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Les pratiques linguistiques familiales : différentes possibilités La famille est restée considérée comme un domaine privé, intime ou La famille est restée considérée comme un domaine privé, intime ou

3 Familles, Langues, Plurilinguisme et Politiques Linguistiques : que retenir ? Linguistiques : que retenir ?

3.2 Les pratiques linguistiques familiales : différentes possibilités La famille est restée considérée comme un domaine privé, intime ou La famille est restée considérée comme un domaine privé, intime ou

fermé en comparaison à des domaines ou publics comme l’école et le milieu professionnel. Par conséquent, les premières informations relatives aux pratiques linguistiques de ce domaine résultent généralement des réponses obtenues par le biais des interviews, des récits de vie et des études

longitudinales par des parents linguistes (Ronjat, 1913 ; Léopold, 1939-1949 ; Saunders, 1988 ; Fantini, 1985 ; Taeschner, 1983 ; Hoffmann, 1985) sur le développement langagier de leurs enfants. Toutefois, la libre circulation des individus entraine davantage la mixité des couples et il existe par conséquent un nombre accru diversifié, voire super-diversifié des structures familiales. C’est ce qui justifie la prolifération des études sur les pratiques linguistiques des enfants au sein de familles mixtes linguistiquement. De plus en plus, on s’est rendu compte que les enfants, par le biais de la participation à un large éventail de pratiques langagières, sont socialisés et acquièrent les valeurs sociales et les attentes associées aux différents codes linguistiques. A cet effet, (Yamamoto, 2001) qui s’est intéressée à l’utilisation des langues au sein de familles mixtes (nippo-anglaises) au Japon. Braun et Clyne (2014) se sont penchés sur la même question au sein de familles trilingues en Allemagne et en Angleterre et Deprez (2013) en France, pour ne citer que ceux-là. Les conclusions communes à ces recherches sont que les enfants jouent un rôle déterminant dans le maintien/disparition des langues familiales et que la langue du pays de résidence supplante assez souvent celles des parents. Dans la même lignée, ces conclusions témoignent aussi de la particularité de chaque contexte linguistique d’étude et appellent la non généralisation des résultats. A la lumière des exemples cités, on se rend compte que l’intérêt scientifique pour les pratiques langagières en famille est suscité par le contact entre les langues. Ainsi, se rapprocher des réalités linguistiques quotidiennes des familles, par le biais des conversations tenues parmi les différents membres d’une famille, le plus souvent autour d’une table au moment du repas, permet de prendre connaissance avec les personnes qui sont les auteurs et les acteurs à la fois de ce contact vivant des idiomes (Tabouret-Keller, 2013)38.

De même, vivre dans une société plurielle comme le Luxembourg permet de percevoir comment les langues d’ici et d’ailleurs se côtoient, se mêlent et se démêlent. Cela permet également de se rendre compte qu’au sein d’une même famille, chaque individu a sa propre conception du plurilinguisme, l’exprime et le vit différemment, apporte ses façons de parler, ses normes et ses valeurs symboliques. C’est la raison pour laquelle, pour une bonne compréhension du

plurilinguisme familial, nous avons choisi d’aborder ce sujet dans sa globalité, c’est à dire en nous focalisant sur la famille dans son intégralité (parents et enfants). A travers notre démarche méthodologique, nous avons cherché à toucher presque du doigt les réalités linguistiques (pratiques déclarées et effectives) propres à chaque famille. Cette démarche permet de proposer une présentation des familles en fonction des solutions adoptées par chacune d’elles, mais aussi de mieux comprendre quels sont les éléments qui entrent en jeu dans l’élaboration d’une gestion linguistique en famille.

3.2.1 Les différents types de familles plurilingues

Dans la littérature sur les pratiques linguistiques familiales, le terme plurilinguisme est généralement utilisé par extension à celui de trilingue, pour désigner un individu qui connait ou parle plus de trois langues (Cline et Braun, 2014). Nous entendons par famille plurilingue toute famille composée de parents de langues maternelles39 différentes ou les familles dont les parents ont la même langue maternelle et que la famille réside au Luxembourg, pays officiellement trilingue. Concernant ce deuxième cas, une famille devient plurilingue non seulement parce que les enfants sont scolarisés dans d’autres langues que celles de la famille, mais aussi parce que les parents apprennent aussi l’une ou toutes les langues du pays de résidence et l’utilisent en famille, comme nous le démontrerons dans les chapitres suivants. Notre choix terminologique s’appuie sur la typologie des familles trilingues établie par Hoffmann (2001, P.3, cité dans Barron-Hauwaert, 2004, P.139) :

• On peut devenir plurilingue en vivant dans un environnement multilingue (famille ou pays)40

• On peut devenir plurilingue par l’apprentissage de plusieurs langues (le cas des adultes qui apprennent plusieurs langues) • On peut devenir plurilingue par le biais de l’école41 39 Nous utilisons ce terme en accord avec nos participants qui l’utilisent pour distinguer leur(s) langue(s) de celles du pays d’accueil. 40 C’est l’exemple des enfants qui sont exposés dès la naissance à plusieurs langues au sein de leur famille. 41 Le cas par exemple des enfants issus de familles monolingues et qui sont scolarisés à l’école publique luxembourgeoise.

En outre, opter pour le terme plurilingue au départ nous a permis de mettre en avant la notion de répertoire, qui signifie l’ensemble des possibilités linguistiques d’un individu et d’en préciser par la suite les caractéristiques linguistiques 42 de chaque famille. De plus, cela nous a permis d’éviter des catégorisations trop simplifiées souvent rencontrées dans la littérature et qui, vues de près, ne reflètent pas véritablement les réalités linguistiques intrafamiliales a priori invisibles. Différents cas de familles plurilingues sont décrits dans notre étude. Les lignes suivantes seront consacrées à la classification des différents types de familles plurilingues.

La famille est le premier milieu de socialisation de l’enfant et où les langues revêtent un enjeu majeur. Les familles plurilingues sont aussi courantes qu’on n’y croit pas. Par exemple, le multilinguisme est une norme dans les pays africains où en plus des langues locales, communément appelés dialectes, il existe des langues officielles. Les enfants acquièrent ces dialectes de manière précoce en famille et sont scolarisés en langue(s) officielle(s). Cette double exposition aux langues fait d’eux des individus plurilingues dès le plus jeune âge. Généralement dans ces situations, le plurilinguisme est vécu comme quelque chose de normal et les gens ne se posent pas souvent les questions sur les inconvénients de cet état de fait sur le développement cognitif des enfants. Les enfants naissent et baignent quotidiennement dans ces réalités linguistiques et chaque langue trouve sa place. Le plurilinguisme de la famille et celui des enfants en particulier sont la résultante des choix conscients et délibérés que les parents ont faits concernant le pays de résidence, les langues à parler en famille et le type d’école pour leurs enfants. Compte tenu de la rareté des études détaillées sur le plurilinguisme familial, nous nous appuierons sur la typologie des familles bilingues établie par (Siguan & Mackay, 1986); (Hoffmann C. , Towards a description of trilingual competence, 2001; Horner & Weber, 2008); (Harding-Esch & Riley, 2003), parce que les familles que nous avons étudiées rentrent dans l’une ou l’autre des catégories à la base et c’est leur résidence au Luxembourg qui fait toute la différence.

42 Les détails seront donnés dans la partie consacrée à la description du profil linguistique des familles

1) « Les parents ont des premières langues distinctes, mais ils

connaissent les deux et les utilisent en alternance entre eux et avec leurs enfants »

Cet exemple coïncide avec les pratiques linguistiques de certaines familles que nous avons étudiées. Brièvement, la plupart des couples se sont rencontrés à l’Université, soit lors d’un programme d’échange soit lors d’un cursus normal. Avant le mariage, les deux partenaires connaissent la langue de l’autre, même à des niveaux différents. C’est le cas de la famille Schmitz où les parents (français et allemand) connaissaient les deux langues, les utilisaient en alternance assez régulièrement. La naissance des enfants les a poussés à parler chacun sa L1 pour servir de modèle linguistique à leurs enfants et par respect du principe un parent, une langue.

2) « Les parents ont des premières langues distinctes, mais ils n’en utilisent qu’une seule comme langue commune »

Les couples bilingues font généralement ce choix linguistique. Tous les parents étudiés ont affirmé avoir délibérément choisi de faire de la langue de leur première rencontre celle de leur communication commune. D’après leurs propos et en accord avec Piller (2002), ce choix se fait par habitude car il est parfois difficile de changer de langue de communication avec quelqu’un avec qui on a développé une certaine complicité linguistique. De même, les couples font ce choix pour des raisons sécuritaires, parce que c’est la langue qu’on partage avec plus d’aisance, ceci afin de réduire d’éventuelles incompréhensions. Tout de même, cela peut aussi être une méthode pédagogique pour l’un des partenaires qui désire que l’autre apprenne sa langue. Ainsi donc, la famille est aussi un lieu d’apprentissage linguistique pour les adultes. L’apprentissage de la langue de son partenaire est parfois synonyme de respect pour la culture de l’autre. Il a une connotation assez forte dans la plupart des cultures africaines où la femme doit apprendre la langue de son conjoint. L’inaptitude à parler la langue de ce dernier est parfois mal appréciée par les siens. Le contraire est gage d’intégration familiale.

3) « La famille est plurilingue et la langue de l’extérieur coïncide avec l’une des langues utilisées en famille. Cette langue sera renforcée »

Dans ce type de famille, il y a assez souvent une amélioration des compétences linguistiques du parent dont la L1 n’est pas la langue dominante de l’extérieur. Il ou elle l’améliore tout au long de la résidence dans le pays. De même, les enfants ont de bonnes connaissances dans la langue de l’extérieur qui coïncide avec celle de la famille. C’est le cas de Marie Meyer (13 ans) arrivée au Luxembourg à ’âge de 5 ans et dont les parents parlent allemand parce qu’ils se sont connus en Allemagne. L’allemand est aussi la langue de communication commune lorsque toute la famille est réunie. Marie se sent très bien à l’aise en allemand, qui est aussi l’une des langues de l’école.

4) « La famille est plurilingue, et les langues utilisées en famille coïncident avec celles de l’extérieur »

Au sein des familles qui rentrent dans cette catégorie, les parents utilisent assez souvent la stratégie de communication un parent, une langue. Par conséquent, les enfants ont de bonnes connaissances dans les deux langues concernées mais avec une préférence pour une d’elles. C’est l’exemple de la famille belgo-luxembourgeoise (Fischer) dont les enfants se sentent tant à l’aise en français qu’en luxembourgeois. Toutefois, l’investissement des parents dans le développement langagier des enfants est assez déterminant. A la lumière des propos de certains parents, leur rôle consiste à veiller sur la bonne répartition fonctionnelle des langues en présence, sur la qualité de la langue qu’ils transmettent et attendent de leurs enfants.

3.3 Les apports du plurilinguisme sur le développement cognitif,

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