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Chapitre 1 : La lecture

2. Education psychomotrice : histoire et fondement

2.1. Pratiques historiques en l’éducation psychomotrice

D’après Le Roux (2005), deux conceptions différentes de l’éducation psychomotrice ont coexisté dans l’histoire. Les travaux de Le Boulch (1976), de Lapierre et Aucouturier (1978) et la méthode du Bon Départ, connue plus récemment sous le nom de méthode neuro- psychomotrice OUROS (Mucchielli-Bourcier, 2001) illustrent cette dichotomie.

Le Boulc’h (1976) est le fondateur de la psychocinétique, technique d’éducation psychomotrice composée d’exercices structurés pour développer les compétences psychomotrices instrumentales, auxquels sont associés des jeux de règles et de socialisation. Le Boulc’h préconise sa technique pour tous les enfants de 6 à 12 ans. Par la psychocinétique, l’auteur vise le développement global des fonctions psychomotrices dont la bonne maturation serait une condition nécessaire aux apprentissages scolaires et plus précisément pour la lecture, l’écriture et l’éducation physique (Le Boulc’h, 1976). Néanmoins, dans son manuel descriptif de la méthode, aucune étude empirique ne décrit véritablement les bénéfices possibles de la psychocinétique sur le rendement scolaire. De plus, il n’indique pas clairement si l’intervention psychomotrice permet d’une façon générale un meilleur développement cognitif de l’enfant, ce qui induirait de meilleures performances scolaires, ou s’il admet l’existence d’un lien direct entre les compétences psychomotrices et les apprentissages. Ainsi, la pratique de la psychocinétique peut être comprise comme une éducation psychomotrice instrumentale dont l’objectif et de faciliter les apprentissages scolaires chez l’enfant.

En parallèle, et comme l’expliquent Valentin-Lefranc et Pavot (2015), les autres pratiques de l’éducation psychomotrice tirent leur fondement des méthodes mises en avant par certains pédagogues de renom tel que Montessori, Freinet ou encore Decroly. Ainsi, dans les années 70, Lapierre et Aucouturier proposent une pratique pédagogique se basant essentiellement sur la réalisation d’exercices sensorimoteurs afin de pouvoir accéder à des représentations symboliques. Pour ces auteurs, l’acquisition des notions fondamentales ou le développement du raisonnement mathématique se fait à partir de mises en situation concrètes d’un vécu corporel qui doit permettre l’abstraction (Fauché, 1994). Par exemple, pour comprendre la différence entre le contraste dur/mou, Lapierre et Aucouturier (1978) proposent plusieurs activités comme par exemple, la manipulation tactile de différents objets, la catégorisation des objets (placer tous les objets durs ensemble), l’expérience corporelle de contraction (corps dur) et de relâchement (corps mou), ou encore des associations symboliques entre ces concepts et une couleur (les couleurs vives et fortes seront associées au concept « dur », les nuances pâles seront associées au concept « mou »). Chez ces auteurs, la performance fonctionnelle de l’équipement psychomoteur, autrement dit le développement des compétences psychomotrices, n’est pas mise au-devant de la scène. Ce qui compte c’est l’expérience vécue et le chemin vers l’activité symbolique. Les pratiques semblables à celles proposées par Lapierre et Aucouturier (1978) définissent ainsi une pédagogie psychomotrice, où la manipulation, l’expérience corporelle et l’action motrice permettent l’accès et l’intégration des concepts. Ici, les apprentissages se présentent à l’enfant comme des activités vécues, perçues (c’est-à-dire sensori-motrices libres, puis dirigées vers un acte cognitif) et symboliques. Les auteurs appliquent cette pratique, avant tout, pour la connaissance des notions fondamentales comme les contrastes (dur/mou, haut/bas, etc.) et ne semblent pas proposer d’activités qui seraient applicables aux apprentissages scolaires fondamentaux, notamment pour le développement des compétences en lecture.

Finalement, une autre pratique psychomotrice a longtemps été utilisée pour prévenir les difficultés scolaires. Il s’agit de la méthode neuro-psychomotrice OUROS, anciennement méthode du « Bon Départ » (Mucchielli-Bourcier, 2001). Elle a été conçue pour préparer les enfants aux apprentissages scolaires fondamentaux. En effet, la méthode du « Bon Départ », a été utilisée pour favoriser l’acquisition de la lecture – écriture en proposant des activités

mettant en lien des figures graphiques, associées à des déplacements dans l’espace et de la musique (comptines et rythme). Cette méthode a comme objectif l’intériorisation des formes graphiques élémentaires pour préparer l’écriture, mais plus généralement le développement de la structuration spatiale et temporelle, en théorie nécessaire, voire indispensable, aux apprentissages scolaires et donc à l’acquisition de la lecture. L’intérêt de cette méthode, même si non validée scientifiquement, est d’utiliser la psychomotricité dans sa globalité et dans une perspective multimodale (auditivo-temporelle pour la musique et les comptines, visuo-spatiale et kinesthésique grâce aux symboles graphiques et au déplacement dans l’espace). Même si on cherche à structurer des compétences psychomotrices instrumentales, en termes de graphisme, d’organisation spatiale et temporelle, la méthode permet surtout de développer les capacités d’intégration psychomotrice, notamment sur le mode visuo-auditivo-kinesthésique, qui, en théorie, faciliteront les apprentissages, notamment celui de la lecture. Ici, la musique est choisie comme médiation pour stimuler les compétences psychomotrices instrumentales. Pourtant, aucune étude dans la littérature scientifique ne semble avoir démontré clairement les avantages de la méthode OUROS sur la lecture. Elle retiendra toutefois l’attention, dans le sens où l’utilisation de la musique et du rythme met en jeu le développement de la structuration temporelle et des compétences psychomotrices en général (Mucchielli-Bourcier, 2001).

À l’heure actuelle, en France, les pratiques d’éducation psychomotrice semblent peu fréquentes. Peu de publications récentes ont conforté les pratiques de la psychocinétique de Le Boulc’h, celles de Lapierre et Aucouturier ou encore l’utilisation de la méthode OUROS. Les publications les plus récentes sur l’éducation psychomotrice sont celles de Rigal (1996), au Canada, et de De Lièvre et Staes (2012) en Belgique. Rigal (1996) propose une revue de littérature, relativement exhaustive quant aux liens entre les fonctions psychomotrices et les apprentissages scolaires. Les auteurs belges proposent, quant à eux, une série d’exercices psychomoteurs destinés aux enfants dans le cadre de l’école. Les exercices concernent le développement des fonctions psychomotrices instrumentales, qui sont directement mises en lien avec les compétences scolaires (De Lièvre et Staes, 2012).

Ainsi, il paraît important de retenir, en ce qui concerne les pratiques historiques en éducation psychomotrice que :

• la pensée psychomotrice admet que le développement psychomoteur, avec en particulier le domaine spatio-temporel, est un prérequis aux apprentissages scolaires, • l’expérimentation et la manipulation, par une approche corporelle et sensori-motrice,

facilite l’accès au savoir,

• l’intégration multimodale, qui est inhérente à l’activité psychomotrice, influence le traitement de l’information et favoriserait ainsi les capacités d’apprentissage des enfants.