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La pratique régionale en faveur de l’interdiction des armes nucléaires

Section I : Les règles régissant l’interdiction des armes de destruction massive

Paragraphe 1 : Le développement des règles relatives à l’interdiction des armes nucléaires

B. L’existence d’une coutume régionale interdisant les armes nucléaires

1. La pratique régionale en faveur de l’interdiction des armes nucléaires

Quatre éléments sont retenus ici pour démontrer l’existence d’une pratique régionale en faveur de l’interdiction complète des armes nucléaires, laquelle est de nature à contribuer à l’enrichissement ou au renforcement de la pratique générale en la matière : l’adoption d’instruments régionaux sur l’interdiction des armes nucléaires, l’état de la participation des États membres de l’UA aux traités visant à aboutir au désarmement nucléaire, l’adoption des mesures nationales en faveur de l’interdiction des armes nucléaires, et le respect par les États membres de l’UA des interdictions énoncées dans les traités relatifs aux armes nucléaires.

En ce qui concerne d’abord l’adoption d’instruments juridiques régionaux relatifs aux armes nucléaires, il existe dans l’ordre juridique de l’UA plusieurs instruments régionaux ayant pour objet de faire de l’Afrique une zone exempte d’armes nucléaires. Parmi ces instruments, figurent à titre principal la Déclaration sur la dénucléarisation

de l’Afrique, le Traité de Pelindaba et ses trois Protocoles additionnels, ainsi que la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique327 (Convention sur l’interdiction d’importer en Afrique les

déchets dangereux). Ces instruments interdisent spécifiquement l’acquisition, la mise au point, le développement, la

possession, le déploiement et la mise à l’essai, l’exportation, l’emploi et la menace d’employer les armes nucléaires. Ils constituent de ce fait une importante pratique en faveur de l’interdiction complète des armes nucléaires en Afrique.

Ensuite, s’agissant de l’état de la participation des États membres de l’UA aux principaux traités régionaux et universels relatifs à l’interdiction des armes nucléaires, ces traités ont été signés et ratifiés par la grande majorité des États africains. En ce qui concerne, d’une part, les traités régionaux mentionnés ci-dessus, le Traité de

Pelindaba qui constitue le principal régime juridique de l’interdiction des armes nucléaires en Afrique a été ratifié par

42 États membres de l’UA328. Parmi les 13 États qui ne l’ont pas encore ratifié, 12 l’ont signé329, ce qui signifie qu’ils

doivent s’abstenir de poser des actes contraires au but et à l’objet de ce Traité330. La Convention sur l’interdiction

d’importer en Afrique les déchets dangereux a quant à elle été signée par 35 États africains et ratifiée par 28 d’entre

eux331. En ce qui concerne les principaux traités universels suivants : le Traité sur la non-prolifération des armes

nucléaires, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et le Traité sur les armes nucléaires, les deux

327 Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements

transfrontaliers et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique, 30 janvier 1991 (entrée en vigueur : 22 avril 1998), en

ligne : <http://www.peaceau.org/uploads/convention-de-bamako-fr.pdf>.

328 Pour une liste de ces États, voir le tableau en annexe de cette thèse sur l’état de participation des États membres de l’UA aux

traités en lien avec le droit humanitaire. Voir aussi UA, « Liste des pays qui ont signé, ratifié/adheré le Traite de Pelindaba », supra note 295.

329 Ibid.

330 Cette exigence est posée par l’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 RTNU 331 (entrée

en vigueur : 27 janvier 1980) [Convention de Vienne sur le droit des traités].

331 Pour des détails, voir UA, « Liste des pays qui ont signé, ratifié/adheré Convention sur l’interdiction d’importer en Afrique les

déchets dangereux », en ligne : <au.int/sites/default/files/treaties/7774-sl-

bamako_convention_on_the_ban_of_the_import_into_africa_and_the_control_of_transboundary_movement_and_management_of_ha zardous_wastes_within_africa.pdf>.

premiers qui, il convient de le préciser sont déjà en vigueur, ont été ratifiés par la quasi-totalité des États membres de l’UA332. Le Traité sur les armes nucléaires qui est le plus récent de ces traités n’est pas en vigueur. Il a

néanmoins déjà été signé par 25 États africains qui représentent plus du tiers du nombre total des signatures enregistrées, même s’il n’a pour l’instant été ratifié que par six d’entre eux333.

En outre, de nombreux États membres de l’UA ont adopté des législations nationales spécifiques sur l’interdiction des armes nucléaires334. Parmi ces États, un retient particulièrement l’attention, notamment l’Afrique du

Sud, en raison du fait qu’il est le seul État qui par le passé a entrepris de développer un programme d’armes nucléaires. Il peut de ce fait être considéré comme étant le principal État particulièrement intéressé par la question de l’interdiction des armes nucléaires en Afrique. D’où l’intérêt de s’intéresser particulièrement à sa pratique nationale. À cet égard, il y a lieu de souligner que l’Afrique du Sud a adopté de nombreuses législations nationales sur l’interdiction complète des armes nucléaires335. Il a par ailleurs créé et mis en place le South African Council for

the Non-Proliferation of Weapons of Mass Destruction qui est chargé de veiller à la non-prolifération des ADM,

parmi lesquelles les armes nucléaires336. En outre, en 2007, les juridictions nationales sud-africaines ont poursuivi

et condamné un ingénieur allemand établi en Afrique du Sud pour sa participation à un marché illicite mondial de technologies des armes nucléaires337. Ces poursuites avaient été saluées par l’ambassadeur de l’Afrique du Sud

auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique qui souligna que de telles poursuites sont essentielles pour l’éradication du commerce illicite des technologies nucléaires338.

Enfin, comme relevé plus haut, les États africains ne fabriquent ni ne possèdent des armes nucléaires. Aucun d’entre eux ne paraît non plus afficher l’intention d’utiliser ces armes.

Les quatre éléments mentionnés ci-dessus illustrent l’existence en Afrique d’une pratique constante et uniforme en faveur de l’interdiction complète des armes nucléaires. Cette pratique est confortée par l’existence, au niveau régional africain, d’une véritable reconnaissance qu’une règle juridique est en jeu.

332 En ce qui concerne Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le Soudan du Sud est le seul État membre de l’UA qui n’y

est pas encore partie. Quant au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il a été signé par 53 États membres et ratifié par 50 d’entre eux. Encore une fois, seul le Soudan du Sud ne l’a pas encore signé. Pour des détails sur l’état de participation à ce Traité, consulter l’adresse suivante en ligne : <disarmament.un.org/treaties/t/npt>.

333 Pour des détails sur l’état de participation à ce Traité, voir l’adresse suivante en ligne :

<treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVI-9&chapter=26&clang=_fr>.

334 C’est notamment le cas de l’Algérie, du Botswana, du Burundi, du Cameroun, de l’Égypte, du Gabon, du Ghana, de la Namibie, du

Nigéria et du Tchad. Pour des détails à cet égard, consulter la base de données en ligne du CICR sur le DIH coutumier, en particulier l’onglet dédié à la pratique des États en lien avec l’interdiction des armes nucléaires, en ligne : <ihl-databases.icrc.org/customary- ihl/eng/docs/v2_rul_nuwea>.

335 Pour une revue de ces législations nationales, consulter la base de données en ligne du CICR sur le DIH coutumier en particulier

l’onglet dédié à la pratique des États en lien avec l’interdiction des armes nucléaires, en ligne : <ihl-databases.icrc.org/customary- ihl/eng/docs/v2_rul_nuwea>.

336 Cet organe a été créé en vertu du Non-Proliferation of Weapons of Mass Destruction Act n° 87, 1993, en ligne :

<www.thedti.gov.za/nonproliferation/legislation.htm>.

337 Voir à cet effet The State c Daniel Geiges and Gerhard Wisser, [2006] n° CC332/2005 (South Africa Transvaal Provincial Division),

en ligne : <www.isis-online.org/peddlingperil/southafrica>.

338 Voir à cet effet South African Government, communiqué, « A Minty welcomes conviction of G Wisser » (5 septembre 2007), en