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Les choix linguistiques parentaux pour leur communication avec les enfants : les raisons primaires

3 Familles, Langues, Plurilinguisme et Politiques Linguistiques : que retenir ? Linguistiques : que retenir ?

3.10 Les choix linguistiques parentaux pour leur communication avec les enfants : les raisons primaires

3.10 Les choix linguistiques parentaux pour leur communication avec les enfants : les raisons primaires

En fonction des objectifs d’une PLF, les choix linguistiques faits par les parents dépendent de leur définition de ce qui est approprié au domaine. Ceci explique pourquoi les PLF font parfois l’objet d’une discussion préalable à la naissance des enfants. Sous la base de cette discussion, les parents décident des langues à transmettre ou pas, des modalités pratiques ainsi que de tous les supports externes pouvant contribuer à la réussite de leur PLF. Les choix linguistiques des parents sont premièrement influencés par leurs compétences dans ces langues (Spolsky, 2004). Au-delà de l’aspect affectif, les parents préfèrent parler leur L1 aux enfants, du fait de la sécurité linguistique dont ils jouissent et par peur d’être des mauvais modèles linguistiques dans la nouvelle langue. A titre d’exemple, un parent peut parfois être frustré lorsque son enfant le corrige lorsqu’il fait des fautes dans la langue qu’il parle (Cline et Braun, 2014).

De même, les choix linguistiques sont motivés par les conditions sociales d’acquisition et d’utilisation. Cet aspect est plus ressenti au sein des familles où l’un des parents ou les deux sont bilingues ou trilingues. En fonction des langues valorisées dans le pays de résidence de la famille, ces parents font délibérément le choix de ne pas transmettre certaines de leurs langues aux enfants (Barron-Hauwaert, 2004, 2011 ; Zurer Pearson, 2008 ; Cline et Braun, 2014). Dans notre mémoire de Master (2012), nous avons relevé ce point après la rencontre avec un parent bilingue français- écossais qui, malgré le statut élevé de l’anglais, avait délibérément choisi de ne pas le transmettre aux enfants. Ce choix était motivé par le fait qu’il trouve qu’au Luxembourg, les enfants apprennent déjà beaucoup de langues et aussi parce que l’anglais ne bénéficiait pas d’un véritable support externe.

Lambert (1977) était l’un des premiers chercheurs à montrer la différence entre le bilinguisme additif et soustractif. Le bilinguisme additif décrit une situation dans laquelle l’apprentissage d’une L2 par un enfant ne constitue pas une menace pour sa L1. Le bilinguisme soustractif se produit lorsque la L2

vient remplacer la L1 de l’enfant. De nos jours, on note de plus en plus de situation de bilinguisme additif. Car certains parents s’appuient sur leurs expériences personnelles pour faire leurs choix linguistiques. De nombreux parents estiment qu'ils avaient manqué l’occasion d’être bilingue parce qu’ils n’avaient pas été exposés à leur langue d'origine dans leur enfance. Ce sentiment de perte est une forte motivation pour la promotion du bilinguisme additif, King et Folge (2006).

En somme, les choix linguistiques parentaux pour leur communication avec leurs enfants dépendent de ce qu’ils pensent des langues, c’est à-dire leurs idéologies.

3.10.1 La gestion des langues : les stratégies de l’interaction

L’acquisition des langues chez les enfants dépend largement des langues auxquelles ils sont exposés. Du point de vue des parents, les pratiques effectives sont orientées par les choix linguistiques qu’ils auraient faits préalablement. Leurs différentes actions et leurs attitudes envers les pratiques linguistiques des enfants permettent de veiller au respect du cadre établi. Du point de vue des enfants, premièrement, ils vont se conformer à la volonté de leurs parents en utilisant les langues parentales. Deuxièmement, leurs pratiques seront fonction des langues qu’ils côtoient quotidiennement (école et communauté), des attitudes des parents face à leurs comportements linguistiques (flexibilité, interdit, rigueur) et de leurs interlocuteurs (fratrie ou parents).

A cet effet, l’interdit, l’instance48, la traduction, la répétition et la correction sont certaines méthodes additionnelles aux stratégies de communication utilisées par les parents pour amener les enfants à adhérer à leurs choix linguistiques. Car au sein de ces familles plurilingues les enfants sont souvent réticents face aux préférences linguistiques de leurs parents. Non seulement du fait des différentes personnalités mais surtout parce qu’ils sont des êtres socialisants dont leurs expériences linguistiques extra-familiales impactent sur le ce milieu. Implémenter une PLF ne garantit nullement sa faisabilité ni l’atteinte de ses prémices. Parce qu’une fois que la famille devient ouverte aux

48 Le fait qu’un parent exige que son enfant lui parle toujours dans la langue à laquelle il ou elle est associé(e). Car le plus souvent, comme l’ont dit certains parents, quelques temps après que les enfants aient débuté l’école, ils étaient enclins à parler surtout luxembourgeois aux parents.

pressions extérieures, la famille devient le site de conflits linguistiques où les enfants rejettent souvent la langue de leurs parents (Spolsky, 2009 ; Luykx, 2005) ou bien s’ils ne la rejettent, ils s’expriment spontanément comme ils veulent. Ils mettent en exergue toute leur créativité linguistique à travers les mélanges et l’alternance codique, et même parfois dans leur communication avec leurs parents. Toutefois, même si les parents n’interviennent pas dans le choix de la langue de communication dans la fratrie, ils restent assez pointilleux lorsque les enfants mélangent les langues dans la communication avec eux, surtout s’ils ont adopté l’approche OPOL.

Dans des situations vraiment extrêmes où les parents considèrent l’environnement linguistique dans lequel la famille est insérée comme hostile à la sauvegarde des langues familiales, ils prennent de mesures fermes afin de montrer aux enfants l’existence d’une barrière linguistique entre la famille et l’extérieur : la langue de l’extérieur est celle qui ne doit pas franchir les portes de la maison. Les enfants sont ainsi interdits de parler une langue autre que celle(s) de la famille. Deprez (2013) raconte l’anecdote d’un parent espagnol réfugié en France pour qui, lorsqu’on traversait sa porte, on était en Espagne. L’espagnol était la seule langue admise en famille. A ce propos, nous nous demandons si les parents disposent d’assez de moyens pour veiller au respect d’une telle mesure ? Si oui, dans quel intérêt vu que parfois les L1 peuvent servir de tremplin à l’apprentissage de la L2 et que la L1 et L2 se superposent l’une l’autre (Porcher et Faro-Hanoun, 2000) ? Comment arriver à des résultats scolaires satisfaisants si les langues de l’école ne sont pas admises en famille ? Est-ce que cette mesure peut s’appliquer dans un contexte multilingue ?

Asymétriquement, dans une étude longitudinale au sein de deux familles bilingues (norvégien et anglais), Lanza (1997) a identifié cinq stratégies discursives adoptées par les parents. La stratégie adoptée était fonction de la nature de l’interaction (monolingue ou bilingue) souhaitée par le parent. Par exemple, la stratégie nommée « Minimal grasp strategy » veut que le parent à qui l’enfant s’adresse demande à ce dernier de lui expliquer ce qu’il dit dans la langue du parent. Le « code-switching » invite le parent à considérer la langue parlée par l’enfant dans son discours. Cette stratégie donne lieu à un cadre d’expression bilingue à l’enfant. La stratégie « adult repetition » veut que le

parent répète ce qu’a dit l’enfant dans une autre langue. La technique « move on strategy », quant à elle, veut que le parent continue la conversation dans sa langue sans toutefois parler dans la langue de l’enfant. En résumé, les résultats de Lanza suggèrent qu’en plus de ces stratégies discursives, le parent dont la langue est minoritaire devrait négocier autant que possible un cadre de communication monolingue avec les enfants s’il souhaite que l’acquisition de sa langue soit effective, vu que les enfants n’adhèrent pas toujours spontanément à la volonté leurs parents.

En plus de ces stratégies discursives, Spolsky (2009) suggère entre autres que les parents peuvent faire venir les usagers de la langue cible à la maison, constituer le réseau social des enfants des personnes avec qui ils ont une langue commune, faire les lectures dans la langue cible avant le coucher du soir, définir le temps d’utilisation d’une langue, choisir le quartier de résidence qui permet le maximum d’échanges dans la langue cible, etc. Ces multiples stratégies concourent énormément à la transmission, l’acquisition et le maintien des langues minoritaires. Notre préoccupation demeure cependant au niveau de leur viabilité étant donné les pressions internes et externes que les familles subissent constamment. 3.11 Le rôle des enfants dans la socialisation linguistique au sein de

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