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2.3 Caractérisation et dynamique des matières en suspension

2.3.6 Dynamique des suspensions à l’étiage

Les MES transportées à l’étiage dans le milieu naturel ne sont pas de même nature que celles transportées à haut débit. Les teneurs en COP exprimées en % des MES décroissent d’un facteur 3 environ lorsque les MES augmentent avec le débit de 5 à 50 mg l-1. Ceci a été observé sur 5 stations de part et

d’autre de l’agglomération parisienne pendant l’année hydrologique 1994-1995 (Idlafkih et al., 1996). Cette décroissance du COP avec les MES a aussi été montrée par Meybeck (1982). Elle est expliquée par la plus forte participation de particules peu ou pas organique lors des épisodes de crues les plus érosifs alors qu’en basses eaux, la quantité de matières organiques est plus importante et à pour origine les algues et les macrophytes ou encore les rejets urbains (Servais et al., 1998).

Au cours de la campagne du 23 avril 1992, à l’aide d’une méthode par filtration in situ et de l’utilisation d’une sonde multi-paramètres, Maldiney (1994) montre qu’entre la Frette et Conflans (amont-

aval des rejets), la teneur en MES diminue fortement en surface mais augmente significativement au fond. Les particules en suspension issues d’Achères sédimentent mais elles provoquent aussi le dépôt des particules provenant de l’amont. Les particules qui sédimentent sont légèrement plus grosses que celles qui restent en surface et sont surtout plus denses (masse volumique apparente de 1.8 g cm-3 au fond à Conflans

contre 1.1 g cm-3 en surface). Deux processus semblent se développer à l’aval des rejets : d’une part un

processus de sédimentation des particules les plus décantables et d’autre part le développement de flocs très peu dense en surface.

Maldiney (1994) montre de plus que la vitesse de chute calculée à partir de la granulométrie des matières en suspension est très supérieure à la vitesse de disparition des MES dans la colonne d’eau. Il semble alors que ce soit la diffusion turbulente et/ou des processus d’érosion simultanés aux processus de dépôt qui expliquent cette différence observée. Chesterikoff et al. (1991) proposent des explications similaires : d’abord localisées en rive gauche, juste à l’aval des rejets, les matières en suspensions sédimentent du fait du brusque freinage des effluents dans la Seine. Puis, la dispersion transversale s’effectue lentement par les couches relativement profondes et les particules atteignent petit à petit le centre du chenal, puis la rive droite, en se déposant en une couche très fine et facilement remobilisable. L’intense trafic fluvial vient alors perturber cette sédimentation en générant au niveau du lit des turbulences locales très intenses. Les MES transitent alors dans le bief, au gré de phases de dépôt et de remises en suspension.

Pour vérifier ces hypothèses, plusieurs mesures de l’effet du passage des bateaux ont été entreprises au niveau de Maisons Laffitte (Sakiz et al., 1996) et dans l’estuaire de la Seine (Andrier, 1999 ; Seine aval, 1996) à l’aide du MEFS, décrit au § 2.3.3. Cet appareil permet de mesurer les fluctuations des profils de vitesses proche du fond dans les trois directions et les fluctuations de la concentrations en MES. Il apparaît au travers de ces mesures que le passage des bateaux, en période de bas débit, engendre des érosions locales très intenses du matériel particulaire récemment déposé. Les vitesses au fond sont modifiés dans les trois directions (principalement les deux directions horizontales) et les contraintes de cisaillement au fond sont alors augmentées. Andrier (1999) montre que, lorsqu’il existe du matériel particulaire facilement remobilisable, une relation quasi-linéaire semble relier l’intensité de l’érosion à la quantité de frottement dissipée au fond. La navigation semble être responsable de l’apparition des phénomènes de fort cisaillement et le moteur principal de l’érosion en période d’étiage. Sakiz et al. (1996) ont pu mesurer dans le secteur de Maisons Laffitte de très nettes variations du frottement turbulent de Reynolds (corrélation des fluctuations de la vitesse verticale et horizontale : –u’w’) lors du passage des plus gros bateaux les plus chargés. On atteint dans le chenal de navigation et en rive gauche des tensions de Reynolds respectivement de 10 N m-2

et 6 N m-2 alors qu’elles ne valent que 1 N m-2 en l’absence de bateaux. Les plus forts cisaillements

turbulents au voisinage du fond donnent également lieu à une très forte augmentation des concentrations en MES. L’ensemble des valeurs mesurées montre que cette resuspension est très nette à partir de frottements au voisinage du fond de l’ordre de 3 N m-2, soit environ pour un bateau sur quatre. Pour de tels évènements,

les excédents de concentration en MES mesurés à 10 cm au dessus du fond varient de 50 à 100 mg l-1. Une

évaluation encore grossière montre que le flux d’érosion est de l’ordre de grandeur du flux de sédimentation évalué en Seine à partir des mesures de vitesses de chute en eau calme.

Les résultats de ces différentes études montrent que le principal moteur de remobilisation des sédiments frais est, à l’étiage, la navigation. Un des objectifs de ce travail de thèse est alors de modéliser finement ce processus, afin de quantifier les stocks érodés et de comprendre leurs implications dans le fonctionnement de l’écosystème.

Chesterikoff et al. (1993) estiment le flux de MES apporté par les rejets à 1.125 kg s-1. Ils observent

alors, à l’aide de trappes à sédiments, un flux de sédimentation entre la Frette et Conflans de l’ordre de 1.5 kg s-1 pour un débit à la Frette de 120 m3 s-1. Avec les mêmes moyens de mesures, Maldiney (1994)

trouve un flux de sédimentation de l’ordre de 0.5 kg s-1 dans le même bief pour un débit plus important de 200 m3 s-1.

La campagne du suivi tridimensionnel du panache d’Achères, réalisée en juillet 1999 confirme une sédimentation nette des suspensions dans le domaine d’étude. Nous en discuterons plus en détail dans le chapitre 6.