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Premières mesures de l'atténuation du ux de muons

Dès 1955, George (1955) propose d'utiliser l'atténuation du ux de muons en pro- fondeur pour estimer la surcharge générée par la glace au dessus du tunnel de Guthega Munyang (Australie). Il mesure l'intensité du ux de muons à l'intérieur et à l'extérieur du tunnel et détermine la quantité de matière traversée à partir du rapport de ces ux. Cette première étude marque les débuts de l'utilisation des muons pour la prospection d'objets volumineux.

2.3.1 Les muons au service de l'archéologie

L'archéologie fut un domaine pionnier dans l'utilisation des muons pour la tomographie d'objets volumineux. En 1970, le prix Nobel de physique Luis Walter Alvarez et ses collaborateurs (Alvarez et al., 1970) s'intéressent aux pyramides égyptiennes de Khéops et Khéphren. La première présente une structure interne complexe composée de plusieurs passages et chambres tandis que celle de Khéphren (ls de Khéops), située à seulement quelques centaines de mètres, présente une structure très simple avec deux passages et une chambre : la chambre de Belzoni (Figure 2.2).

La question de la présence d'une ou plusieurs chambres dissimulées dans la pyramide de Khéphren est alors posée. An de sonder cette pyramide, des détecteurs de muons (chambres à étincelles et scintillateurs) ont été placés dans la chambre de Belzoni. Les

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Figure 2.2  (a) Pyramide de Khéops avec une structure interne complexe. (b) Pyramide de Khé- phren qui présente une structure interne très simple avec la chambre de Belzoni dans la partie centrale de la pyramide où ont été placés les détecteurs à muons, d'après Alvarez et al. (1970)

résultats ont, d'une part, permis de prouver l'absence de chambre supplémentaire dans la zone sondée de la pyramide de Khéphren mais surtout ils ont validés la méthode qui a ensuite pu être utilisée sur d'autres pyramides.

En 1988, le principe d'absorption des muons dans la roche est utilisé pour radiogra- phier le temple de Higashi-Honganji à Nagoya, Japon (Minato, 1988). Plus récemment, la pyramide du soleil, au Mexique, a été imagée à partir de la même approche et des zones de plus faibles densités ont pu être identiées (Nowikowski, 2014). La pyramide maya de La Milpa, au Nord-Ouest du Belize fait également l'objet d'investigations basées sur les muons depuis une dizaine d'années (Group, 2004).

2.3.2 Les débuts de l'imagerie basée sur les muons en volcanologie

Il faut attendre plusieurs années pour que la muographie soit introduite en géologie et plus particulièrement en volcanologie. En 1995, Nagamine et al. (1995) proposent d'uti- liser les muons pour la prédiction des éruptions volcaniques. Dans un premier temps, ils démontrent numériquement la faisabilité expérimentale de la méthode. Ils prévoient déjà qu'une variation de 10% de densité de la roche entraîne un changement de 16% du ux de muons proches de l'horizontale (∼90◦). An de conrmer l'intensité du ux de muons

prédite par ces simulations et la dépendance de ce ux à la densité de la matière traversée, ils choisissent d'imager un relief japonnais non volcanique, le Mont Tsukuba. Pour cela, ils mettent en place, au pied du relief, un système de détection composé de trois scintillateurs mis en coïncidence pour reconstruire les trajectoires des particules (voir section 2.5). La mise en coïncidence signie que, pour être enregistrée, la particule doit avoir déclenché un signal sur plusieurs détecteurs dans un intervalle de temps très court (voir chapitre 5). Des plaques de fer sont intercalées dans ce système an d'absorber les particules de faibles énergies source de bruit. Les résultats permettent d'identier clairement le prol de la montagne à partir d'une coupure sur les pixels ayant un taux d'évènement inférieur à 20% du taux maximum. Les résultats des coupures à 20% et 30% sont comparés à une photographie du prol du Mont Tsukuba (Figure 2.3).

Une proportion importante des muons traverse l'édice et témoigne ainsi de la possibi- lité d'investiguer sa structure interne. À partir de ces muons, une estimation quantitative

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Figure 2.3  (a) Flux de muons mesurés en fonction de l'angle zénithal (θ) et l'angle azimutal (φ) pour des coupures à 20% et 30% des taux d'évènement les plus rares (100% étant le point où le taux d'évènement est maximum) ; (b) Photographie du Mt. Tsukuba. La position des détecteurs est indiquée par une èche blanche en bas au centre de la photographie. D'après Nagamine et al. (1995)

des cavités présentes dans le relief pourrait être eectuée. D'après Nagamine et al. (1995), une anomalie de densité de 4% dans 500 m d'une roche à 2.5 g.cm−3 serait détectable

en quelques jours, à partir d'une surface de détection d'environ 20 m2. Ils suggèrent

d'étendre cette méthode (i) à la tomographie tri-dimensionnelle en multipliant les points d'observation et (ii) à l'étude de l'évolution temporelle lorsque la statistique du ux le permet. L'objectif est ici de proposer une nouvelle méthode pour la prédiction du risque volcanique. Plusieurs interrogations demeurent néanmoins sur la contribution du bruit, notamment celui lié aux eets de la diusion et aux électrons.

Les premières images d'investigations internes d'un édice volcanique ont été publiées au début des années 2000. Le Mt. Asama (Japon) est étudié à partir d'un système de détection amélioré qui permet d'allonger la durée de mesure et de réduire le bruit causé par la composante molle (Tanaka et al., 2001). Les données acquises sur ce volcan sont en accord avec les simulations Monte Carlo produites en parallèle et témoignent de la présence d'un cratère dans la partie sommitale du volcan. De nouvelles mesures réalisées deux ans plus tard (Tanaka et al., 2003) ont à nouveau démontré la diminution du ux de muons associée à ce cratère et ont permis de préciser que le volume d'occupation de celui-ci était inférieur à 30% (Figure 2.4).

Suite à son éruption en 2004, le volcan Asama a été ré-étudié quelques années plus tard an d'analyser les modications de sa structure. Le nouveau monticule de lave, produit par cette éruption, a pu être mis en évidence par la détection d'une région dense (Tanaka et al., 2007). Sous ce monticule, une région de faible densité a été identiée et reliée au conduit de magma.

La réussite des premières expériences sur les volcans a poussé les équipes japonaises à poursuivre leurs recherches et étudier de nouvelles cibles.

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Figure 2.4  Radiographie muon du Mt. Asama, Japon. La partie concave de couleur vert-jaune, au sommet du volcan est associée à une diminution du ux de muons par rapport au reste du volcan (bleu) et correspond à la position du cratère. Cette image a été réalisée avant l'éruption de 2004 qui a aectée ce volcan. D'après Tanaka et al. (2003)