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Les pratiques d’intervention en situation de crise suicidaire

CHAPITRE 1 : Recension des écrits scientifiques

1.6 Les pratiques d’intervention les plus répandues face au suicide

1.6.2 Les pratiques d’intervention en situation de crise suicidaire

Comme mentionné précédemment, l’intervention en situation de crise est considérée comme spécialisée dans la mesure où des connaissances et des compétences supplémentaires sont requises pour la mettre en œuvre. Elle combine les connaissances à la fois sur la crise et sur la prévention du suicide. Quoique les équipes dans les centres de crise mettent en valeur depuis un certain nombre de temps le fait qu’elles détiennent une expertise en la matière, ce n’est que récemment qu’une formation provinciale visant à uniformiser les pratiques voit le jour, tel qu’expliqué précédemment. Dre Monique Séguin est l’experte ayant participé à la création de

cette formation. Donc, comme pour les connaissances les plus répandues, je m’appuie sur un ouvrage plus récent réalisé par cette chercheuse en collaboration avec d’autres chercheurs. Je commence par mettre en lumière les caractéristiques de l’intervention en situation de crise pour ensuite décrire l’estimation de l’urgence et de la dangerosité et deux modèles d’intervention :

l’un est plus vaste alors que l’autre est spécifique à la typologie de Séguin, Brunet et LeBlanc (2012) présentée plus haut.

1.6.2.1 Les particularités de l’intervention en situation de crise

Séguin et LeBlanc (2012) estiment que l’intervention en situation de crise se distingue d’autres approches d’intervention compte tenu des caractéristiques particulières des personnes en situation de crise. En dépit de leur diversité, toutes ces personnes éprouvent une intensité émotionnelle, étant pressées de diminuer leur souffrance qu’elles perçoivent comme insoutenable. Pourtant, elles ne trouvent pas et ne mettent pas nécessairement en œuvre des stratégies utiles ou adéquates, selon Séguin et LeBlanc (2012). Ces chercheuses se réfèrent par ailleurs à des données de recherche suggérant que les personnes en situation de crise sont « moins sur la défensive et davantage réceptives à l’aide proposée » (p. 34). Séguin et LeBlanc (2012) pensent à cet effet qu’il s’agit d’une occasion pour les professionnels « de créer un lien et ainsi de susciter l’engagement de ces personnes dans une alliance thérapeutique » (p. 34).

Séguin et LeBlanc (2012) dressent un portrait des caractéristiques propres à l’intervention en situation de crise. Elle est d’abord immédiate, en étant déployée dans un court délai suivant l’émergence de l’évènement déclencheur de la crise. Il en est ainsi en raison des comportements à risque que manifestent les personnes en état de désorganisation (Séguin et LeBlanc, 2012). L’intervention en situation de crise est ensuite brève, comportant des objectifs ciblés qui peuvent être atteints rapidement. Ceux-ci s’orientent vers la diminution de la tension reliée à la souffrance, le gain d’une impression de contrôle permettant l’émergence de l’espoir et l’implication de la personne dans un processus d’intervention subséquent (Séguin et LeBlanc, 2012). Puis, l’intervention en situation de crise est dirigée par le professionnel vu le potentiel de dangerosité que la personne suicidaire présente. Cette directivité est envisagée dans une optique de « bienveillance thérapeutique » (Séguin et LeBlanc, 2012, p. 36). Enfin, le professionnel adopte une position active de deux manières.

D’une part, le professionnel s’investit dans la création et le maintien d’un lien de confiance avec la personne en crise (Séguin et LeBlanc, 2012). Pour que celle-ci s’engage dans un plan d’intervention, il doit démontrer, entre autres, des compétences empathiques, authentiques, compréhensives, d’acceptation et d’écoute. Plus précisément, l’intervenant « doit

tout mettre en œuvre pour que la personne aidée ait une perception positive d’elle-même et doit lui transmettre la croyance selon laquelle il est avec elle et peut lui venir en aide » (Séguin et LeBlanc, 2012, p. 37). Il cherche aussi à diminuer l’ambivalence et à augmenter l’espoir chez la personne suicidaire en adoptant une position à la fois réaliste et optimiste. Séguin et LeBlanc (2012) rappellent que le lien de confiance peut être fragilisé ou encore rompu par la personne en situation de crise en tout temps de sorte que l’intervenant doit demeurer attentif et vigilant pour le maintenir.

D’autre part, l’intervenant est actif dans la mesure où il recueille de manière soutenue et rapide des informations. Cela lui permet d’estimer le risque et l’urgence, et d’orienter les interventions en conséquence, ce qui inclut la conception d’un plan d’action qui mobilise les réseaux d’aide (Séguin et LeBlanc, 2012). Quoique le plan d’action soit présenté comme un « projet commun », l’intervenant adopte une position directive tout en respectant le pouvoir décisionnel de la personne (Séguin et LeBlanc, 2012, p. 51). Il s’agit surtout de communiquer, selon Séguin et LeBlanc (2012), une reconnaissance de l’importance de la personne méritant « la meilleure intervention possible » (p. 51). Bref, Séguin (2012) insiste sur la nécessité de l’estimation de l’urgence et de la dangerosité du passage à l’acte dans toute intervention de crise, tout en maintenant à la fois l’alliance thérapeutique et l’engagement de la personne.

1.6.2.2 L’estimation de l’urgence et de la dangerosité en situation de crise

L’estimation de l’urgence et de la dangerosité en situation de crise se fait rapidement par la collecte d’informations par l’intervenant auprès de la personne. Comme l’explique Séguin (2012), l’urgence réfère à l’imminence du passage à l’acte alors que la dangerosité réfère au degré de létalité et d’accessibilité du passage à l’acte. Ce dernier réfère aux actes de suicide, d’automutilation et d’agressivité contre autrui pouvant aller jusqu’à l’homicide. L’estimation de la dangerosité implique l’évaluation du plan, soit les moyens et l’endroit du passage à l’acte. L’estimation se fait assez rapidement pour déterminer si des mesures d’urgence sont requises. En l’absence d’une urgence, l’estimation se poursuit quoiqu’encore rapidement avec l’exploration des facteurs de risque (Séguin, 2012).

Séguin (2012) souligne l’ampleur de la souffrance des personnes suicidaires. Elle s’accompagne d’une perception de dépassement et d’incapacité à diminuer la souffrance, et d’un

sentiment d’impuissance. Le rôle de l’intervenant est, selon cette chercheuse, d’offrir un cadre ouvert, c’est-à-dire exempt de jugement, et une présence à titre de témoin de la souffrance. L’intervenant doit aussi accorder de l’écoute pour valider et diminuer la souffrance ainsi que transmettre de l’espoir par l’entremise d’une alliance thérapeutique marquée d’authenticité et d’honnêteté (Séguin, 2012). L’estimation de l’urgence et de la dangerosité étant expliquée, je procède avec la présentation des modèles d’intervention de crise.

1.6.2.3 Les modèles d’intervention de crise

À partir de leur typologie de crise, Séguin, Brunet et LeBlanc (2012) abordent des modes d’intervention de crise adaptés. Dans le cas de la crise psychosociale, les modes d’intervention privilégiés sont axés sur les ressources et les capacités de résolution de problèmes des individus. Un exemple de modèle est l’approche orientée vers les solutions.

Pour ce qui est de la crise psychotraumatique, Séguin, Brunet et LeBlanc (2012) proposent des interventions brèves et des thérapies d’exposition.

Concernant la crise psychopathologique, Séguin, Brunet et LeBlanc (2012) présentent un modèle d’intervention de crise de courte durée axé sur l’évaluation des problèmes et l’engagement de la personne en état de crise pour l’orienter vers des services spécialisés en santé mentale.

Bref, le processus d’intervention en situation de crise est plutôt structuré, linéaire et dirigé par les intervenants, ceux-ci étant en position de professionnels détenant des savoirs adéquats. Cette expertise est valorisée entre autres en évoquant la complexité de l’intervention en matière de prévention du suicide et de crise. Justement, Séguin et LeBlanc (2012) soulignent l’importance des formations pour soutenir les intervenants dans l’amélioration de leurs compétences. Or, cette complexité fait que des enjeux éthiques peuvent émerger. J’en aborde quelques-uns dans la partie suivante.