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Chapitre 1 : La lecture

4. Faciliter l’apprentissage de la lecture

4.2. Les entraînements « classiques »

Au vu des résultats des travaux cités précédemment, et en cohérence avec le programme officiel de l’école maternelle, une place importante est donnée au développement des compétences phonologiques et à l’apprentissage du principe alphabétique afin d’obtenir des bénéfices sur la compréhension et l’utilisation de la médiation phonologique. C’est pour cela que des entraînements spécifiques portant sur la métaphonologie, la connaissance de l’alphabet et du principe alphabétique ont été développés.

Les entraînements visant le développement de la conscience phonologique permettent ainsi de faciliter l’apprentissage de la lecture (Ecalle et Magnan, 2002 ; Sprenger-Charolles et Colé, 2013 ; Zorman, 1999). A titre d’exemple, Zorman (1999) a testé l’efficacité d’un entraînement à la conscience phonologique sur les enfants en grande section de maternelle. Sur l’ensemble des élèves évalués en pré-test (tests de conscience phonologique, mais également en mémoire à court terme phonologique, répétition de non-mots, vocabulaire et connaissance du nom des lettres), un groupe d’enfants a reçu un entraînement oral qui visait à développer la capacité d’analyse explicite de la parole. Les résultats post-test montrent que les capacités en conscience phonologique du groupe expérimental ont davantage évoluées que celles du groupe contrôle. Ces progrès sont plus notables dans les épreuves de suppressions syllabiques et phonémiques. Il devient donc possible de développer les compétences phonologiques en amont de l’enseignement formel de la lecture, et par conséquent de rendre cet apprentissage plus accessible. L’auteur préconise même la mise en place de ce genre d’entraînement durant l’apprentissage de la lecture, en classe de CP.

Il a également été mis en évidence au début de ce travail que les connaissances autour des lettres de l’alphabet étaient fondamentales pour l’apprentissage de la lecture et pouvaient constituer un précurseur de la conscience phonémique (Hillarait de Boisferon et al., 2010).

L’étude de Biot-Chevrier et al., (2008) vient conforter cette hypothèse. Dans cette étude, 74 enfants de moyenne section de maternelle ont été divisés en deux groupes en fonction de leurs résultats à une épreuve de nomination et d’écriture de lettres cibles (L, P, S, T) : groupe « connaisseurs » et groupe « non connaisseurs ». À la fin du pré-test, les auteurs ont proposé aux enfants une épreuve de discrimination de phonèmes initiaux. Les items proposés commençaient par une des quatre lettres cibles précédemment utilisées. Les deux groupes ont échoué. Les auteurs ont alors proposé au groupe « connaisseurs » un renforcement à la reconnaissance et à l’écriture des lettres cibles. Le post-test a alors mis en évidence que tous les enfants de ce groupe avaient acquis la capacité à dénommer et à écrire ces lettres. A posteriori, les deux groupes sont soumis à une épreuve d’écriture de pseudo-mots, et deux épreuves de conscience phonologique (identification d’une syllabe commune entre deux mots [tâche épiphonologique] et extraction d’une syllabe ou d’un phonème commun à deux mots [tâches métaphonologiques]). En ce qui concerne l’épreuve de production de pseudo-mots, le groupe « connaisseurs » ont de meilleurs résultats. Les deux groupes ne se distinguent pas significativement pour l’épreuve épiphonologique. Toutefois, ils se distinguent par leurs résultats à l’épreuve métasyllabique.

Selon l’interprétation des résultats obtenus, Biot-Chevrier et al. (2008) expliquent tout d’abord que la connaissance du nom des lettres permet d’amorcer l’apprentissage orthographique, le groupe « connaisseur » ayant obtenu des résultats significativement supérieurs à ceux du groupe « non connaisseur » à l’écriture des pseudo-mots. Les enfants du groupe expérimental auraient donc compris, grâce à l’entraînement proposé, que les lettres sont la base du lien entre le langage oral et du langage écrit. De plus, leurs compétences en conscience phonologique seraient également plus développées, au vu de la différence significative obtenue à l’épreuve d’extraction de la syllabe cible (épreuve de nature métasyllabique). Ainsi, l’apprentissage de l’alphabet, incluant la reconnaissance, la dénomination et l’écriture des lettres, semble bien favoriser l’accès au langage écrit.

Gentaz et al. (2013) ont proposé d’évaluer les effets d’un entraînement à la lecture chez des enfants scolarisés en CP. Cette étude a été menée à grande échelle, incluant la participation de plus d’une cinquantaine d‘écoles soit 2398 élèves divisés en un groupe contrôle et un groupe témoin. Il s’agissait de faire pratiquer, par les enseignants volontaires des classes, un programme d’entraînement spécifique et systématique centré sur le développement des capacités de décodage et de compréhension. En termes de procédure, il a fallu tout d’abord former les participants c’est-à-dire les enseignants volontaires à l’entraînement proposé. Des

évaluations pré-test ont été mises en place et ont permis de tester les compétences associées à la lecture, l’évaluation de la compréhension orale et lexicale et les capacités de pré-lecture de mots réguliers ou de pseudo-mots. L’entraînement portait sur les habiletés phonologiques, de décodage, de compréhension et de fluence en lecture. Des bilans post-intervention, ont été réalisés. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, les résultats obtenus lors des évaluations finales n’indiquent pas d’amélioration significative des enfants du groupe expérimental comparativement aux performances des enfants du groupe contrôle. Pourtant l’entraînement était basé sur des connaissances empiriques concernant l’accès au langage écrit et ses compétences sous-jacentes.

Certaines limites de cette étude de grande ampleur peuvent expliquer les résultats. Tout d’abord les enseignants qui devaient pratiquer les entraînements non pas disposés de suffisamment de temps pour être formés et préparés à l’entraînement, ou encore être accompagnés durant celui-ci, et cela du fait des contraintes temporelles du projet. Finalement, seules des classes de CP ont été concernées, là aussi du fait des contraintes temporelles, alors qu’il aurait été intéressant de pouvoir initier ses entraînements dès la maternelle (Gentaz et al., 2013).

Même si cette étude ne vient pas confirmer les bénéfices des entraînements pour faciliter l’apprentissage de la lecture, il est tout de même possible grâce à elle, de mettre en avant des aspects méthodologiques importants. La mise en œuvre d’entraînement serait plus pertinente dès l’école maternelle, soit en amont de l’apprentissage explicite de la lecture, et également de façon longitudinale. De plus il est important que les intervenants qui pratiquent ces entraînements soient formés à l’utilisation du matériel.

Si la conscience phonologique et les renforcements autour de la connaissance des lettres peuvent faire l’objet d’interventions distinctes pour les élèves, il semblerait toutefois que les entraînements combinant le développement de la conscience phonologique, la connaissance des lettres et les associations graphèmes-phonèmes soient encore plus efficaces, comme le souligne (Bara, Gentaz, et Colé, 2004).