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Chapitre 4 : Vers une rééducation psychomotrice de la

2. Psychomotricité et dyslexie

2.2. Les théories non phonologiques pour expliquer la dyslexie

2.2.3. La dyslexie comme trouble des compétences cognitives

2.2.3.2. La dyslexie comme syndrome dysexécutif

Il serait convenu que les enfants présentant un trouble spécifique de l’accès au langage écrit présentent des difficultés particulières dans le traitement de l’information. Il a donc été exploré l’hypothèse qu’un trouble des fonctions cognitives et exécutives puisse expliquer les difficultés rencontrées par les dyslexiques.

La dyslexie pourrait-elle être due à des troubles des fonctions exécutives ? Plusieurs études ont tenté de faire le rapprochement entre les fonctions cognitives, exécutives et la dyslexie. Ainsi, Brosnan et al. (2002) ont proposé une série de quatre études concernant les fonctions exécutives chez des personnes dyslexiques. La première étude, concernant 9 adultes dyslexiques appariés à 9 adultes contrôles a pu mettre en évidence des différences significatives entre les deux groupes d’adultes pour les épreuves évaluant la mémoire à court terme et de travail phonologiques (épreuves de répétition de chiffres à l’endroit et à l’envers) et pour l’épreuve d’inhibition. Pour les autres épreuves administrées, incluant par exemple une épreuve de fluence verbale, de planification, … aucune différence significative des résultats n’est repérée.

La seconde étude, impliquant la participation de 30 adolescents dyslexiques (moyenne d’âge : 14 ans) appariés à un groupe contrôle, a permis de confirmer l’existence d’un déficit de l’inhibition des distracteurs visuels associés aux troubles dyslexiques (Brosnan et al., 2002). Ce déficit ne serait pas dû à un trouble plus général de nature visuo-spatiale.

Finalement, dans une dernière étude, les auteurs ont voulu évaluer la fluence verbale, le traitement temporel et la mémoire de travail chez 16 enfants dyslexiques appariés à un groupe contrôle d’enfants âgé de 10 ans. A noter que l’épreuve de mémoire de travail (répétition de chiffres à rebours) a été administrée sous deux formes, en condition normale et avec distracteurs (bruit de fond). Les résultats montrent que les enfants dyslexiques ont plus de difficultés dans les épreuves de fluence verbale, de mémoire de chiffres (dans les deux conditions) et de rappel de l’ordre temporel (Brosnan et al., 2002).

En somme, les auteurs expliquent que les dyslexiques présentent des difficultés significatives en mémoire de travail phonologique, dans le maintien de l’attention et la capacité à inhiber des distracteurs ainsi que dans le traitement temporel de l’information. Ils auraient ainsi des difficultés dans le fonctionnement exécutif, plus particulièrement avec les fonctions assurées par le cortex préfrontal gauche.

Smith-Spark, Henry, Messer, Edvardsdottir et Zięcik (2016) ont plus récemment proposé deux études afin de comparer le fonctionnement exécutif d’adultes dyslexiques appariés à un groupe contrôle.

Dans une première étude, les auteurs ont utilisé un questionnaire comportemental qui peut être divisé en 9 échelles (de mémoire de travail, de planification, d’inhibition, de contrôle émotionnel, etc.) donnant lieu à un calcul d’un indice métacognitif et un indice de régulation du comportement. La comparaison des résultats entre le groupe expérimental et le groupe contrôle montre que l’indice métacognitif est significativement inférieur chez les dyslexiques. En effet, trois des échelles de cet indice sont significativement divergente pour le groupe expérimental. Il s’agit des échelles de mémoire de travail, de planification et de contrôle des tâches. Les dyslexiques ont donc des difficultés significatives dans les aspects particulièrement métacognitifs des fonctions exécutives en comparaison avec des normolecteurs. Les auteurs ont par la suite administré, aux mêmes groupes trois épreuves évaluant le fonctionnement exécutif. La première est une épreuve de flexibilité, en trois étapes, dans laquelle les sujets doivent tout d’abord additionner 3 aux chiffres stimuli, puis soustraire, et finalement alterner entre addition et soustraction. L’analyse des résultats montrent que, chez les dyslexiques, le coût cognitif attaché à cette tâche de flexibilité est plus important. La seconde épreuve est une épreuve d’interférence de type go / no go, avec une phase contrôle et une phase conflit. Le matériel utilisé était des images présentées sur un écran d’ordinateur (lapin / ours) et les sujets devaient appuyer sur une touche du clavier en fonction de la consigne. Pour les deux subtests, le temps de réaction et la qualité des réponses sont mesurés. D’après les résultats obtenus, seule la qualité des réponses pour la situation d’interférence est significativement différente entre les dyslexiques et le groupe contrôle. Les auteurs ont également administré deux épreuves de mise à jour. Dans la première, les sujets devaient résoudre des problèmes arithmétiques, tout en mémorisant des lettres (1 problème, 1 lettre, …). Lorsque tous les problèmes étaient résolus, ils devaient pouvoir redire la suite de

lettre, dans l’ordre. La deuxième épreuve, similaire à la première mais sur le mode non verbal, consistait à déterminer la symétrie ou non de formes géométriques. Entre chaque planche, un quadrillage, avec un carré rouge était montré au sujet. A la fin de l’épreuve, les sujets devaient restituer l’ordre d’apparition des carrés rouges. Les résultats globaux de ces deux épreuves montrent que le groupe de dyslexiques est statistiquement moins performant que le groupe contrôle.

Si Brosnan et al. (2002) ont mis en évidence le déficit d’inhibition chez les dyslexiques, ce fait est conforté par l’étude de Proulx et Elmasry (2014) qui ont utilisé une version du test de Stroop afin de mesurer les capacités d’inhibition et d’attention sélective. S’il paraissait évident pour les auteurs que les difficultés d’inhibition existaient chez les enfants dyslexiques, les auteurs ont choisis d’appliquer leur protocole expérimental à une population adulte afin de comprendre si ce trouble persistait à l’âge adulte. L’étude a donc concerné 4 adultes dyslexiques d’une vingtaine d’années, appariés à 15 individus contrôle.

Le test utilisé consistait en la lecture, le plus rapidement possible, d’une série de noms de couleur sur quatre planches de stimuli différentes :

• sur la première planche, composée de rectangles colorés, les sujets devaient simplement nommer les couleurs ;

• sur la seconde planche, les sujets devaient lire le nom des couleurs. Sur cette planche, les noms des couleurs sont écrits de la couleur correspondante (par exemple, rouge est écrit en rouge) ;

• le même principe s’applique à la troisième planche, mais le nom de la couleur et la couleur d’écriture sont différentes (par exemple, rouge est écrit en jaune) ;

• pour la quatrième planche, les noms des couleurs sont écrits en noir, mais positionnés à l’intérieur d’un rectangle de couleur différente de celle correspondante au mot écrit. Par exemple, vert écrit dans un rectangle de fond rouge.

Sur ces quatre subtests, les enfants dyslexiques montrent plus de difficultés que le groupe contrôle. Pour deux d’entre eux, plus précisément, la seconde planche et la quatrième, les résultats sont significativement plus bas.

Demont et Botzung (2003) ont montré des corrélations entre les performances en lecture, la mémoire de travail verbale et la conscience phonologique chez les enfants présentant un trouble spécifique de l’accès au langage écrit. Les auteurs mettent en avant l’hypothèse que chez les dyslexiques, un dysfonctionnement de la mémoire de travail verbale, et plus précisément de la capacité d’encodage phonologique de la boucle articulatoire, perturberait le développement des compétences phonologiques. Indirectement, une inefficience de cette compétence mnésique affecterait les performances en reconnaissance des mots. Finalement, l’inefficacité de la mémoire de travail chez les dyslexiques a pu être mis en évidence par De Clercq-Quaegebeur et al. (2010) lors de la tentative de détermination du profil cognitif des enfants dyslexiques. Les auteurs ont administré la batterie d’intelligence de Wechler (WISC 4) à 60 enfants dyslexiques âgés entre 8 et 16 ans. Le WISC 4 se compose de plusieurs épreuves permettent de calculer 4 indices : l’indice de compréhension verbale, l’indice de raisonnement perceptif, l’indice de mémoire de travail et l’indice de vitesse de traitement. D’après les résultats moyens obtenus, les enfants dyslexiques présentent des indices de compréhension verbale et de raisonnement perceptif dans la moyenne. L’indice de mémoire de travail est, en revanche, particulièrement chuté. Cet indice se situe dans la zone limite, c’est-à-dire proche de la zone de déficience. L’indice de vitesse de traitement est situé à un niveau intermédiaire, dans la moyenne faible.

Les difficultés dans le maintien en mémoire phonologique à court terme et en mémoire de travail, chez les enfants dyslexiques sont également mises en avant à travers l’étude de cas présenté par Walch et Bon (2009) pour illustrer le profil neuropsychologique des enfants dyslexiques. Le bilan proposé a évalué un large éventail de compétences cognitives et exécutives, attestant chez cet enfant, des difficultés importantes dans les épreuves de maintien à court terme de l’information phonologique. Aux trois épreuves mesurant la mémoire de travail, deux résultats pathologiques sont obtenus. Les résultats apparaissent toutefois corrects aux deux épreuves mesurant l’inhibition, même si à une de ces épreuves, le score obtenu situe l’enfant dans la zone moyenne inférieure. Les compétences en attention, planification et en flexibilité semblent préservées. On observe donc bien chez ce jeune dyslexique un fonctionnement exécutif fragile, marqué par une défaillance importante de la mise en mémoire et du traitement de l’information auditivo-verbale.