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Une pratique différemment investie

CHAPITRE 6 : QUELQUES ELEMENTS SUR LES BOXEURS ET LEUR ENGAGEMENT DANS LA BOXE

6.2 Les jeunes de la boxe éducative

6.2.3 Une pratique différemment investie

Le niveau et l’investissement compétitif de la salle, la réussite compétitive des aînés jouent un rôle très important dans l’engagement des jeunes boxeurs.

La motivation pour la pratique compétitive est très forte dans le Club n°6. On s’entraîne trois fois par semaine dans le sérieux et la rigueur. Les objectifs compétitifs sont de l’ordre du long terme. La plupart des jeunes veulent continuer à boxer en amateur mais ils envisagent déjà ce moment comme un simple passage, un statut de transition car tous projètent déjà de devenir professionnels.

« La boxe amateur … faire des combats pour se former, prendre de la technique … c’est comme un entraînement, une étape à passer avant d’être professionnel » (Club n°6, 15 ans)

L’exemple des aînés semble également jouer un rôle important. Au Club n°6 l’exemple d’un jeune espoir (16 ans) remarqué par les promoteurs qui s’affiche déjà comme le futur prodige de la boxe en France (surtout gitane) est un modèle de réussite pour les jeunes débutants (il y a encore deux ans, il s’entraînait avec eux). Ce modèle de réussite est d’autant plus fort qu’il a déjà fait une affiche au Palais des Sports devant 15000 spectateurs et en direct sur Canal +. Cette motivation pour une pratique pugilistique compétitive est différemment accentuée en fonction de l’âge et de la performance au Club n°4, Club n°3 et dans le Club n°5. Les plus jeunes n’envisagent pas encore ou rarement de devenir professionnels. Ils ont un entraînement par semaine et vivent leur pratique comme une pratique sportive compétitive. Ils ont des échéances à court terme, parlent beaucoup de leur compétition mais ne se projettent pas dans un avenir professionnel comme ce peut être le cas au club n°6. Cependant, chez les plus âgés et surtout les plus performants la motivation à passer amateur rapidement (pour pouvoir donner des coups) et, un jour, à devenir professionnel ressort clairement. « L’an dernier j’ai fait champion des Hauts de Seine. J’ai boxé pour l’île de France j’ai perdu. Donc là je continue à boxer encore et là

peut être que l’année prochaine je serais champion de France. Après j’aimerais bien être professionnel … »

(Club n°3, 14 ans)

On a même le cas d’un boxeur qui prématurément est passé amateur « il portait trop ses coups, dans les combats, il était souvent sanctionné … le laisser en éducative, c’était le frustré ». (Entraîneur de club) Les objectifs de ce jeune boxeur sont d’ores et déjà très clairs. « si je peux passer pro à 18 ou 20

ans, ce serait bien… c’est un monde plus spectaculaire, plus technique plus beau. » (Club n°4, 15 ans). D’ailleurs il s’entraîne sur les créneaux de la boxe adulte, c’est-à-dire amateurs et professionnels mélangés.

Là encore chez ces jeunes, la référence au plus âgé, à celui qui commence à être regardé par les « grands » et suivi de plus près par l’entraîneur est importante :

« Moi ce qui me gène, j’aimerais m’entraîner beaucoup plus, deux ou trois fois comme dans certains clubs … j’aimerais bien faire comme Milane, il est champion d’île de France » (Club n°3, 14 ans).

« Moi après l’école je veux m’entraîner à fond et faire professionnel. A la télé, j’aime bien les voir combattre. J’aimerais bien être à leur place. » (Club n°4, 13 ans)

A l’inverse au Club n°1, les jeunes ne s’intéressent absolument pas à la boxe en dehors du cours d’EPS. Rares sont ceux d’ailleurs qui vont à la boxe en dehors. A priori, quelques enfants auraient tenté de venir à la boxe en club suite aux cours d’EPS mais ils « n’accrochent » pas du tout avec l’entraîneur de Club n°1. Selon leur professeur d’EPS :

« c’est un vieil entraîneur qui ne cherche absolument pas à comprendre les jeunes. » (professeur d’EPS)

A Aubervilliers, la boxe éducative réalisée dans le cadre de l’association sportive scolaire séduit les enfants. L’activité est très appréciée. Le cadre de la salle est très particulier car c’est une salle de boxe où les murs ne sont pas décorés par des affiches de boxe mais par des tags sur le thème de la boxe. La salle de boxe est effectivement orientée vers une culture rap. Les jeunes interrogés sont très motivés par la compétition. L’échéance de la prochaine compétition revient dans quasiment tous les discours. « les garçons, ils attendent tous avec impatience

la compétition à Rungis. Ils sont motivés. Il y a que les compétitions qui comptent pour eux » (fille, 14 ans, Club

n°2)

On pourrait donc croire que cette situation entraîne un recrutement important pour le club de boxe. En réalité le bilan semble faible. Tous les boxeurs interrogés sont pourtant allés à la salle le soir mais peu semblent avoir été séduits. Pour beaucoup la salle de boxe semble trop anonyme.

« oui, j’ai été voir le soir à la salle, mais au club on est trop… y’a tellement de monde qu’il remarque pas…. quoi je m’incrustais… Dès fois on s’entraîne sans voir l’entraîneur, tellement on est trop et en plus il y a plein de monde des 40 des 50 ans. On s’occupe pas de nous. Tu fais ce que tu veux. » (Club n°2 AS, 14 ans)

Il est sûr que les contextes sont différents. La pratique d’A.S. est une pratique davantage orientée loisir, même s’il y a des échéances compétitives. De plus, l’enseignant d’EPS

concerné ici met derrière la pratique sportive des objectifs sociaux, d’intégration, d’apprentissage des règles, etc. Il est très attentif à ses jeunes boxeurs. L’activité est beaucoup plus personnalisée, encadrée et sociale et le travail moins intensif. Dans la salle de boxe, comme nous l’avons dit plus haut, c’est un « bordel organisé » où rigueur, discipline et autonomie se côtoient. Les enfants sont donc davantage livrés à eux-mêmes. Les fonctionnements sont très différents et les enfants semblent y perdre leurs repères. Ils ne retrouvent pas l’ambiance sécurisante et personnalisée de l’Association Sportive Scolaire. Les efforts « immédiats » demandés aux jeunes sont sans doute trop importants. Les rites d’intégration sont très difficiles comme nous l’avons vu dans les salles : soit on accepte, soit on ne revient pas à la salle. Les boxeurs qui acceptent ces contraintes ont souvent des motivations personnelles : « réduire leur agressivité », « trouver une activité pour ne plus « zoner » et faire des conneries par inactivité ».