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2.3 Caractérisation et dynamique des matières en suspension

2.3.7 Première caractérisation des sédiments en Seine et à l’aval d’Achères

On appelle vase ou crème de vase la fine pellicule qui recouvre le sédiment tassé et plus ancien et qui provient de la déposition récente des particules fines et des flocs issus de la colonne d’eau. La hauteur de cette pellicule peut varier, en fonction des conditions hydrodynamiques, de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres. Sa teneur en eau est très importante : rarement plus faible que 80 %, elle peut atteindre 98 %.

Dans le milieu benthique, on s’intéresse avant tout à caractériser la dégradation de la matière organique et à estimer les flux échangés avec la colonne d’eau en terme d’oxygène, d’azote et de phosphore. La forte concentration particulaire favorise la fixation des bactéries et leur développement (Daumas, 1989). Les sédiments interviennent donc dans la reminéralisation de la matière organique et dans le cycle de l’azote à travers les processus de nitrification (zone oxygénée) et dénitrification (zone anoxique). Les processus de nitrification et de dégradation bactérienne sont importants pour la consommation d’oxygène.

Chesterikoff et al. (1992) ont réalisé en 1992 une cartographie des sédiments de Seine. Les prélèvements ont été réalisés à la benne sur 75 transversales du pont d’Ivry à Mantes la Jolie (112 km), avec un espace moyen d’environ 1.5 km. Chaque échantillon a permis de caractériser les sédiments d’un point de vue granulométrique et minéralogique. Les chercheurs ont aussi procédé à la détermination des matières organiques, de l’azote ammoniacal et du phosphore total. Concernant l’aval immédiat des rejets d’Achères (jusqu’au barrage d’Andrésy), les caractéristiques des sédiments sont les suivantes :

• 34 % des échantillons sont constitués à plus de 90 % de particules fines de taille inférieure à 100

μm

. A l’inverse 29 % des échantillons ne possèdent aucune particule inférieure à 1000

m

μ

. Pour le reste des échantillons, les particules fines de taille inférieure à 100

m

μ

représentent entre 15 et 80 % de la granulométrie de l’échantillon ;

• la weddelite, qui est un des constituants majeurs des calculs rénaux, se retrouve dans les échantillons prélevés à l’aval immédiat des rejets (Achères et Valenton) ce qui montre que les particules issues de ces rejets sédimentent dans cette zone ;

• après les rejets, le COP, rapporté à la fraction inférieure à 100

μm

, passe à plus de 14 % alors qu’il était à 6.5 % à l’amont des rejets. Les chercheurs ont constaté que le pourcentage de COP dans les sédiments diminuait très rapidement pour atteindre 8 % à Conflans. La dégradation bactérienne de la matière organique semble donc se poursuivre de façon intense dans les couches superficielles du fond de la rivière ;

• l’eau interstitielle des sédiments, dans le secteur considéré, est 100 fois plus concentrée en azote ammoniacal que l’eau de la rivière à l’étiage (Chesterikoff et al., 1990). Environ 50 % de l’azote ammoniacal du sédiment se trouve dans l’eau interstitielle, et cette proportion est nettement supérieure à 50 % à l’aval immédiat des rejets.

Toutes ces informations permettent de dresser un premier tableau concernant la dynamique des sédiments dans notre zone d’étude à l’étiage : les huit kilomètres qui séparent les effluents d’Achères de Conflans sont le siège d’une intense sédimentation des MES. Pour la période échantillonnée (octobre 1991), près de 50 % du flux entrant au niveau des effluents manque à Conflans, soit 137

t

j

−1. Chesterikoff et al. (1991) calculent que, si l’on considère une densité des MES de 2 et une teneur en eau interstitielle de 75 %, un dépôt de 480

m

3 se forme par jour dans les huit kilomètres considérés. Pour une sédimentation homogène, cela représenterait un dépôt de 0.37

mm

j

−1. Cette très faible épaisseur de dépôt rend difficile son analyse in situ mais a un rôle important sur la qualité de la colonne d’eau. Nous allons évidemment chercher, dans la suite de ce travail, à comparer ces résultats avec ceux obtenus par le modèle pour une période d’étiage quasi identique (chapitre 6).

Les couches superficielles possèdent une activité importante (activité bactérienne, bioturbation) (Wetzel, 1983 cité dans Even, 1995). En Seine, différentes techniques ont été utilisées afin d’estimer les échanges de cette couche superficielle avec la colonne d’eau.

Une estimation des flux échangés à l’interface eau-sédiment a été réalisée à l’aide de cloches à sédiments entre 1990 et 1992 sur trois sites (Maisons Laffitte, bac d’Herblay à l’aval des rejets de Seine Aval et Porcheville) et à des périodes différentes (Chesterikoff et al., 1990 ; Chesterikoff et al., 1991 ; Garban et al., 1992). En corrélation avec ces mesures, des sondes à dialyse et des carottages ont été effectués (Garban et al., 1992) permettant de déterminer la granulométrie, l’humidité et la composition des particules et de l’eau interstitielle.

Au niveau du bac d’Herblay, la répartition granulométrique en septembre 91 est équitable entre les particules de diamètre inférieur à 50 mμ , celles de diamètre compris entre 100 et 200 mμ et celles de diamètre compris entre 200 et 500 mμ (pour une hauteur de dépôt prélevés de 25 cm). Pour l’eau interstitielle, la concentration en ammonium, augmentant avec la profondeur, est 2.5 à 10 fois supérieure à celle obtenues à Maisons Laffitte et Porcheville avec des teneurs moyennes de 440 à 500 mg l-1. Le même

rapport est observé pour les orthophosphates avec des concentrations de l’ordre de 20 à 25 mg l-1. Le flux

d’oxygène de la colonne d’eau vers les sédiments a été estimé à 3500 mgO2.m-1.j-1 avec une valeur

exceptionnelle autour de 7000 mgO2.m-1.j-1 en septembre 1991. Une valeur moyenne de 2500 à 4000

mgNH4-N.m-2.j-1 a été estimée pour le flux d’ammonium produit par les sédiments. Concernant le

phosphore, le flux relargué par les sédiments a été évalué à 250- 500 mgPO4-P.m-2.j-1. L’ensemble de ces

résultats est exposé dans le tableau 2.5 et a permis d’estimer et de caler certains paramètres du module de sédiment VENICE couplé au modèle biogéochimique de la colonne d’eau, RIVE (Even, 1995). Mais il faut noter que ces prélèvements ponctuels ne sont pas forcément représentatifs du bief étudié. Entre Maisons- Laffitte et Andrésy, les caractéristiques des sédiments varient en fonction des caractéristiques des particules qui les composent et de leur répartition spatiale : il est fort probable qu’une couche de vase située en rive gauche, à l’aval immédiat des rejets n’ait pas du tout la même composition qu’un banc de sédiments fins placé en rive droite. Toutefois, ces études permettent de caractériser les sédiments composés en majeure partie des suspensions provenant des effluents (le bac d’Herblay se situant en rive gauche à quelques centaines de mètres du dernier canal de déversement).

Ce type d’expérimentation n’apporte pas de précision sur le temps de séjour des suspensions au fond, ni sur les hauteurs de dépôt des zones à forte sédimentation. Le recours à la modélisation est un moyen de répondre à ces questions en utilisant les séries d’observations in situ pour caler et valider les approches faites quand aux processus simulés.

Date Juin 90 Mars 91 Mai 91 Sept 91 Mars 92 Sept 92 Granulométrie moyenne 26% (200 < d50 < 500 μm) 29% (100 < d50 < 200 μm) 33% (d50 < 50 μm) Porosité 0-5 cm 5-25 cm 69.2 60.5 68.8 61.8 Perte au feu (525 °C) 13 11 PO4-P (mg g-1 ss) 3.4 3.15 Ptot (mg g-1 ss) 3.7 3.4 NH4 part (mg g-1 sb) 0-5 cm 5-25 cm moyenne 0.305 0.123 0.411 0.251 C/N (mgC/mgN) 0-5 cm 5-25 cm moyenne 8.5 10.9 9.7 9.8 9.7 9.7 Flux échangés O2 (gO2 m-2 j-1) 3.3 3.3/2.3 2.1 7.7/3.0 1.9 3.3/2.2 PO4 (gP m-2 j-1) -1.5/-0.2 -1.1/-0.5 -2.8/-1.1 -0.5 -0.3 NH4 (gN m-2 j-1) -2.5 -9.5/-9.2 -2.3/-1.1 -4.7 -0.5 NO3 (mgNO3-N m-2 j-1) 0.3 0.2 0.8/0.1 1.2 2.5/8.7

Tableau 2.3. Caractérisation des sédiments au niveau du bac d’Herblay à 6 périodes différentes. La perte au feu représente le contenu en matière organique. Les rapport C/N obtenus sont caractéristiques d’un matériau

facilement dégradable. Les flux échangés sont comptés positifs dans le sens de l’eau vers les sédiments. ss =sédiment sec ; sb = sédiment brut. Tiré de Even (1995) et Chesterikoff et al. (1992).

2.4

Pollution organique et désoxygénations