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Les facteurs externes influençant les politiques linguistiques familiales

3 Familles, Langues, Plurilinguisme et Politiques Linguistiques : que retenir ? Linguistiques : que retenir ?

3.9 Les facteurs externes influençant les politiques linguistiques familiales

3.9 Les facteurs externes influençant les politiques linguistiques familiales

Aussi longtemps que les enfants sont socialisés en famille, la PLF est absolument sous le contrôle des parents. Mais une fois que les enfants sont en contact régulier avec des instances de socialisation comme la crèche ou l’école, les langues de ces milieux influencent inévitablement celles de la famille. Ce contact avec l’extérieur fait basculer le cadre établi par les parents. C’est dans ce sens qu’on dit généralement qu’une PLF n’est jamais fixe, mais sujette à des modifications. Il existe plusieurs facteurs non-linguistiques qui peuvent influencer une PLF. Mais, nous nous focaliserons sur le lieu de résidence de la famille et la scolarisation des enfants comme deux principaux facteurs externes influençant les PLFs. Notre choix se justifie par la corrélation qu’entretiennent les langues du lieu de résidence et les politiques linguistiques éducatives (PLE). Nous savons que dans la majorité des pays, les langues dominantes de l’extérieur sont aussi celles de l’école.

3.9.1 Le lieu de résidence de la famille et la scolarisation des enfants

Les études sur le développement langagier des enfants en contact avec plusieurs langues (Barron-Hauwaert, 2011 ; Stavans, 2012 ; Braun et Cline, 2014) montrent que l’âge et le rang des enfants influencent l’usage des langues en famille. Les plus âgés en cours de scolarisation dans le pays de résidence utilisent majoritairement la ou les langue(s) de la communauté en famille. Ceci réduit considérablement l’usage de la ou des langue(s) familiale(s) chez les plus jeunes. Par conséquent, la probabilité que les derniers deviennent monolingues ou bilingues passifs est très élevée. Cet exemple montre le lien intrinsèque qui existe entre l’environnement de résidence de la famille, la scolarisation des enfants et leur impact sur le reste de la famille. Ceci justifie pourquoi les parents multilingues vivant dans un environnement où il y a une langue dominante, considèrent parfois l’environnement comme hostile à la pérennité de leur L1. Du

point de vue parental, le danger semble plus apparent lorsque les enfants eux-mêmes ramènent la langue de l’extérieur en famille.

Dans une étude consacrée au familles trilingues en Europe dont le but était de savoir comment coexistent trois langues en famille et quels choix scolaires font les parents pour leurs enfants, Barron-Hauwaert (2000) conclut que sur les dix familles participantes, cinq familles ont affirmé que la langue locale est celle que les enfants utilisent en premier. Dans aucun cas, la langue locale n’occupait la deuxième position. D’après elle, la place importante de la langue locale pourrait être due à plusieurs facteurs : combien de temps la famille a vécu dans le pays ou a l'intention de rester, la valeur prestigieuse de chaque langue, l'âge de l'enfant, ou le choix de la langue que les parents souhaitent que leurs enfants utilisent comme première langue. L’étude a certes été menée auprès des enfants âgés entre 2 deux ans et demi et 10 ans, mais les résultats nous semblent pertinents dans la mesure où certains axes d’analyse tels que la scolarisation des enfants, convergent avec les nôtres. En plus de cela, nous prenons en compte le nombre d’années de résidence de la famille au Luxembourg et les pratiques linguistiques des enfants qui n’ont pas profondément été abordées par l’auteur. Ceci nous permettra de montrer en quoi, en plus des expériences personnelles des enfants avec leur environnement social, leurs préférences linguistiques sont étroitement liées à la stabilité familiale. Plus précisément, il sera question de montrer qu’aussi longtemps que de grands changements tels que le changement du pays de résidence ou de l’orientation scolaire ne s’opèrent pas dans la vie des enfants, il y a de fortes chances qu’ils restent fidèles à leurs préférences linguistiques de départ.

Allant dans le même sens, Zurer Pearson (2008) constate que peu de temps après leur arrivée aux États-Unis, les enfants immigrés ont commencé à avoir une préférence pour l’anglais et n’hésitaient pas à le parler en famille. Parfois, les attitudes des enfants envers la ou les langue(s) locale(s) peuvent aller au-delà de la simple préférence linguistique. Parfois, ces derniers « refusent » de parler la ou les langues familiales qu’ils jugent peu valorisantes. (Calvet, 1996) le met clairement en exergue lorsqu’il décrit les conflits linguistiques qu’engendrent les situations plurilingues et surtout les changements linguistiques intrafamiliaux qu’apportent les enfants. A cet égard, il cite

l’exemple d’un garçon marocain vivant en France. D’emblée, le garçon disait ne pas parler arabe à la maison avec ses parents. Mais au fil de la recherche, l’auteur s’est aperçu que la réponse du garçon était fondée sur le refus de l’arabe, qu’il considérait peu valorisant dans le contexte français. Ainsi, pour l’auteur :

La langue du pays d’accueil est la langue de l’intégration, de la promotion en même temps que la langue de la conformité à un modèle dominant à l’extérieur de la famille, la langue du prestige sociétal. Cette tension entre le semblable (être comme les autres) et le différent (rester fidèle aux origines) peut évoluer vers l’acceptation de la dualité ou vers son refus … la famille apparaît donc comme le lieu d’un conflit linguistique qui fait écho avec les conflits de la société (P.103-104).

Cette assertion décrit l’impact de la langue du pays d’accueil sur la structure linguistique familiale. Mais qu’advient-il lorsque la famille baigne dans trois langues officiellement reconnues, c’est- à-dire trois langues prestigieuses ? La plupart des parents en situation d’immigration choisissent l’école publique pour leurs enfants, et pas forcément pour des raisons économiques, et sont parfois obligés d’apprendre la ou les langue(s) du pays de résidence à cause des pressions scolaires (Barron-Hauwaert, 2000). Dans une étude comparative sur les stratégies de communication parentales déployées au sein de familles trilingues en Angleterre et en Allemagne, Braun et Cline (2014) concluent que, parfois, certains parents qui n’ont aucune compétence dans la langue du pays d’accueil choisissent les écoles internationales pour leurs enfants. Sur cette base, les parents se concentrent sur la transmission des langues familiales, avec l’espoir que les enfants apprendront la langue locale au sein de la communauté. Au bout du processus, les enfants sont trilingues. Mais, la majorité des participants à cette étude sont d’origines européennes, ce qui sous-entend dans une certaine mesure que leurs langues sont valorisées en Europe, comparativement aux langues asiatiques par exemple. Le choix des écoles européennes et internationales est une option qui sert de support au maintien des langues familiales au sein des familles immigrées. Qu’en est-il par exemple des langues asiatiques comme le chinois ou le japonais qui gagnent de plus en plus de terrain au Luxembourg ? Que les parents aient immigré avec leurs enfants ou que ces derniers y soient nés, quels choix scolaires font les

parents pour leurs enfants ? De quels supports externes disposent-ils pour maintenir les langues familiales ?

De Houwer( 2007), suggère aux parents qu’afin de maximiser les chances de transmission de leur L1 dans un contexte où celle- ci est minoritaire, il serait préférable, si possible, que les parents utilisent leur L1 en famille et de ne pas utiliser la langue dominante avec l’enfant. Dans le même ordre d’idées, Chevalier (2012) conclut qu’une PLF qui exclue d’emblée la langue de la communauté en famille, et où seules les deux langues parentales (minoritaires) sont parlées en famille, l’enfant aura plus de chance de devenir activement trilingue. En outre, les contacts réguliers avec des locuteurs des langues parentales renforcent les compétences de l’enfant dans ces langues (voir aussi Hoffmann, 1985). La motivation à transmettre les langues souhaitées influence largement les interactions entre l’enfant et l’adulte.

Naturellement, les parents transmettent des langues, des identités, des valeurs et des idéologies à leurs enfants et sont donc responsables de leur socialisation. Toutefois, on se rend compte de manière fréquente au sein des familles immigrées qu’à partir d’un certain âge, les enfants jouent un rôle actif dans la socialisation de leurs parents. Parce que ces enfants sont parfois scolarisés dans la ou les langue(s) du pays d’accueil, et qu’ils apprennent plus rapidement que leurs parents, ils ont tendance à inverser les rôles linguistiques. Luykx (2005) montre par exemple en Bolivie qu’à travers l’utilisation de l’espagnol en famille, les enfants exercent une grande pression sur leurs parents. Ces derniers, qui à la base parlent Quechua ou Aymara, finissent par apprendre l’espagnol pour promouvoir les compétences linguistiques de leurs enfants et adaptent au fil du temps leur langue de communication à celle des enfants. De même, en Bolivie, la PLF s’appuie largement sur la PLE dans la mesure où les parents qui habitent les régions reculées du pays sont conscients que leurs enfants ont plus de chances de mieux apprendre l’espagnol que s’ils fréquentent les écoles situées dans des zones urbaines. C’est ce qui explique de vastes migrations internes en Bolivie.

En conclusion, la configuration des langues de l’environnement social de la famille et la scolarisation des enfants sont les deux principaux facteurs qui influencent fortement la structure linguistique familiale.

3.10 Les choix linguistiques parentaux pour leur communication avec

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