premiers ordinateurs aux consoles de salon : vers un système ludique personnel

Chapitre 1 Contexte historique

1.1 Des premiers ordinateurs aux consoles de salon : vers un système ludique personnel

« Pendant longtemps considéré comme un “épiphénomène”, le jeu vidéo trouve aujourd’hui des

supports et des publics de plus en plus divers. Son chiffre d’affaires aurait en effet dépassé celui du

cinéma (en matière d’exploitation des films en salle), mais s’apprêterait également à dépasser celui

des industries de la musique pour devenir l’un des premiers loisirs en Europe. Au-delà du poids

économique considérable que représente le jeu vidéo dans le champ des industries culturelles [...].

[des] univers de jeux, tels que ceux de Mario Bros.ou deLara Croft, sont devenus non seulement

des univers “mondialisés” [...], mais ils ont également gagné au cours du temps une forme de

“primauté culturelle” sur d’autres objets, s’affranchissant des autres médias pour développer et

exporter les références, mots, symboles, codes, images et icônes spécifiques au jeu vidéo. »(Berry,

2009, p. 23). La question de la technologie n’est jamais très éloignée de celle du jeu vidéo. « [Elle]

désignerait la façon dont les techniques sont utilisées […] dans un but particulier », estime

Catherine Kellner (2000, p. 30). La technique en question, c’est l’informatique. Les jeux vidéo et

l’informatique suivent une même trajectoire dans leur colonisation de l’espace social et personnel.

« Le système informatique peut prendre plusieurs formes, mais il consiste toujours en un

assemblage de composants électroniques dédiés au traitement des informations qui lui sont fournies

par une interface d’entrée. » (Genvo, 2009, p. 26). L’informatique peut se définir comme une « […]

technique de traitement automatique de l’information » (Steinbuch, 1958) apparue au début des

années 1950 et basée comme le rappel Kellner sur une autre technique : l’électronique, ce qui nous

fait d’ailleurs parfois qualifier le jeu vidéo de jeu électronique

5

. Le jeu vidéo devient suivant cette

définition une activité ludique faisant appel à un traitement automatisé de l’information*

6

. Pour bien

comprendre ce qu’est un jeu vidéo, il faut au préalable, nous semble-t-il, comprendre les

caractéristiques de l’informatique et le fonctionnement de base d’un ordinateur. Ainsi, aborder

l’histoire du jeu vidéo revient à explorer celle de l’informatique

7

. « Les ouvrages qui abordent

l’histoire vidéoludique commencent généralement celle-ci par la conception de Spacewar » en 1962

(Donovan, 2010, p. 11 ; Genvo, 2009, p. 27). En réalité, le tout premier logiciel à pouvoir être

véritablement qualifié de jeu vidéo semble être l’OXO d’A.S. Douglas.

8

5 Définition néanmoins inappropriée, l’électronique étant formellement une technique utilisée dans le cadre de la

technologie informatique.

6 Informatique étant par ailleurs la contraction d’INFORmation et d’autoMATIQUE. (Steinbuch, 1958)

7 Au moins pour les débuts du jeu vidéo.

8 La ludographie du livre de Donovan (2010) rappelle, à juste titre, que Spacewar ! est le premier jeu vidéo développé

Celui-ci a développé un logiciel qui fonctionnait sur l’ordinateur EDSAC de Cambridge en 1952

dans le cadre de sa thèse de doctorat (Douglas, 1979 ; Winter, 1996). Le jeuOXO se définit comme

u ntic-tac-toe

9

qui tient plus du jeu électronique que de l’informatique à proprement parler, mais

reste le premier traitement automatisé d’information à caractère ludique. Les calculs de l’ ordinateur

induits par la manipulation d’un cadran téléphonique par le joueur vont modifier la manière dont

des lampes s’allument pour former les motifs du tic-tac-toe et ainsi permettre le jeu. Si OXO

demeure bien un jeu informatique, ses caractéristiques en font plus un jeu électronique qu’un jeu

vidéo ou plus précisément un jeu informatisé. En 1962, l’équipe de Steve Russell au Massachusetts

Institute of Technology (MIT) développa un programme informatique nommé Spacewar !

(Donovan, 2010, p. 11)(un jeu de combat spatial), pour démontrer les capacités d’un des premiers

ordinateurs tels que nous les définirions aujourd’hui. Si la qualification de jeu vidéo appliquée au

titreOXO peut prêter à discussion, il en va tout autrement pour le jeu Spacewar ! Tout d’abord,

parce qu’à la différence du jeu OXO, il fait véritablement appel à la vidéo. Et au surplus, parce que

le périphérique d’entrée a été spécialement conçu pour une activité ludique : une boite en bois avec

un bouton et une molette précurseur des manettes de consoles de jeu actuelles. Mais aussi et surtout

parce qu’il n’est pas la transcription vidéoludique d’un jeu classique (Budziszewski, 2012). Là où

nous venons d’établir une distinction d’un point de vue technologique entre deux périodes, l’une

antérieure et l’autre postérieure à Spacewar ! ; Genvo (2009, pp. 28-29) va établir de son côté une

distinction à partir de la question du game design — point de vue également soutenu par Steve Kent

(2001, p. 15) dans son Histoire ultime des jeux vidéo

10

— ; et qui se base pour partie sur les mêmes

réflexions que Buziszewski. Pour Genvo,OXO, et d’autres jeux précurseurs, ne sont pas, à

proprement parler, des jeux vidéo ; car ils sont issus d’une « [...] exemplification technologique » au

contraire d’unSpacewar ! créé dans une intention ludique ; et utilisé comme telle. Nous ne pouvons

que nous opposer à l’idée que le jeu vidéo puisse se résumer à ce qui a été spécifiquement conçu

comme un jeu vidéo

11

. Il y a chez Genvo comme chez Kent une forme de qualification de l’ objet à

partir d’un jugement qualitatif : un jeu vidéo prendrait ce nom parce qu’il a été conçu pour cela et

« bien conçu ». Cette vision nous paraît très réductrice et impropre à donner une définition à un

objet aussi complexe que le jeu vidéo ; celle-ci posant en définitive les mêmes questions que la

définition du jeu lui-même

12

. Cette question renvoie à un vieux débat quant à la question du rapport

du jeu au jouet. C’est-à-dire de l’activité ludique et de l’ objet conçu pour susciter cette activité.

9 Jeu plus connu en France sous le nom de morpion.

10 Notre traduction.

11 Voir à ce sujet nos développements sur la question du jeu au chapitre 2.

12 Voir à ce sujet le chapitre 2.

Bien aprèsSpacewar ! ,des logiciels ont été détournés dans un but ludique à l’instar d’Excel.

Développé par Microsoft comme un tableur, ce logiciel contenait dans les années 1990 unester

egg

13

prenant la forme d’une course de voiture. Cette querelle d’historien du jeu vidéo pointe en

réalité toute la problématique de définition du jeu vidéo ; et rend prégnante l’idée que

fondamentalement la question devrait se situer non pour ce qui est de l’objet, mais en ce qui

concerne le sujet. Kent et Genvo pointent néanmoins un élément frappant quant à l’histoire du jeu

vidéo : son lien étroit avec l’innovation technologique et notamment militaire. OXO comme

l’ensemble des jeux vidéo qui ont été développés à la même période, n’ont pas — dans un premier

temps — été pensés dans un cadre vidéoludique, mais comme logiciels démonstratifs des

performances techniques d’ordinateurs . Ce lien entre innovation technologique et jeu vidéo reste

prégnant : « Les jeux vidéo sont alors le plus souvent des applications électroniques ou

informatiques détournées par des étudiants, deshackers .Le terme dehacking, aujourd’hui à

connotation délinquante, désignait à l’origine un ensemble de pratiques étudiantes qui consistaient à

transformer des technologies de recherches universitaires ou militaires en d’autres applications,

ludiques le plus souvent

14

. Les laboratoires encourageaient par ailleurs ces usages clandestins

voyant là des formes tout à fait adaptées d’innovation, de création et de recherche. » (Berry, 2009,

p. 24).Spacewar !reste le premier logiciel spécifiquement pensé et conçu dans un but ludique. En

cela, nous pouvons donner raison à Genvo et Kent ; quant à l’idée selon laquelle le titre Spacewar !

constitue le premier logiciel conçu en tant que jeu vidéo détaché des performances de la machine

(c’est-à-dire comme un objet ludique). Ceci étant alors la marque du début de l’industrie

vidéoludique, et non du jeu vidéo. Malgré les meilleures qualités de Spacewar !,par rapport au jeu

OXO, il ne fut pas au départ un logiciel grand public au sens où, s’il a bien été pensé pour devenir

un jeu, il n’a pas été pensé pour être vendu. C’est Ralph Baer qui développa à Sanders Associates

[une société d’armement] le premier jeu vidéo à caractère clairement commercial : Pong en 1967.

L’idée de Baer était de proposer « […] un appareil de jeu vidéo à 19.95 $ [de l’époque] qui pourrait

directement se connecter à un téléviseur.

15

» (Donovan, 2010, p. 12). En d’autres termes, la première

console de salon de l’histoire, basée sur le principe du tennis de table. Mais l’idée de Baer est

rejetée par Sanders Associates et reste au stade du prototype. Entre temps, Nutting Associates va

développer Computer Quiz et IQ. Computer.

13 Littéralement : œuf de Pâques. Il s’agit d’un contenu supplémentaire, généralement caché au sein du programme

informatique.

14 Hacker vient du verbe to hack : tailler, découper (en pièces). C’est-à-dire, celui qui comprend, qui apprend, par le

découpage (le démontage).

Deux jeux de casse-têtes et de questions-réponses qui vont connaître un certain succès avec pas

moins de 4 400 exemplaires vendus pour le premier et 3 600 pour le second. À cette époque,

machines et jeux grands publics ne peuvent véritablement être distingués et se trouvent réunis dans

un même objet : la borne d’arcade. L’ordinateur personnel et la console de salon

16

n’ont pas encore

été inventés et le jeu vidéo reste une activité qui se joue dans des lieux dédiés (au même titre que le

jeu de billard par exemple). À la fin 1971 (Donovan, 2010, p. 20) va se développer la première

borne d’arcade payante : Galaxy Game telle que nous pouvons toujours en trouver dans certains

cafés. C’est cette même année que Nolan Buschnell, fondateur de la société Atari, va s’intéresser à

l’idée de Baer qui avait réussi à convaincre la société Magnavox de créer une version plus avancée

du prototype de Baer (la Brown Box

17

) : l’Odyssey. Buschnell va améliorer le concept de Baer en ce

qui concerne le logiciel ; et en sortir une borne d’arcade : Pong, fin 1972. Puis, dés 1973, une

version console de salon (l’unité 1975)qui fut la première console/jeu vidéo à connaître un succès

planétaire (le jeu est resté en vente jusqu’en 1979 aux États-Unis, et jusqu’en 1983 en Europe).

Atari va vendre 8000 de ses bornes d’arcade à 900 $ pièce en moins de 5 ans (Donovan, 2010,

pp. 23-25) ; générant 7.200.000 $ de chiffre d’affaires aux États-Unis. À titre de comparaison, cela

représenterait environ 30 millions d’euros actuels pour la seule arcade vendue par Atari. « En 1971

on estimait à 100 000 le nombre d’arcades payantes en service aux États-Unis rapportant aux

alentours de 250.000.000 $ par an. » (Donovan, 2010, p. 26). Cette brève histoire des débuts du jeu

vidéo tend à rappeler plusieurs éléments importants pour comprendre la manière dont se structure

notre rapport à l’objet. Malgré l’impression laissée par un discours médiatique faisant de plus en

plus de place aux pratiques vidéoludiques ; l’engouement pour les jeux vidéo ne date pas d’hier.

Dès que l’objet et ses usages ne se trouvèrent plus réduits à la seule fin d’une exemplification

technologique ; le public, comme la finance ou l’industrie s’emparèrent d’un phénomène alors voué

à une expansion rapide (ibid). Laquelle expansion conduira le jeu vidéo, comme Berry le souligne, à

devenir l’un des premiers objets de l’industrie du loisir. Néanmoins, au début des années 1970, le

jeu vidéo n’a pas encore pénétré les foyers. Il reste un objet cantonné à des lieux ludiques (ou

ludifiés) spécifiques. Ce qui va progressivement changer, c’est la démocratisation de l’objet

c’est-à-dire à la fois sa diffusion dans toutes les couches sociales et son introduction dans les foyers comme

objet du quotidien. En 1972 le revenu annuel moyen par habitant aux E.-U. était de 3.770 $ (United

States Census Bureau, 2011) — à comparer aux 900 $ du coût d’une borne d’arcade. L’équipement

nécessaire à l’usage des jeux vidéo coûte alors trop cher, pour que l’ objet puisse véritablement

16 Le prototype de Baer n’ayant pas eu immédiatement de suite.

intégrer les foyers. En 1975, Atari sort la consolePong. Elle est alors vendue aux alentours de

100 $, pour un revenu annuel moyen de 4.818 $ par habitant à l’époque (ibid). Ces chiffres

montrent, contrairement à une idée reçue tenace, que le jeu vidéo a toujours été une activité

onéreuse, et que son coût pour l’utilisateur n’a que peu varié avec le temps (2,7 % du revenu moyen

d’un américain en 1975 et 2,78 % en 2015). Ce n’est donc pas une question de prix, qui explique

l’engouement des jeux vidéo. Nous verrons, notamment au chapitre 6, que cet engouement demeure

surtout le résultat d’une massification et de l’évolution d’un discours, autour du vidéoludique.

« Durant l’année 1976, environ 70 marques sont présentes sur le marché [des consoles de salon].

Tout comme le Home Pong, ces consoles ne proposent qu’un seul jeu intégré dans leurs circuits, le

plus souvent dérivé dePong. »

18

(Genvo, 2009, pp. 30-31). Ainsi, en un an à peine, l’industrie passe

de quelques acteurs confidentiels à plusieurs dizaines de compagnies de jeu vidéo. Deux éléments

expliquent cette fulgurante ascension du jeu vidéo dans les foyers. Un effet du discours : le jeu

vidéo reste alors un objet nouveau, lié aux nouvelles technologies ; mais aussi élitiste et marginal

(cf. chap 6). Ainsi qu’une certaine simplicité du gameplay des jeux vidéo de salon, notamment

parce qu’ils dérivent des bornes d’arcade. « On ne verra […] jamais de jeux trop longs ou trop

complexes dans une salle d’arcade. Pas de jeux d’échecs donc, mais des jeux d’actions, ne

nécessitant que peu ou pas d’apprentissages des règles. » (Le Diberder et Le Diberder, 1998, p. 56).

Les prémices du système ludique personnel

Dans les faits, le jeu vidéo lui-même n’est pas à ce moment un objet de masse. Un seul jeu, Pong, se

trouve produit et distribué à outrance. Tant et si bien, que la saturation du marché, en jeux clonés et

de mauvaise qualité, a eu raison au début 1976 de la plupart des compagnies de jeu vidéo ; et même

Atari finit par se trouver en difficulté et visée par un rachat de la Warner Bros. Cette restructuration

permettra, autant qu’elle rendra nécessaire, l’évolution du jeu vidéo vers sa deuxième génération.

Deux évolutions à la fois techniques et technologiques vont permettre la massification du jeu vidéo

comme objet du quotidien. La première concerne directement le design des consoles de salon avec

l’apparition d’un système de cartouche. Ce nouveau système permettait de jouer à plusieurs jeux sur

la même console comme sur la Fairchild Channel F ou la VCS d’Atari vendue à partir de la

fin 1976, début 1977. Parallèlement à cette modification du marché des consoles de salon,

l’ordinateur va également évoluer avec l’arrivée des premiers ordinateurs personnels (ordinateurs de

quatrième génération) qui vont profondément venir remettre en question les modèles et paradigmes

de fonctionnement du jeu vidéo. (Genvo, 2009, p. 31). Jusque là cantonné aux entreprises et

laboratoires de recherche en raison de son coût et de sa taille, l’ordinateur laisse place au

micro-ordinateur. Il est né grâce à la miniaturisation des composants informatiques et à leur plus faible

coût de production. L’élément le plus emblématique reste la commercialisation en 1969 du premier

microprocesseur inventé par Intel : le 4004. Un microprocesseur capable d’intégrer des transistors

miniaturisés sur circuit intégré. Le 4004 se présente comme une puce de quelques centimètres

capable de traiter autant d’informations, qu’un ordinateur de première génération occupant une

surface de 167 m2, et pesant 30 tonnes. À partir de 1976 apparaît l’Apple I, développé par Steve

Jobs et Steve Wozniack – par ailleurs ancien employé d’Atari et fondateur d’Apple – ; et l’Altair 8

800 de MITS sur lequel Bill Gates et Paul Allen vont concevoir leur premier système d’opération

19

.

À cette époque, les micro-ordinateurs ne disposent ni d’écran (l’affichage vidéo est assuré par un

jeu de DEL) ni de disque dur. Nous sommes encore, à cette époque, dans l’ère des prototypes. C’est

en réalité l’Apple II sorti en 1977 avec son écran et son clavier qui va venir installer l’ ordinateur

dans un usage domestique à grande échelle. À côté des évolutions matérielles, les langages de

programmation évoluent également et l’on voit apparaître des systèmes d’opérations de plus en plus

sophistiqués tel MSDos de Microsoft. Cette évolution logicielle permet de rendre plus accessibles la

programmation informatique et son usage, ouvrant de nouvelles perspectives dans les usages

vidéoludiques. « À l’inverse des consoles qui ne sont dédiées qu’à une seule fonction, faire tourner

des jeux vidéo, les ordinateurs personnels permettent entre autres à l’utilisateur initié de

programmer ses propres jeux vidéo [...]. Alors qu’il est nécessaire d’avoir l’autorisation du

constructeur pour vendre un jeu sur la console d’Atari, la politique des fabricants d’ordinateurs est

moins restrictive quant à l’offre logiciel. » (Genvo, 2009, p. 31). Cette question de la liberté reste

fondamentale dans la construction historique et sociologique de notre rapport au jeu vidéo. Genvo

rappelle très justement que les premiers programmeurs pouvaient diffuser le code de leur jeu dans

des ouvrages spécialisés ; et ainsi ils pouvaient permettre à d’autres joueurs de les copier, voire les

modifier :

« Ces jeux [sur ordinateur personnel] ont commencé à s’infiltrer dans les foyers au travers

de magazines et de livres qui contenaient des listes de programmes informatiques que les

gens devaient taper ligne par ligne. »

20

(Donovan, 2010, p. 56)

19 Gates et Allen créèrent pour l’occasion la société Microsoft devenue 40 ans plus tard, l’une des plus grosses

entreprises informatiques et un leader du marché du jeu vidéo au travers de la Xbox.

Cela s’explique en partie par l’histoire des premiers concepteurs de jeu vidéo et d’ ordinateurs (qui

sont généralement les mêmes personnes). Baer, comme Wozniack par exemple, faisait partie de

groupes de hackers : c’est-à-dire dans la définition qu’en a donné le Tech Model Railroad Club du

MIT : une personne qui va apprendre l’informatique ; et le faire évoluer par l’expérimentation, le

tâtonnement et le bricolage. À titre d’anecdote, c’est aussi à cette époque que l’on voit apparaître ce

que l’on pourrait nommer le premierserious game : il s’agissait d’un programme informatique

ludo-éducatif,The Oregon Trail, créé par trois enseignants. Il se donnait pour but d’apprendre aux

enfants la vie des colons au moment de la conquête de l’Ouest américain (Donovan, 2010, p. 56).

Deux concepteurs de logiciels vont incarner la liberté vidéoludique sur ordinateur personnel : Will

Wright et Peter Molynieux, qui développèrent le jeu Life. Wright, influencé par la pédagogie

Montessori (Donovan, 2010, p. 189), deviendra par la suite le créateur du jeu de gestion urbaine

Sim City et de ses dérivés, notammentLes Sims. Cette construction à partir de deux supports

distincts, l’ordinateur d’un côté et la console de salon de l’autre, explique un certain nombre de

représentations, toujours d’actualité, autour du jeu vidéo. Le lien étroit qu’entretient l’informatique,

à ses débuts, avec le milieu du hacking induit une représentation à la fois élitiste et marginale du jeu

vidéo sur ordinateur ; contrairement à sa pratique sur console. Celle-ci demeurant vue comme une

pratique massifiée, populaire, dite « casual

21

». L’introduction du jeu vidéo sur ordinateur personnel

permet également l’émergence d’un certain discours autour de l’image d’une activité de marginaux

capables de comprendre le fonctionnement et manipuler des machines de haute technologie. Une

personne désocialisée (qui travaille dans son garage

22

), à l’insanité d’esprit discutable (le motgeek

ayant pour étymologiegeck ougek qui désignequelque chose de fou). Un être défini comme un

hybride entre les actuelles figures du nerd et du geek

23

.

Les premières réglementations du contenu des jeux

L’arrivée d’un acteur, comme la Warner, dans l’industrie du jeu vidéo, après le rachat d’Atari ne

demeure pas sans conséquence sur le contenu même de ces jeux. En 1930, en réponse à divers

scandales qui vont éclabousser Hollywood (Donovan, 2010, p. 169), le sénateur américain Will

Hays fait édicter un code de bonne morale applicable à l’industrie du cinéma.

21 Occasionnelle.

22 Si cela n’est pas tout à fait faux, les garages en question étaient souvent reconvertis en laboratoire d’électronique.

23 Si les deux termes peuvent désigner une personne passionnée par le jeu vidéo ou l’informatique ; le premier décrit

L eMotion Picture Production Code, plus connu sous le nom deCode Hays

24

, est édicté dans la

droite ligne des systèmes de censure instaurés pour contrôler lesnudies du cinéma muet

25

. Ce code