• Aucun résultat trouvé

2.6 État de l’art de la modélisation en rivière

2.6.1 Hydraulique et transport de polluants

Les écoulements en rivière sont décrits par les équations de continuité de masse et de quantité de mouvement. Cette dernière équation est connue sous le nom d’équation de Navier-Stokes ou équation de Reynolds. Une des différences entre les modèles à une ou plusieurs dimensions concerne les hypothèses émises pour traiter les termes de turbulence (Rauch et al., 1997, submitted). Pour des modèles de type bidimensionnel horizontal par exemple, différentes méthodes peuvent être employées, comme supposer une viscosité turbulente constante dans tout le domaine (Sauvaget, 1990) ou utiliser un modèle de turbulence du type

(

k,

ε

)

qui calcule, en chaque nœud du maillage, l’énergie cinétique turbulente et le taux de dissipation et fournit ainsi des valeurs spatiales de la viscosité turbulente (Bedford et al., 1988 ; Rodi, 1980 ; Hervouet & Van-Haren, 1995). Ce type de modèle est à l’heure actuelle opérationnel bien que basé sur un nombre d’hypothèses assez restrictives (Hervouet et Van-Haren, 1995).

Pour étudier le fonctionnement d’un écosystème fluvial à grande échelle (plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres), les équations de Navier Stokes sont intégrées sur la transversale et la verticale pour aboutir à une modélisation monodimensionnelle dans le sens de l’écoulement. On suppose alors que :

• chaque bief considéré possède un axe privilégié d’écoulement, les vitesses étant toujours supposées parallèles à cet axe ;

• les écoulements sont à faible courbure dans le plan horizontal ; les accélérations verticales sont négligeables et la répartition des pressions est quasi hydrostatique ;

• la pente moyenne des écoulements est faible ;

• les contraintes de viscosité sur le fond et les berges sont prises en compte à l’aide des lois empiriques de frottement (loi de Chezy, de Strickler).

Pour exemple, on peut citer les modèles ProSe 1D (Even, 1995), MIKE 11 (DHI, 1992), LIDO 2.0 (Lebosse et Ladreyt, 2000) développé par le LNHE et le CETMEF, ainsi que SAM 1D, le modèle monodimensionnel d’IFREMER (Cugier, 1999). L’échelle de temps est fonction des processus simulés et peut aller jusqu’à l’année.

Notons qu’il existe différentes classes de modèles 1D définies en fonction des hypothèses faites sur la nature de l’écoulement (régime permanent, transitoire). QUAL II par exemple simule l’évolution des variables biologiques au sein d’un écoulement permanent alors que MIKE 11, ProSe ou encore MAGE (CEMAGREF, équipe de mécanique des fluides et hydroinformatique) permettent de prendre en compte les écoulements transitoires.

Le transport de matière au sein d’un écoulement est gouverné par la convection, différents processus ayant pour effet une homogénéisation des concentrations, le dépôt et l’érosion si l’on s’intéresse aux variables particulaires. Dans le cas des modèles monodimensionnels, la dispersion longitudinale représente l’ensemble des processus de mélange tels que la diffusion moléculaire, la diffusion turbulente et la dispersion par convection différentielle. La longueur de mélange, distance à partir de laquelle les concentrations sont homogènes sur la transversale et à partir de laquelle, seules les hétérogénéités longitudinales subsistent, définit le domaine de validité du modèle (les équations de mélange 1D sont valables au delà de la longueur de mélange). Le flux dispersif est supposé suivre une loi de Fick (Fisher et al., 1979) introduisant un coefficient de dispersion longitudinale. Sa valeur dépend fortement de la pente, de la morphologie et de la rugosité du fond et est souvent déterminée de façon empirique (Fischer et al., 1979) ou par des traçages in situ.

Lorsque les processus que l’on cherche à représenter ont un caractère fortement hétérogène sur la transversale (méandres, zones sèches, impact de la construction d’ouvrages, rejet ponctuel…), la modélisation monodimensionnelle s’avère insuffisante. Le modélisateur a alors recours à la modélisation bidimensionnelle horizontale de l’écoulement qui permet de caractériser les profils de vitesses sur les différentes sections du domaine. Les équations de Navier Stokes sont alors simplement intégrés sur la verticale. De nombreux modèles bidimensionnels existent à l’heure actuelle. On peut citer en exemple TELEMAC 2D d’Électricité De France, Mike 2.1 du Danish Hydraulic Institute, DELFT2D de Delft Hydraulics, ou encore REFLUX 2D développé par l’Université Technologique de Compiègne et SAM 2D, le modèle bidimensionnel d’IFREMER. La différence principale entre ces modèles réside dans leur façon de résoudre numériquement les équations aux dérivées partielles (différences finies, éléments finis). Les hypothèses physiques émises pour résoudre les équations de continuité et de quantité de mouvement sont très semblables pour tous ces modèles :

• la pression est supposée hydrostatique ;

• les vitesses verticales sont négligées (hypothèse hydrostatique qui suppose que l’accélération verticale n’est pas significative ;

• la surface libre et le fond sont supposés imperméables.

En ce qui concerne le transport de polluants, ce type de modèle ne peut être utilisé que lorsque les concentrations sont supposées homogènes sur la verticale.

Rappelons ici ce que l’on désigne par champ proche, champ moyen et champ lointain d’un rejet en rivière :

• le champ proche d’un rejet est caractérisé par une hétérogénéité totale de la concentration d’un traceur dans les trois directions. Il se termine lorsque l’homogénéité verticale de la concentration d’un traceur est atteinte (en effet, dans le cas d’une rivière peu profonde, c’est d’abord sur la verticale que s’opère l’homogénéité). Ce champ se situe en général sur les premiers cents mètres à l’aval d’un rejet, lorsque les eaux n’ont pas des températures et des densités trop différentes ;

• le champ moyen débute à la fin du champ proche et se termine lorsque l’homogénéité transversale s’est opérée. Cela peut prendre de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres selon la morphologie de la rivière et les conditions hydrodynamiques ;

• enfin, lorsque les homogénéités verticale et transversale sont atteintes, on dit que l’on se situe dans le champ lointain. L’aspect longitudinal reste alors à étudier.

Dans le champ moyen, la dispersion a donc un caractère bidimensionnel et on définit alors deux coefficients de dispersion, longitudinal et transversal. On suppose que le flux dispersif suit une loi de Fick et que les coefficients qui le définissent sont proportionnels au produit de la vitesse de cisaillement au fond et de la hauteur d’eau (Fisher et al., 1979).

Enfin, lorsque les mouvements d’eau sont hétérogènes selon les trois directions, comme c’est le cas dans le champ proche d’un rejet ou dans une zone soumise à des différences de densité importantes (eau salée-eau douce), ou lorsque l’on cherche à décrire de façon très précise un processus éminemment 3D, comme le transport des matières en suspension, on a recours à une modélisation tridimensionnelle de l’écoulement. Certains modèles font alors appel à l’hypothèse du champ de pression hydrostatique et réduisent alors l’équation de quantité de mouvement verticale à un simple équilibre entre la force de gravité et la pression. Parmi ces modèles figure le célèbre code numérique aux éléments finis TELEMAC 3D du Laboratoire National d’Hydraulique d’EDF (Janin et al., 1992) qui est utilisé pour étudier le mélange d’eaux douces et salées, la dilution thermique, la dispersion d’agents polluants ou le transport de sédiments en estuaire ou en milieu marin. Ce type de modèle est applicable aux grands domaines, pour lesquels les échelles horizontales du mouvement sont d’un ordre de grandeur beaucoup plus important que les échelles verticales, ce qui autorise à effectuer l’hypothèse sur la pression.

La seconde classe de codes tridimensionnels s’emploie à décrire les écoulements en cours d’eau pour des applications diverses. Les équations de Navier-Stokes sans hypothèse de pression hydrostatique sont résolues mais sous certaines conditions qui, encore une fois, diminuent le champ d’étude du code en question. Nous pouvons citer le modèle aux différences finies de Casulli et Stelling (1998) qui s’attache à modéliser l’écoulement et la dispersion de quantités polluantes dans des géométries complexes, où l’approximation de pression hydrostatique n’est pas acceptable. Cependant, ce modèle se limite à des applications où le champ de pression ne s’éloigne pas exagérément d’une répartition hydrostatique (Buil, 1999). Dans cette catégorie de modèles, nous trouvons également toute une série de codes numériques tridimensionnels aux volumes finis qui utilisent les équations complètes de Navier-Stokes mais qui considèrent la surface libre comme un toit rigide. C’est le cas du code SSIIM de Olsen (1991), cité dans Buil (1999), qui s’applique aujourd’hui à simuler les écoulements en rivière autour de grosses rugosités ou encore du modèle de Demuren et Rodi (1983) qui simule, dans un canal ouvert, l’écoulement au voisinage d’un rejet polluant.

La difficulté d’application d’un modèle tridimensionnel à un cas réel réside, d’une part, dans la durée des calculs, encore très importante malgré l’augmentation de la puissance des calculateurs et, d’autre part, à la validation d’un tel modèle par des séries de mesures délicates à réaliser et très coûteuses.