• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Place de la structuration temporelle dans

4. Compétences temporelles et lien avec la psychomotricité

Les différents mécanismes de la perception du temps ont été explicités. Ces derniers sont mis en œuvre dans différentes activités de la vie quotidienne, ou encore de natures expérimentales, pour évaluer les compétences en traitement temporel.

Dans une revue de littérature faisant état des compétences temporelles chez les enfants hyperactifs, Toplak, Rucklidge, Hetherington, John et Tannock (2003) dégagent 6 types de tâches temporelles différentes, généralement étudiées. Il s’agit de la discrimination des durées, du jugement d’ordre temporel, de la production et reproduction de durée, de l’estimation verbale des durées, de la synchronisation sensorimotrice et des capacités d’anticipation (perception d’une suite de stimuli et prédiction du prochain stimulus).

Si ces différentes tâches ont été mises en avant par des expérimentations, elles peuvent être mises en relation facilement avec des activités de la vie quotidienne, telles que comprendre le déroulé d’une action (ordre temporel), marcher à la même allure qu’une autre personne, ou danser (synchronisation sensorimotrice), jouer de la musique avec un instrument (production de durée, synchronisation).

Selon Coull et Nobre (2008), la structuration temporelle intervient, en fonction des tâches de manière explicite ou implicite. Dans les tâches où le traitement temporel est explicite, le sujet est amené à estimer consciemment une durée pour en donner soit une estimation verbale (tâches de discrimination de durées), soit une réponse motrice adaptée (synchronisation rythmique, production motrice de durée). Dans les activités où l’objectif n’est pas directement une production ou une estimation du temps, il s’agit de tâches temporelles dites implicites. Il s’agit par exemple de la prédiction spatio-temporelle de la trajectoire d’un objet (rattraper une balle) ou de l’arrivée d’un stimulus en lien avec les capacités d’anticipation. Le tempo moteur spontané, donc non imposé par un stimulus extérieur est également inclus dans les tâches temporelles implicites.

4.2. Temps et compétences psychomotrices

Les psychomotriciens sont, d’après leur décret de compétences, les professionnels concernés et habilités à rééduquer les troubles de « l’organisation spatio-temporelle ». En plus d’être liées à la compréhension des rythmes sociaux et anthropologiques qui organisent la vie collective, de participer à la construction de la vie psychique de l’individu, la structuration temporelle, d’un point de vue perceptivo-moteur est fondamentale pour le développement psychomoteur de l’enfant. Elle semble contribuer fondamentalement, à la fois au traitement des informations perçues (perception, analyse, organisation) et à la programmation et à la régulation des comportements (Da Fonseca, 2007 ; Galliano et al. 2011 ; Puyjarinet, 2011). Comme l’explique Da Fonseca (2007), la structuration temporelle est indispensable à tous les apprentissages, car elle permet le « [contrôle et l’organisation, tant au niveau de l’action, que

de la cognition] » (p222).

Temps et motricité apparaissent donc comme solidement intriqués l’un à l’autre. Si d’un point de vue développemental, l’expérience sensorimotrice permet l’appréhension du temps chez le jeune enfant, la motricité, quant à elle ne peut se développer harmonieusement sans organisation temporelle. En effet, la motricité est mise en œuvre à la fois dans un espace donné, mais également dans un temps donné. Comme l’expliquent Galliano et al. (2011) ou Puyjarinet (2011), l’organisation temporelle est impliquée dans l’organisation motrice, qu’il s’agisse des coordinations motrices rythmiques telles que la marche ou l’apprentissage d’une danse ou encore des praxies gestuelles qui nécessitent la mise en œuvre de mouvements coordonnés, séquencés (donc ordonnés) et rythmés dans le temps pour atteindre un objectif. Ainsi, dans l’exemple de l’exécution d’un geste, défini comme un mouvement où une suite de mouvements successifs, sont mis en jeu les mécanismes suivants (Lussier et Flessas, 2009; Sage, Crosnier, Soppelsa, et Galliano, 2011) :

• un traitement sensoriel, qui permet l’analyse de l’environnement, mais également proprioceptif (conscience de son propre corps dans l’espace),

• une représentation mentale de l’action, incluant son but, les connaissances de l’objet à manipuler, mais également la séquence de mouvements à suivre en fonction du but à atteindre,

• le programme moteur, qui découle de la représentation mentale de la séquence de mouvements à exécuter, incluant le paramétrage spatial et temporel de l’action (ordre, durée, vitesse des mouvements),

• l’exécution motrice par les effecteurs (muscles).

Ainsi, il apparaît clairement que l’organisation temporelle intervient à plusieurs niveaux lors de la motricité volontaire, tant dans l’analyse de l’environnement en amont de la programmation, que dans la programmation et la planification du geste en lui-même.

Il est donc parfaitement compréhensible que les enfants dyspraxiques, c’est-à-dire présentant un trouble de l’acquisition des coordinations et de l’apprentissage des gestes intentionnels, présentent, comme le soulignent Lussier et Flessas (2009) des difficultés dans la perception temporelle. De plus, les troubles spécifiques dans l’organisation temporelle des gestes définissent un type de dyspraxie, les dyspraxies non constructives ou gestuelles (idéomotrice et idéatoire) selon Magnat, Xavier, Zammouri, et Cohen (2015).

Les difficultés de perception du temps, considérées comme indissociables de l’activité motrice, se retrouvent dans un panel de pathologies rencontrées par les psychomotriciens. En effet, elles sont rarement retrouvées de manière isolée et sont souvent un symptôme associé à un trouble développemental ou à une pathologie d’ordre psychoaffectif. Pujilet (2015) et Puyjarinet (2011) citent, comme pathologies incluant les troubles de l’organisation temporelle :

• le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, • les difficultés dans le développement moteur,

• les troubles neurodéveloppementaux, comme l’ensemble des troubles spécifiques des apprentissages, tels que la dyslexie, la dyspraxie, la dysgraphie, ou encore les troubles du spectre autistique,

• les troubles psychiatriques et psychoaffectifs, comme la schizophrénie, la bipolarité ou les états dépressifs,

• les pathologies liées au vieillissement telles que les démences, la maladie de Parkinson.

4.3. Faciliter l’intégration de la notion de temps en psychomotricité

Pour pratiquer ces rééducations, plusieurs outils et instruments sont à la disposition des psychomotriciens. Puyjarinet (2011) propose tout d’abord la relaxation thérapeutique ou des entrainements spécifiques à la notion de temps (exercices d’estimation, de production ou de jugement de durées, …). Pour travailler autour de l’organisation du temps sur des tâches à court-terme, l’auteur recommande l’utilisation de minuteurs ou de sabliers. La mise en place d’emplois du temps, d’agendas, le travail autour du calendrier servent à organiser le temps sur des durées plus longues.

Le travail sur la perception du temps peut aussi se faire à l’aide d’activités qui nécessitent une précision temporelle comme le souligne Puyjarinet (2011). Le travail avec un métronome est conseillé, mais d’une manière plus générale, le travail autour du rythme et de la musique, par exemple avec des instruments à percussion serait la médiation à privilégier (Pujilet, 2015; Puyjarinet, 2011).

4.4. Evaluation psychomotrice de la structuration temporelle

Lors de l’examen psychomoteur, l’évaluation de la structuration temporelle passe traditionnellement par les épreuves de rythme, notamment celles de Stambak (Pireyre, 2000) et de Guilmain, puis de Soubiran (Vaivre-Douret, 2006a).

Stambak (1951) a développé une batterie d’épreuves rythmiques composée de trois items. L’épreuve de tempo spontané où l’enfant est invité à frapper 21 coups avec un crayon sur la table. La durée des frappes est chronométrée, tout comme la qualité de la régularité. La deuxième épreuve consiste en une reproduction de structures rythmiques, composées de 3 à 8 frappes, avec des intervalles courts ou longs entre les coups (par exemple, « o o o »). Cette épreuve se déroule en utilisant exclusivement la modalité auditive, l’enfant ne voit pas l’examinateur frapper les structures rythmiques. La troisième épreuve, celle de lecture de structures rythmiques, consiste à présenter à l’enfant l’écriture symbolique des structures rythmiques qu’il a frappées lors du test précédent, afin de déterminer s’il comprend la représentation graphique du rythme. L’enfant doit se servir de la représentation symbolique des structures rythmiques pour les frapper. Cette épreuve datant des années 1950 a été réétalonnée en 2000 du fait de son intérêt particulier pour les psychomotriciens (Pireyre,

2000). En 2006, Vaivre-Douret inclut dans une épreuve de tempo spontané dans les subtests de la batterie d’évaluation des fonctions neuropsychomotrices (NP MOT) évaluant le rythme (Vaivre-Douret, 2006b).

Hormis l’épreuve de Stambak, la structuration temporelle peut être évaluée à l’aide de l’épreuve d’adaptation aux rythmes de Guilmain et Soubiran (Vaivre-Douret, 2006a). Il s’agit d’une épreuve sensori-motrice de synchronisation de frappes des mains (rythme frappé) et de marche (rythme marché) à un métronome. La synchronisation à trois cadences est évaluée (lent, moyen, rapide). Cette épreuve est réétalonnée en 2006 par Vaivre Douret dans la NPMOT. Les cadences évaluées sont 90, 60 et 120. L’examinateur doit chronométrer les temps de synchronisation pour les frappes et la marche de chaque cadence.

Plus récemment, Vaivre Douret (2006b) propose en plus dans la batterie NPMOT une épreuve d’adaptation au rythme auditivo-visuo-kinesthésique. Il s’agit de faire reproduire à l’enfant une séquence de gestes (frapper des mains sur les cuisses et / ou taper des pieds sur le sol).

Ainsi, l’évaluation de la structuration temporelle passe, en psychomotricité, par les épreuves de rythme. Cependant, des questionnaires, dont la plupart sont qualitatifs, portant sur l’acquisition des notions temporelles existent et sont également utilisés afin d’évaluer la connaissance et la compréhension du temps. Récemment, Quartier (2009) a élaboré un questionnaire temporel pour l’enfant, étalonné de 6 à 13 ans. Il s’agit d’un questionnaire évaluant plusieurs dimensions temporelles :

• l’orientation dans le temps (par exemple, situer le jour, l’année, le mois actuel) • les séquences dans le temps (ordonner les jours, les saisons, …),

• l’estimation des durées,

• l’anticipation (référence à son passé et projection dans l’avenir).

Ainsi, la clinique psychomotrice se base essentiellement sur les épreuves de rythme pour évaluer la structuration temporelle et l’intégration de la notion de temps chez l’enfant. Mais comme l’indique Puyjarinet (2011), l’évaluation psychomotrice de la structuration temporelle manque de rigueur et doit prendre en compte l’ensemble des dimensions temporelles en

s’intéressant également aux jugements et à la production de durée, et aux jugements d’ordre temporel afin de pratiquer une évaluation complète de la notion de temps.

La structuration temporelle est une capacité importante en psychomotricité, et les psychomotriciens sont les spécialistes de sa rééducation. Si elle doit être stimulée chez un grand nombre d’enfants présentant des troubles psychomoteurs, les difficultés temporelles sont également présentes chez des enfants aux troubles neurodéveloppementaux, comme les troubles spécifiques des apprentissages. Le développement de la structuration temporelle pourrait alors servir également à l’éducation et la rééducation de l’accès au langage écrit. Les liens entre le temps et le langage vont maintenant être étudiés. Le langage oral, puis l’accès au langage écrit chez l’apprenti-lecteur seront abordés.

5. Structuration temporelle et activités langagières