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Premières traductions en espagnol du Petit chaperon rouge de Perrault : les belles infidèles 157

Si la première manifestation littéraire du conte du Petit chaperon rouge remonte à la publication en France, en 1697, des Histoires ou contes du temps passé avec des moralités de Perrault217, il faut attendre plus d’un siècle et demi pour qu’apparaissent les premières traductions en espagnol de cet ouvrage. Le conte fait alors l’objet de publications de types très divers : de la traduction sans illustration, au livre illustré se rapprochant parfois de l’album, en passant par la littérature de colportage -bien qu’en l’absence de preuves matérielles, cette dernière ne constitue pour nous qu’une hypothèse-. Le public visé est lui aussi pluriel : adultes, enfants, adultes et enfants.

Quelles sont les modifications apportées au texte par ces publications ? Restent- elles fidèles au texte original ou, au contraire, s’en éloignent-elles ? De quelle façon l’illustration évolue-t-elle aux côtés du texte, et comment s’achemine-t-on progressivement vers un support accordant à l’image une place et un rôle privilégiés ? Quel est le type de public visé ? Change-t-il au fil des années ? Dans cette première partie de l’analyse, centrée sur les premières traductions de la version de Perrault, nous tenterons de répondre à ces interrogations afin de saisir les enjeux de telles publications.

I.1. Les premières traductions en espagnol du Petit chaperon rouge de Perrault : l’édition littéraire

Deux chercheuses ayant travaillé sur le Petit chaperon rouge nous livrent deux dates différentes concernant l’apparition de la première traduction du conte de Perrault en langue espagnole.

217 C. PERRAULT, Histoires ou Contes du temps passé avec des moralités, Paris, Claude

Dans son article « Traducción y adecuación de literatura para adultos a un público infantil y juvenil 218 », Carmen Toledano mentionne la publication chez l’imprimeur J. Smith, en 1824, de la première traduction en langue espagnole des contes de Perrault, intitulée Cuentos de las Hadas. Paradoxalement, nous pouvons constater que ce n'est pas en Espagne qu'apparaît cette première traduction en espagnol de l'œuvre de Perrault, mais en France, à Paris, où un exemplaire est actuellement conservé à la Bibliothèque Nationale. Le Petit chaperon rouge y figure sous le titre suivant : La Caperucilla encarnada219. Aucune illustration n’accompagne le texte, mais la première de couverture est ornée d’une gravure sur laquelle figurent six enfants écoutant attentivement l’histoire qu’une femme, assise face à eux, est en train de leur raconter. Contrairement au frontispice de l’édition de 1697, la scène se déroule en extérieur. De plus, le public semble avoir considérablement rajeuni, les adolescents de l’édition de Barbin ayant laissé place à de plus jeunes enfants. Dès le péritexte, nous constatons donc que le public ciblé se compose principalement de jeunes enfants auxquels, par mimétisme, le lecteur peut s’identifier. Petit chaperon rouge et lectorat enfantin semblent aller de pair dans cette première traduction.

Pour sa part, dans ses articles « La formación y renovación del imaginario cultural : el caso de Caperucita roja 220 » et « Eterna Caperucita : la renovación del imaginario colectivo 221 », Teresa Colomer mentionne l’introduction en Espagne de la première traduction en espagnol des contes de Perrault en 1830, avec la publication à Valence de la traduction de Cabrerizo, sans mention du nom de l’auteur de l’œuvre. Si dans ce cas, il s’agit pourtant bien d’une traduction des contes de l’écrivain français, le nom de ce dernier n’est pas mentionné, annonçant avant l’heure un phénomène qui s’accentuera aux XXème et XXIème siècles, dans la littérature de jeunesse : la tendance des contes et de leurs héros à devenir, au fil des siècles, les composantes d’un

218 C. TOLEDANO BUENDÍA, « Traducción y adecuación de literatura para adultos a un

público infantil y juvenil », in Cuadernos de investigación filológica, n° 27-28, p. 103-120.

219 L'exemplaire conservé à la BNF est consultable en ligne. URL :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1351768/f1.image [Dernière consultation le 18/08/2012].

220 T. COLOMER, « La formación y renovación del imaginario cultural : el caso de Caperucita

roja » in Invención de una tradición literaria (de la narrativa oral a la literatura para niños), coord. Gemma Lluch, Cuenca, Ediciones de la Universidad de Castilla La Mancha, 2007, p. 68.

patrimoine universel, bien au-dessus de leurs auteurs. De ce fait, l’importance des auteurs grâce auxquels ils se sont diffusés (Perrault, les frères Grimm, et Andersen principalement) est amoindrie, comme le montre l’omission récurrente de leurs noms dans le péritexte des ouvrages.

Les premières traductions des contes de Perrault que nous venons de mentionner, s’inscrivent dans un contexte bien particulier. En effet, à la fin du XVIIIème siècle et tout au long du XIXème siècle, il est à souligner la forte dépendance littéraire que présente l’Espagne vis-à-vis des pays voisins, et tout particulièrement de la France. Comme le souligne Carmen Toledano en citant Fernández López, si l’Espagne possède pourtant bien avant le XVIIIème siècle une tradition populaire -récits fantastiques, romances, récits d’aventures, fables etc.- comme dans d’autres pays d’Europe, les traductions venant de l’étranger constituent l’essentiel de la littérature du pays :

[…] la mayor parte de esta literatura en nuestro país está ocupada no tanto por producciones nacionales como por traducciones, principalmente del francés, ya sean de versiones de obras para adultos o de obras infantiles producidas en otros países. España está abierta a la influencia exterior y los principales exponentes de la literatura infantil y juvenil fueron conocidos por nuestros jóvenes e incorporados en el sistema de literario a través de traducciones 222.

L’Espagne accuse donc un certain retard par rapport aux pays voisins (l’Angleterre et surtout la France) qui, jusqu’à la fin du XIXème siècle et le début du XXème, pallient ses propres manques, tout particulièrement dans le domaine de la littérature pour la jeunesse. Les traductions qu’ils lui fournissent contribuent à son développement, en en posant les bases. Malgré l’existence de ces emprunts littéraires massifs de l’Espagne à la France, on constate un certain paradoxe : cette situation n’empêche pas le décalage temporel entre la publication d’une œuvre en France, et sa

222 C. TOLEDANO, Op. Cit. p. 105.

Traduction: “La majeure partie de cette littérature dans notre pays n’est pas tant constituée d’œuvres nationales que de traductions, principalement du français, qu’il s’agisse de versions d’œuvres` pour adultes ou d’œuvre pour les enfants, produites dans d’autres pays. L’Espagne est ouverte à l’influence extérieure, et les principaux représentants de la littérature de jeunesse furent connus par notre jeunesse et incorporés à la littérature, au travers de traductions”.

traduction en espagnol. Les Contes de Perrault en constituent un exemple significatif puisque, dans un cas comme dans l’autre, nous constatons que leur traduction en espagnol est plutôt tardive : elle intervient près d’un siècle et demi après la première publication en France des Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités, en 1697. Cela ne signifie pas forcément que le conte n'ait pas été introduit en Espagne avant cette date, mais si tel fut le cas, peut-être le fut-il plutôt dans sa langue d'origine.

En effet, il semble assez difficile de concevoir la première traduction des Contes de Perrault, comme la première et unique introduction de ces derniers dans la Péninsule. Le poids qu’acquièrent rapidement les contes et plus particulièrement le conte du Petit chaperon rouge dans la culture espagnole, malgré la faible proportion de personnes ayant accès à l’écrit dans cette même période, laisse supposer qu’ils font leur entrée en Espagne à une époque bien antérieure, et par d’autres voies que les voies savantes que constituent les traductions ou les ouvrages dans la langue d’origine.

Certains folkloristes ont bien souligné la faible proportion de Petits chaperons rouges dans le répertoire de la tradition orale espagnole, en comparaison avec la France et l’Italie. Le catalogue d’Aarne et Thompson, établi au début du XXème siècle, ne recense, nous l’avons vu, que trois versions orales en Espagne, soit dix fois moins que chez ses voisins. Nous avons également vu comment le catalogue de folklore établi pour le territoire espagnol par Julio Carmena et Maxime Chevalier223 ne mentionne pas le conte de type 333 auquel se rattache le Petit chaperon rouge, puisqu’il passe du type 332 à 335. Le conte n’aurait donc pas au départ, au sein de la tradition orale espagnole, le poids qu’il a pu avoir en France ou en Italie.

Pourtant, malgré sa faible présence dans le répertoire de la tradition orale espagnole, le conte suscite un intérêt particulier dans la Péninsule à la fin du XIXème siècle et surtout au début du XXème siècle dans la littérature de jeunesse, puisqu’il est non seulement traduit, adapté et illustré, mais aussi transformé et abondamment utilisé, comme nous le verrons par la suite, dans une veine intertextuelle. Le début du XXème siècle compte déjà un certain nombre de reprises, de parodies à destination des enfants, dans les livres ou les revues. Or, comme le souligne Daniel Sangsue, ces parodies impliquent une bonne connaissance au préalable de l’hypotexte pour opérer de façon efficace :

Le fonctionnement même de la parodie exige que l’œuvre parodiée soit reconnaissable sous son hypotexte, c’est-à-dire qu’elle soit suffisamment « grande », connue, pour être identifiée par les lecteurs224.

Cela nous amène à envisager une apparition et une diffusion du conte, bien antérieures à cette période, et par d’autres voies que les traductions. Le petit nombre de versions orales du conte du Petit chaperon rouge, collectées en Espagne au début du XXème siècle, serait peut-être le fruit d’un retour des versions littéraires à la tradition orale ou d’une diffusion du conte par voie orale et en provenance de la France. Nombreux sont les chercheurs ayant souligné l’influence réciproque des littératures orales et écrites. En effet, si bien souvent les versions littéraires des contes puisent dans la tradition orale, il n’est pas exclu qu’il existe des interférences entre ces deux voies de diffusion, et que le conte, une fois passé à l’écrit, retourne à l’oralité.

Nous pouvons donc supposer que le Petit chaperon rouge soit retourné à l’oralité à la suite d’une diffusion du conte par deux types de voies :

- Les voies populaires, constituées par la littérature de colportage (en provenance de l’étranger et tout particulièrement de la France) et leur diffusion orale. Ce sujet a fait l’objet d’études de la part de chercheurs tels que Julio Caro Baroja225 puis Jean-François Botrel226. Les publications écrites populaires prennent la forme de publications abondamment illustrées (aleluyas227 et aucas228) destinées à un public

224 D. SANGSUE, La Parodie, Paris, Hachette, « Contours littéraires », 1994, p. 78. 225 J. CARO BAROJA, Ensayo sobre literatura de cordel, Madrid, Istmo, 1990.

226 J.-F. BOTREL, « Une Bibliothèque bleue espagnole ? Les Historias de cordel XVII-XXème

siècle » in La Bibliothèque bleue et les littératures de colportage, études réunies par Thierry Delcourt et Elisabeth Parinet, Troyes, Maison du boulanger, 2000, p. 193-209.

« Aspects de la littérature de colportage en Espagne sous la Restauration, in L’infra-littérature

en Espagne aux XIXème et XXème siècle, PUG, 1977.

“ El género de cordel”, in Díaz L., Palabras para el pueblo, Aproximación general a la literatura de cordel, CSIC, Madrid, 2001, p. 41-69.

227 « Feuille imprimée contenant une série de vignettes avec, au pied de chaque image, des vers

octosyllabiques. Au XVIIème siècle, l'aleluya était une estampe religieuse que l’on distribuait lors des processions du Samedi saint en Espagne. Au fil du temps, ces aleluyas sont devenue très populaires. Plus narratives, elles abordèrent ensuite tout type de sujets et de thèmes à destination des enfants ou des adultes. Elément important de la littérature de colportage […], elle est parfois considérée comme un des ancêtres de la bande dessinée espagnole. » in N.

analphabète, ou de textes souvent diffusés oralement dans le cadre de lectures auprès de ce même public. Le caractère éphémère de ces publications populaires ne nous permet pas d’en suivre facilement la trace, et nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses quant à leur existence parallèlement aux traductions, et à la diffusion de ces dernières dans les milieux lettrés.

- Les voies savantes que forment les ouvrages originaux et leurs traductions, même si leur impact est à relativiser en raison du fort taux d’analphabétisme en Espagne, et de la faible accessibilité de la majeure partie du peuple aux œuvres littéraires. Il nous semble donc indispensable, avant même d’analyser certaines versions « savantes » ayant pu contribuer à une diffusion importante du Petit chaperon rouge dans la Péninsule, d’apporter un éclairage tout particulier à l’impact et à l’influence de la littérature de colportage en Espagne sur la diffusion du conte.

I.2. Petit chaperon rouge et littérature de colportage en Espagne

Nous partons donc de l’hypothèse que la littérature de colportage (sous ses différentes formes) ait pu jouer un rôle important en Espagne dans la diffusion du Petit chaperon rouge. En créant des liens avec les pays voisins, elle aurait rendu possible l’introduction dans la Péninsule d’œuvres étrangères jouissant dans leur pays d’un franc succès229. Des études sur l’histoire de la littérature de colportage en Europe mettent en avant de nombreuses relations entre l’Espagne et la France dans le domaine de l’édition. Laurence Fontaine, par exemple, souligne le rôle essentiel qu’ont eu la France et la Suisse dans l’édition en Europe du Sud, servant d’intermédiaires entre Berthier (coord.), Lexique bilingue des arts visuels, Paris, Ophrys, 2011, p. 39.

228 « Nom donné en Catalogne et en pays valencien à l’aleluya. L’origine de ce terme et de son

contenu sont pourtant différents. L’auca dérive du jeu de l’oie dont l’origine remonte au XVIème siècle. Ce type d’estampe a connu son âge d’or au XIXème siècle, tout comme l’image d’Epinal en France. Les thèmes religieux ont laissé place à des contenus très variés : événements exceptionnels, sujets politiques, historiques ou anticléricaux. », Ibid., p. 40.

229 La Bibliothèque Nationale d’Espagne recense plusieurs exemplaires des Contes de Perrault

en langue française. Le plus ancien date de 1711, mais ne contient pas Le Petit chaperon

l’Europe septentrionale et l’Europe méridionale. Ainsi rappelle-t-elle que : Dès la fin du XVIème siècle, les libraires parisiens, lyonnais, rouennais, expédient leurs productions vers la péninsule ibérique où les étrangers forment des colonies importantes. Cette situation confère d’abord à la France puis à la Suisse un rôle d’intermédiaire entre l’Europe du Nord et celle du Sud 230.

Nombreux sont en effet les libraires français qui installent leurs négoces en Espagne, dans les villes de Barcelone, Madrid et dans certaines villes d’Andalousie231. Ces réseaux se mettent en place dès le XVIème siècle, et vont permettre la création de liens entre les colporteurs et les librairies qui les approvisionnent. De nombreux réseaux de colportage en provenance de France permettent la diffusion d’ouvrages en Espagne.

Dans ces conditions, il semble tout à fait plausible que des ouvrages français (œuvres littéraires ou ouvrages populaires comme ceux, entre autres, de la Bibliothèque bleue) se soient diffusés en Espagne, et qu’ils aient pu avoir une influence sur la production espagnole. Cette diffusion, comme le montre Laurence Fontaine, aurait eu lieu aussi bien dans les pôles urbains, que dans les campagnes, et aurait été effectuée par le biais des libraires ou des colporteurs venant pour la plupart, des montagnes briançonnaises, mais aussi du Cotentin et des Pyrénées, trois réseaux marchands qui contrôlent presque tout le marché de l’imprimé.

Dans l’Espagne méditerranéenne, comme le souligne Laurence Fontaine : « Les briançonnais ont contrôlé entre un quart et la quasi totalité du marché de l’imprimé […] : Espagne, Portugal, Italie, France méridionale232 ».

On observe donc la présence de deux circuits parallèles. D’une part les librairies traditionnelles, d’autre part les circuits diffusant la littérature de colportage :

230 L. FONTAINE, Histoire du colportage en Europe, XVème-XIXème siècle, Paris, Albin

Michel, 1993, p. 287.

231 Ibid.

232 L. FONTAINE, « La construction de la confiance dans les réseaux de libraires et

colporteurs de l’Europe moderne », in La Bibliothèque bleue et les littératures de colportage, études réunies par Thierry Delcourt et Elisabeth Parinet, Troyes, Maison du boulanger, 2000.

[…] l’inspection générale de la librairie espagnole en 1757-1758, qui montre l’existence, à côté des librairies, d’étalants (« copleros con puesto ») et de vendeurs itinérants, jointes aux plaintes des libraires contre les merciers et camelots, attestent que le colportage et divers négoces ont porté le livre dans les campagnes et les villes espagnoles dépourvues de libraires233.

Des imprimeries spécialisées dans la production de littérature populaire -très rentable au XVIIIème siècle- se concentrent surtout dans les villes de Madrid, Valence, Barcelone, Cordoue, Séville, Málaga et Valladolid. Malgré les lois de 1707, 1747, 1790 visant à éradiquer le livre étranger, clandestin et français, occasionnant alors la destruction de nombreux « pliegos 234 », la littérature populaire continue malgré tout à être imprimée235 et à rencontrer un important succès.

María Ángeles García Collado236 mentionne l’existence d’un nombre assez important de livrets de colportage en provenance de France, où ils avaient circulé jusqu’au XIXème siècle sous la forme d’ouvrages de la Bibliothèque bleue, l’imprimeur les diffusant étant le madrilène Antonio Sanz. Même si la chercheuse ne mentionne pas précisément l’appartenance des contes de Perrault à ce répertoire, il n’est pas impossible qu’ils en aient fait partie, surtout lorsqu’on mesure la place qu’occupe le conte à l’intérieur du répertoire de la Bibliothèque bleue.

A l’instar donc, de ce qui se passe dans la littérature de colportage française, et plus particulièrement dans la Bibliothèque bleue, qui accorde au conte une place particulière, il n’est pas impossible que le Petit chaperon rouge ait lui-aussi trouvé sa place dans la littérature de colportage espagnole, elle-même très influencée par la production française. Cela nous amène donc à envisager une diffusion du conte qui serait peut-être antérieure, et à la fois contemporaine aux premières traductions, ce qui permettrait d’expliquer sa solide implantation en Espagne. Le conte du Petit chaperon rouge pourrait par conséquent s’être diffusé en Espagne auprès des classes aisées (par

233 Ibid. p. 89-90.

234 « Pliegos de cordel » : Œuvres populaires issues de la littérature de colportage et imprimées

sur une seule feuille. Elles tirent leurs noms des cordes sur lesquelles elles étaient suspendues dans les boutiques, marchés et autres lieux populaires les distribuant.

235 M. A. GARCÍA COLLADO, « Los pliegos sueltos y otros impresos menores », in Historia

de la edición y de la lectura en España, 1472-1914, bajo la dirección de Víctor Infantes,

François Lopez, Jean-françois Botrel, Madrid, FGSR, 2003, p. 368-375.

le biais des traductions en espagnol et des ouvrages en langue française) et des classes populaires (par la voie orale et grâce à la littérature de colportage) de façon simultanée. Il importe donc de tenir compte de l’existence de divers circuits de diffusion, les uns professionnels (librairies), les autres plutôt clandestins (colportage), les premiers s’adressant davantage aux classes favorisées sachant lire, les seconds s’adressant aux classes plus populaires n’ayant pas forcément accès à la lecture. Ces derniers, dans lesquels l’image est primordiale, sont majoritaires en Espagne jusqu’à une période récente.

En effet, au début du XIXème siècle, le taux d’analphabétisme en Espagne était de 94% pour une population de 10 millions d’habitants237. A la fin du XIXème siècle, comme le souligne Antonio Martín, la population a presque doublé mais en 1885 on compte une majorité d’analphabètes : 12 millions pour une population totale de 18 millions d’habitants238. Cela laisse peu de perspectives pour le marché éditorial espagnol, contrairement au marché parallèle que constitue la littérature de colportage.