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Un monde perçu dangereu

CHAPITRE 7 : PERCEPTION DES MONDES AMATEUR ET PROFESSIONNEL

7.2. Particularités du monde professionnel par les amateurs et les professionnels

7.2.4 Un monde perçu dangereu

7.2.4.1 Un monde dangereux pour les boxeurs en termes de carrière sportive

Nombre de boxeurs insistent sur l’idée de gérer avec prudence une carrière. Il faut savoir prendre le temps de choisir progressivement des adversaires de plus en plus difficiles, de ne pas accepter trop tôt des combats importants, de ne pas succomber aux bourses alléchantes de combats trop difficiles.

« L’an dernier, on nous a proposé un championnat d’Europe. On a dit non parce que je n’étais pas prêt. On n'est pas pressé. A. dit qu’il faut se donner le temps et qu’on sera champion. Une opportunité comme celle-ci on la prend quand on a peu de chance mais quand on est fort il faut savoir être patient. » (Pro bon niveau, 27 ans) Il y a donc un réel risque en termes de carrière car, en professionnel, la défaite entraîne la rétrogradation dans le classement officiel. Il faut donc à nouveau attendre et gravir les

différents échelons du classement pour pouvoir être challenger d’un titre. Mais le plus dangereux pour le boxeur est surtout d’accumuler trop de défaites et donc de progressivement s’anéantir toute chance de devenir un jour challenger. Sur ce point, les boxes amateur et professionnelle se différencient fortement.

« En professionnel le problème, c’est une fois qu’on se casse la gueule c’est fini. Alors qu’en amateur que l’on soit champion du monde ou pas, on choisit pas. On prend les combats comme ça vient, on ne calcule pas les combats. A part quand tu rencontres les pointures. » (Amateur INSEP, 24 ans)

7.2.4.2 Un monde dangereux pour les boxeurs en termes de santé

Au-delà de se mettre en danger en termes de carrière, les boxeurs se sentent également dans une situation de danger en termes de santé. Le corps est moins protégé et la répétition des coups peut alors être traumatique en terme de santé. Beaucoup disent qu’il faut alors savoir s’arrêter au bon moment.

« OK mais bon il faut voir ce que ça te coûte ta passion. La passion c’est une chose et les coups que tu prends dans la gueule, c’est une autre chose (…) Le mec, il néglige sa famille, son travail. Les mecs dans un petit club, ils ont 4 professionnels donc ils vont pas leur dire la vérité. Le problème c’est que le mec, il finit à 30 ans, il a des coups plein la gueule et il est balayeur à la mairie de la ville. Bon quand tu as 19 ans, c’est bien d’avoir un petit boulot où on te laisse t’entraîner mais quand tu en as 30 c’est plus pareil. Ce qui me dérange, c’est que tu prends des coups pour rien. » (Ancien pro, 32 ans).

Cette recherche de l’opportunité en termes de ressources financières exceptionnelles (les bourses proposées peuvent être parfois importantes quand les boxeurs à rencontrer sont réputés être des tueurs) comme en termes de carrière (proposition d’un match pour un titre sachant que si on vous le propose, c’est qu’on vous a jugé peu dangereux) est en réalité un véritable piège qui peut avoir des conséquences sur la santé des boxeurs. Certains en sont conscients et insistent sur les dangers de la pratique de la boxe. Ils parlent alors de suivi médical.

« Notre entraîneur pense à notre santé, si on prend trop de coups, il nous arrête. Il pense plus à l’être humain qu’au boxeur. » (Amateur moyen club, 23 ans)

« Dans le monde amateur, le suivi de la santé est devenu rigoureux, volonté ministérielle. Quand les boxeurs passent pro, ils se rendent compte de la différence. Souvent les clubs n’ont pas assez d’argent pour mettre en place ce suivi. Pas évident d’avoir tout le staff de l’INSEP. » (Ancien amateur club, 25 ans)

7.2.4.3 Un monde dangereux pour les boxeurs en termes de finance.

Au-delà d’un risque pour l’intégrité physique du boxeur, c’est également le problème d’un monde où très peu de boxeurs gagnent leur vie, voire même perdent de l’argent.

« Au niveau financier je perds plus d’argent avec les heures que je consacre à la boxe que j’en gagne (…) La boxe c’est un métier dur qui demande beaucoup de sacrifices. » (Pro moyen niveau, 30 ans).

« Moi les deux premières saisons en professionnel … je gagnais mieux ma vie à la fin chez les amateurs que chez les pros. Je gagnais peut-être pareil mais par rapport aux autres pros je gagnais mieux ma vie. » (Pro ex INSEP,

29 ans)

Une réalité qui semble si prégnante que certains vont jusqu’à avancer que le mirage de l’argent facile est compris par tous mais cependant tous tentent leur chance.

« Je ne suis pas sûr que les boxeurs sont tous intéressés de passer pro car il n’y a plus le mirage de l’argent, à part 5 boxeurs qui vivent de leur activité en France, les autres ont tous un métier à côté. » (Ancien pro, 40 ans). « Si je fais une bonne carrière amateur ça me fera de beaux souvenirs, je veux pas vraiment faire carrière à côté car je travaille à côté et je sais que ça ne va pas me payer ma retraite ! » (Amateur moyen club, 23 ans). Par ailleurs, il apparaît de plus en plus difficile de trouver des combats. Ceci réduit considérablement les ressources financières possibles des boxeurs et les oblige à des dépenses plus importantes pour construire leur carrière (se déplacer en province pour faire un combat). « Passer pro, c’est long, car il y a une grosse pénurie de combats organisés, pour boxer il faut aller en province et encore.. » (Ancien pro, 40 ans).

Dans cette perspective, on parle beaucoup aujourd’hui « de chair à canon » venu des Pays de l’Est, d’Afrique ou d’Amérique du Sud pour permettre d’organiser des combats.

Le danger est aussi de se retrouver dans une situation où l’on devient obligé de boxer pour vivre et face à cette pénurie de combats, choisir parfois des combats difficiles. Cette situation peut alors engendrer des problèmes de santé pour les boxeurs comme nous l’avons vu précédemment. Au-delà, cette situation touche alors les problèmes de reconversion des boxeurs.

« Moi j’insiste sur ça parce que si j’avais pas pensé à ma reconversion, je boxerais encore aujourd’hui pour vivre. Et beaucoup de boxeurs aujourd’hui qui savent qui deviendront jamais champion du monde, qu’auront jamais de carrière, mais qui boxent parce qu’ils ont besoin d’argent. J’ai un boxeur pro ici, il me dit, je suis prêt à boxer pour 4000 francs. Et encore lui il travaille. Je suis prêt à boxer pour 4000 francs pour que ça me rembourse ma licence qui vaut 3000 balles. Waouh ! je flippe, je me dis merde, tu vois c’est dangereux. »

(Ancien pro ex INSEP, 30 ans)

Un autre danger financier également souvent évoqué par les boxeurs est celui de la faillite personnelle. Il semblerait que la situation n’est finalement pas aussi exceptionnelle que cela. « Ouais, mais t’as des exemples, Stéphane Acone, et plein d’autres. Alors, les mecs, ils sont revenus, ils ont été champions d’Europe, champions du Monde. Ils ont plus une tune aujourd’hui. Plus une tune aujourd’hui les mecs, ils sont obligés de reboxer dans les soirées de Porte de Versailles, Bercy. Tu te dis ces mecs là, il a boxé pendant 20 ans, aujourd’hui il a arrêté la boxe pendant 2-3ans ou 4 ans et il revient 4 ans après, boum, Stéphane Acone, tu te dis qu’est-ce qu’il fait là lui ? Avec tout ce qu’il a fait comme championnats d’Europe, il a fait un championnat du monde, c’est un boxeur médiatisé, il a plus une tune, alors le problème il est là. Les boxeurs pros, il y a pas de conseil fiscal, ils savent pas que quand ils gagnent une bourse, il faut qu’ils la déclarent aux impôts, ils savent pas comment, on les a jamais orientés pour savoir comment ils doivent déclarer,

heu quels sont les droits qu’ils ont, juridiquement, machin et tout. Ils savent pas tout ça. Le boxeur pro qu’arrive, un Stéphane Acone qu’arrive, qui gagne 500 000 balles en championnat d’Europe. Waouh, il a gagné 500 000 balles, lui pour la vérité il a gagné moins de la moitié. Parce que alors, c’est le genre de mec, Benichou ça lui est arrivé, Fabrice Tiozzo ça lui est arrivé, Christophe Tiozzo ça lui est arrivé, moi en amateur ça m’est arrivé. » (Ancien pro ex INSEP, 30 ans)

7.2.4.4 Un monde dangereux pour les boxeurs en termes de reconversion

Un problème aussi largement décrit est celui de la reconversion. La boxe professionnelle demande beaucoup d’investissement en termes de temps et nous l’avons vu, d’argent pour arriver au haut niveau. Beaucoup sont alors tentés de sacrifier leurs études, voire leur travail. Centrés sur la boxe, ils en oublient leur reconversion, leur après-boxe.

Un ancien boxeur ira jusqu’à recommander un passage rapide vers le professionnalisme de manière à éviter aux boxeurs de trop perdre de temps et d’être ainsi confrontés rapidement à la réalité des difficultés de cette boxe professionnelle.

« En gros la plupart des boxeurs, quand ils arrivent, ils voient la grande réussite. Ils négligent les études car ils pensent qu’ils vont devenir des grands champions. Donc c’est ça le problème. Le boxeur en gros, il a cet état d’esprit, enfin une grande partie. Déjà le môme qui vient à la boxe c’est pour réussir.

Moi mon idée de la boxe, c’est plus tôt on passe professionnel, mieux c’est. Pourquoi ? Plus tôt le gars, il se rend compte de la réalité de la boxe et plus tôt, il limite le temps perdu. Plus tôt il rentre dans le monde de la boxe, ce que c’est réellement les bourses, plus il économise de temps pour son existence. Parce qu’à quelques exceptions, il n’y en a pas beaucoup qui ont réussi (…) Il y en a si tu les résonnais pas, ils laisseraient tomber les études. Le problème, c’est qu’en attendant, on néglige parce qu’on pense que ça va nous apporter, et tout ça, ça peut aller jusqu’à 10 ans de son existence avant qu’on s’aperçoive qu’on s’est planté. » (Ancien pro, 32 ans)