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CHAPITRE 1 : Recension des écrits scientifiques

1.6 Les pratiques d’intervention les plus répandues face au suicide

1.6.1 Les pratiques en prévention du suicide

En 2010, le MSSS publie le document Prévention du suicide : Guide des bonnes

pratiques à l’intention des intervenants des centres de santé et des services sociaux. Il a pour

visée l’amélioration des compétences pratiques des intervenants selon « un cadre précis, uniformisé et à la fine pointe des nouvelles connaissances » issues des champs scientifiques et professionnels (MSSS, 2010). Les principes de l’approche orientée vers les solutions sont retenus parce qu’ils « favorisent une perception réaliste de la situation, ce qui permet de travailler sur l’ambivalence, de hâter le dévoilement de l’intention de suicide et de concevoir

des solutions de remplacement au suicide » (MSSS, 2010, p. 23). Par ailleurs, l’approche orientée vers les solutions est également privilégiée dans les centres de crise (Séguin, Brunet et LeBlanc, 2012). En outre, l’écoute empathique est mise de l’avant par le MSSS (2010). Selon le ministère, elle permet de « reconnaître la souffrance et la détresse [et de] se concentrer sur les forces et sur la résilience » des personnes suicidaires tout en les soutenant dans leur demande d’aide (p. 23-24).

En ce qui concerne les outils pratiques, la Grille d’estimation de la dangerosité d’un

passage à l’acte suicidaire créée par Suicide Action Montréal (SAM) et le Centre Dollard-

Cormier–Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD) est sélectionnée par le MSSS (2010). Cet outil comporte des principes de l’approche orientée vers les solutions ainsi que la classification de facteurs de risque prédisposants, contribuants, précipitants et de protection (SAM et CDC-IUD, 2011; MSSS, 2010). Dans les deux prochaines parties, je présente brièvement l’approche orientée vers les solutions, suivi du processus d’intervention en matière du suicide tel qu’étayé par le MSSS (2010).

1.6.1.1 L’approche orientée vers les solutions

Les principaux pionniers de l’approche orientée vers les solutions sont Steve de Shazer et Insoo Kim Berg. Dans cette approche, l’intervention est orientée sur le moment présent de sorte que l’intervenant n’a pas à comprendre en profondeur les problèmes d’une personne pour l’aider à résoudre rapidement et concrètement ses problèmes (Van de Sande, Beauvolsk et Renault, 2011). La personne est considérée comme l’experte de sa propre situation dans le sens où elle fait preuve de résilience, et elle détient les ressources et les compétences pour cultiver son potentiel (Van de Sande, Beauvolsk et Renault, 2011). L’approche orientée vers les solutions est évaluée pertinente en prévention du suicide parce qu’elle s’oriente vers la projection vers l’avenir ainsi que vers l’exploration des raisons de vivre, des projets et des rêves de la personne (Fanzolato, 2013). De plus, elle favorise le recours à des stratégies d’adaptation saines, positives et efficaces auxquelles la personne a eu recours dans le passé pour surmonter ses difficultés (Fanzolato, 2013). Il se peut, cependant, que la personne n’ait pas de telles stratégies dans son répertoire. Par exemple, il se peut que la situation de crise actuelle diffère

grandement de ses difficultés antérieures. Conséquemment, l’apprentissage de nouvelles stratégies se fait sous la directivité de l’intervenant (Greene, Lee, Trask et Rheinscheld, 2005). 1.6.1.2 Le processus d’intervention en matière de suicide et les mesures d’urgence

exceptionnelles

Le MSSS (2010) étaye les trois étapes du processus d’intervention auprès des personnes suicidaires. Ces étapes sont :

1. la création d’une alliance thérapeutique respectueuse marquée de confiance; 2. l’exploration rapide et brève de la situation pour diminuer la tension éprouvée

chez la personne suicidaire en la laissant s’exprimer;

3. l’estimation de la dangerosité et de l’urgence du passage à l’acte.

Pour cette dernière étape, le professionnel s’appuie sur des outils, dont la grille conçue par SAM et le CDC-IUD, et sur son jugement clinique. De plus, un but orienté vers le futur est fixé afin de donner de l’espoir à la personne suicidaire. Des solutions sont recherchées à travers le processus d’intervention en tenant compte des ressources de la personne, et un plan d’action est précisé à partir de l’expertise du professionnel. Le processus d’intervention auprès des personnes suicidaires se clôt de manière sécuritaire, c’est-à-dire en mettant en place un suivi ou en ayant recours à des mesures d’urgence d’exception (MSSS, 2010). Celles-ci réfèrent aux mesures inscrites dans la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (Loi P-38).

Tel qu’expliqué par le MSSS (2018) :

Au Québec, les droits et libertés de la personne sont garantis par les chartes québécoise et canadienne. Cependant, lorsqu’il devient nécessaire d’assurer la protection de la personne ou celle d’autrui, la loi permet de priver temporairement une personne de sa liberté en la gardant, contre son gré, dans une installation maintenue par un établissement de santé et de services sociaux. Puisque la garde ainsi imposée porte atteinte aux droits à l’intégrité et à la liberté de la personne en l’absence de son consentement, son application doit être exceptionnelle et les dispositions prévues dans le cadre législatif pour ce faire, rigoureusement suivies. L’objectif ainsi poursuivi est d’atteindre un juste équilibre entre la protection des personnes et la préservation de leurs droits. (p. 3)

des responsabilités qui leur sont soit exclusifs, soit partagés avec d’autres acteurs. Pour ce qui est des intervenants travaillant dans les services d’intervention en situation de crise, il s’agit entre autres d’estimer la dangerosité liée à l’état mental et d’offrir du soutien pertinent aux personnes avec leur consentement libre et éclairé (MSSS, 2018). Il est à noter que l’estimation de la dangerosité « n’est pas un diagnostic médical ni un jugement définitif sur la dangerosité ce qui est une responsabilité des psychiatres » (Marsolais, 2005, p. 8). En cas de danger grave et imminent, et d’un refus de la personne de donner son consentement et de collaborer, l’article 8 de la P-38

permet qu’un agent de la paix puisse, sans l’autorisation du tribunal, l’amener contre son gré dans un établissement de santé et de services sociaux, généralement au service des urgences d’un centre hospitalier ou d’un CLSC [centre local de services communautaires] équipé des aménagements nécessaires, à la demande d’un intervenant d’un SASC [service d’aide en situation de crise] désigné. (MSSS, 2018, p. 13-14)

Un médecin a ensuite la responsabilité d’évaluer la situation et de déterminer si la personne est mise en garde préventive pendant un maximum de soixante-douze heures. Dans un tel cas, ni une autorisation du tribunal ni une évaluation psychiatrique ne sont exigées. Pour une garde en établissement plus longue, l’autorisation du tribunal et au moins une évaluation psychiatrique sont exigées (MSSS, 2018).