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Pr´esentation des lois de conservation scalaires

On s’int´eresse dans cette partie aux probl`emes d’´evolution s’´ecrivant sous la forme ∂tu(t, x) +∇x[f (u(t, x))] = 0, u(0,·) = u0, t > 0, x∈ Rd, (8.1)

et nos r´esultats concernent plus particuli`erement leur version uni-dimensionnelle ∂tu(t, x) + ∂x[f (u(t, x))] = 0, u(0,·) = u0, t > 0, x∈ R. (8.2)

Dans ces ´equations, le flux f est une fonction connue et r´eguli`ere de R dans Rd, et l’inconnue u(t,·): Rd→ R peut ˆetre vue comme une densit´e de masse. Ses valeurs sont scalaires, `a la diff´erence de ce qui se passe lorsqu’on ´etudie un syst`eme de lois de conser- vation. Parmi les nombreux ouvrages de r´ef´erence sur ce sujet, citons (outre l’article fondateur de Kruˇzkov [44], relativement technique), ceux de Lax [45], de Godlewski et Raviart [35, 36], de Serre [58, 57] (en fran¸cais) ou plus r´ecemment de LeFloch [46]. Une fa¸con naturelle de voir l’´equation (8.1) est de l’int´egrer sur un domaine r´egulier ω de Rd. On obtient alors ∂t Z ω u(t, x) dx + Z ∂ω f (u(t, x))· −→n dσ(x) = 0, t > 0, (8.3) o`u −→n d´esigne le vecteur normal au bord ∂ω et dσ sa mesure surfacique. On peut interpr´eter (8.3) de la fa¸con suivante : entre les instants t et t0, la variation de la masse contenue dans le domaine ω correspond au flux du champ f (u) au travers de ∂ω, ce qui traduit bien un ph´enom`ene de transport. A partir du moment o`u f est continue, la

masse sortant du domaine ω et celle qui entre dans son compl´ementaire ωc

sont ´egales, de sorte que la masse “totale” est conserv´ee.

xd

x1

ω

f(u(t,·))

Fig. 8.1 – bilan instantan´e local sur un domaine ω.

On se repr´esentera mieux la nature des solutions en voyant (8.1) comme une ´equation de transport “ponctuelle” dans laquelle la densit´e u est pr´eserv´ee le long des trajectoires caract´eristiques t→ X(t) = X(t; y) ∈ Rd solutions de

dX(t) dt = f

0(u(t, X)) = (f0

1(u(t, X)),· · · , fd0(u(t, X))), X(0) = y∈ Rd, (8.4)

y d´esignant le point de d´epart cette trajectoire. Tant que ces trajectoires existent, on peut r´e´ecrire (8.1) sous la forme

du(t, X(t; y))

dt = 0, pour tout y∈ R

d, (8.5)

et remarquer que cela entraˆıne dX(t)dt = f0(u0(y)), ce qu’on peut aussi voir comme une

cons´equence du fait que la fonction de flux f ne d´epend pas du temps (du moins pas autrement qu’au travers de u). Notre loi de conservation (8.1) est donc ´equivalente `a la propri´et´e de conservation (8.5) le long des trajectoires caract´eristiques donn´ees par

X(t; y) = y + tf0(u0(y)), (8.6)

ce qui revient `a ´ecrire que pour tout couple (t, x)∈ R+× Rd,

u(t, x) = u0(y), o`u y = y(t, x) est solution de y + tf0(u0(y)) = x, (8.7)

f0(u0) : Rd→ Rdjouant ainsi le rˆole d’un champ de vitesses constant.

Malheureusement on va bientˆot s’apercevoir que l’´equation (8.7), qui peut nous donner une formule explicite pour construire les solutions, n’est pas satisfaisante en dehors de quelques cas faciles comme celui o`u f0 est constante.

Une des lois non-lin´eaires les plus simples s’obtient, en une dimension d’espace, avec le flux f (u) = u2/2. Cela correspond `a l’´equation de Burgers sans viscosit´e

∂tu(t, x) + u(t, x)· ∂xu(t, x) = 0, u(0,·) = u0. (8.8)

Pour ce flux, la formulation (8.7) devient

8.1. Pr´esentation des lois de conservation scalaires

8.1.1 D´efauts d’existence ou d’unicit´e

Dans la partie pr´ec´edente, on a pu voir que l’´equation de Vlasov poss´edait des solutions continues lorsque les conditions initiales ´etaient elle-mˆeme continues. En par- ticulier, on pouvait montrer que les trajectoires caract´eristiques associ´ees `a de telles solutions ´etaient d´efinies en tout temps.

y2 y1 t λ y X(t; y) = y + tu0(y)

Fig.8.2 – trajectoires caract´eristiques associ´ees `a la donn´ee initiale de la figure 8.3 pour l’´equation de Burgers en dimension 1. A partir de l’instant λ, certaines trajectoires se croisent et les courbes obtenues sont multivalu´ees.

La formulation (8.7), qui repose sur une d´efinition implicite de y, ne permet de construire u(t,·) que lorsque l’application y → y + tf0(u0(y)) est inversible. Lorsque f0(u0) est

lipschitzienne, on peut voir cette application comme une perturbation de l’identit´e qui sera inversible sur des petites valeurs de t, mais a priori pas pour des temps grands. La figure 8.2 nous donne une repr´esentation “physique” de ce ph´enom`ene en repr´esentant les trajectoires caract´eristiques X(t; y) = y + tu0(y) associ´ees `a l’´equation de Burgers

pour une donn´ee initiale u0tr`es r´eguli`ere, trac´ee sur la figure 8.3, en haut. Sur la figure

8.2, les temps t pour lesquelles l’application y → y + tu0(y) est inversible se recon-

naissent au fait que les trajectoires caract´eristiques ne se croisent pas entre 0 et t. A l’inverse, le fait que deux trajectoires se croisent en (t, x) indique une ambigu¨ıt´e sur le point de d´epart y et la vitesse u0(y) permettant d’arriver en (t, x).

Plus g´en´eralement si f est convexe, cette situation se produira d`es que u0 (en di-

mension 1) n’est pas croissante. Il suffit en effet que deux positions initiales y1 et y2

v´erifient

y1− y2 = λ[f0(u0(y2))− f0(u0(y1))] avec un λ > 0 (8.10)

pour que les trajectoires issues de y1et y2se croisent en t = λ et x = y1+λf0(u0(y1)) =

y2+ λf0(u0(y2)). Si l’on observe la solution u, que constate-t-on ? Tant que les trajec-

toires ne se croisent pas, l’´equation (8.7) permet de d´efinir u(t,·) de fa¸con univoque, mais `a partir de t =−1/ infy∈R f00(u0(y))u0

0(y) > 0, la “solution” donn´ee par cette

formule n’est plus une fonction, mais un graphe multivalu´e

G(t) ={(y + tu0(y), u0(y)) : y∈ R} (8.11)

x t < λ u(t,·) pour x u(λ,·) x t > λ? x u0 x t > λ

Fig. 8.3 – ´evolution d’une solution classique pour l’´equation de Burgers jusqu’`a l’ap- parition du premier choc. Apr`es cet instant, la solution faible se distingue du graphe multivalu´e construit par l’´equation (8.9).

8.1.2 Solutions faibles entropiques

A partir de ces courbes multivalu´ees, la fa¸con la plus naturelle de construire des solutions qui soient des fonctions consiste `a les faire “s’effondrer” sur elles-mˆemes, en rempla¸cant les plis du graphe par des discontinuit´es (cette construction est d’ailleurs `

a la base d’un sch´ema num´erique propos´e par Brenier, voir [12]). Comme la surface d´efinie sous le graphe (8.11) est constante, et en particulier ´egale `a la masse initiale R

Ru0(x) dx, la position de ces discontinuit´es doit ˆetre d´etermin´ee de fa¸con `a pr´eserver

cette masse, comme illustr´e sur la figure 8.3, en bas. Mais on reconnaˆıtra volontiers que cette construction, si elle permet de tracer l’allure des solutions, est loin d’ˆetre satisfaisante pour d´efinir les solutions exactes.

8.1. Pr´esentation des lois de conservation scalaires

Il nous faut donc donner un sens pr´ecis `a l’´equation (8.1) pour des solutions dis- continues. Lorsque u0 ∈ L∞(Rd), on dit que u∈ L∞(R+× Rd) est une solution faible

du probl`eme de Cauchy (8.1) si Z ∞ 0 Z Rd (u(t, x)∂tϕ(t, x) + f (u(t, x))· ∇xϕ(t, x)) dx dt + Z Rd u0(x)ϕ(0, x) dx = 0

pour toute fonction ϕ∈ C∞

c (R+× Rd). Cette d´efinition, toutefois, n’assure pas `a elle

seule l’unicit´e de u pour une solution initiale u0 donn´ee. Pour y parvenir, on fait

l’hypoth`ese suppl´ementaire que la loi de conservation (8.1) repr´esente une sorte de limite, lorsque ε > 0 tends vers 0, de l’´equation visqueuse

∂tuε(t, x) +∇x· [f(uε(t, x))] = ε∆xuε(t, x).

Plus pr´ecis´ement, on montre que la solution uε de cette ´equation est d´efinie de fa¸con

unique, et poss`ede suffisamment de r´egularit´e pour que l’on puisse en extraire une sous-suite convergeant presque partout vers une solution faible (unique) de (8.1). Pour s´electionner cette solution “physique” parmi toutes les solutions possibles, on a recours `

a la notion d’entropie math´ematique : par fonction d’entropie, on entend une fonction E : R→ R de classe C1, convexe, `a laquelle on associe un flux d’entropie F : R → Rd

v´erifiant

F0 = E0f0. (8.12)

Si u est une solutionC1 de (8.1), elle v´erifie

∂t[E(u)] +∇x[F (u)] = E0(u)∂tu + F0(u)· ∇xu = E0(u)[∂tu + f0(u)· ∇xu]

= E0(u)[∂tu +∇x(f (u))] = 0. (8.13)

Quant `a la solution faible obtenue par passage `a la limite des solutions uε, on peut

montrer qu’elle v´erifie au sens des distributions

∂tE(u) +∇x[F (u)]≤ 0 pour toute fonction d’entropie E. (8.14)

L’id´ee pr´esente derri`ere les r´esultats d’unicit´e consiste en quelque sorte `a “remonter” cet argument, en montrant qu’une solution faible u qui v´erifie la condition d’entropie (8.14) correspond `a la solution donn´ee par la m´ethode de viscosit´e ´evanescente, et en particulier, elle est d´efinie de fa¸con unique. On appelle solution faible entropique de (8.1) une telle fonction u, et on peut citer le r´esultat suivant (voir en particulier [36]) :

Th´eor`eme 8.1 Si u0appartient `a L1(Rd)∩L∞(Rd), l’´equation (8.1) admet une unique

solution faible entropique u∈ L∞(R+; L1(Rd)∩ L∞(Rd)). Cette solution v´erifie

1. un principe du maximum L∞ en temps

ku(t, ·)kL∞ ≤ ku0kL∞, (8.15)

2. une propri´et´e de convergence L1 vers la donn´ee initiale

3. une propri´et´e de contraction L1

ku(t, ·) − v(t, ·)kL1 ≤ ku0− v0kL1 (8.17)

pour toute solution entropique v issue d’une donn´ee initiale v0 ∈ L1(Rd) ∩

L∞(Rd),

4. et une propri´et´e de monotonie

u(t,·) ≤ v(t, ·) (8.18)

pour toute solution entropique v de (8.1) issue d’une donn´ee initiale v0 ∈ L1(Rd)∩

L∞(Rd) v´erifiant u0≤ v0.

Enfin si u0 est `a variations born´ees, alors u(t,·) l’est ´egalement, et on a

|u(t, ·)|BV ≤ |u0|BV. (8.19)

Remarque 8.1 La propri´et´e (8.17) de contraction L1 a ´et´e d´emontr´ee en 1970 par Kruˇzkov (voir [44]). C’est un r´esultat fondamental qui permet d’une part d’´etablir l’unicit´e des solutions entropiques, et d’autre part la propri´et´e (8.19). On peut en effet d´efinir la variation totale d’une fonction v comme la plus petite constante C pour laquelle kv − v(· − h)kL1 ≤ Ch est v´erifi´ee pour tout h ∈ Rd. Dans la mesure o`u la

solution correspondant `a une translation u0(· − h) de la donn´ee initiale s’obtient par

une translation identique u(t,· − h) de la solution issue de u0, on d´eduit de (8.17) que

ku(t, ·) − u(t, · − h)kL1 ≤ ku0(·) − u0(· − h)kL1 ≤ h|u0|BV (8.20)

pour tout h∈ Rd, d’o`u l’in´egalit´e (8.19).

8.2

Une formule semi-explicite pour les lois uni-dimensionnelles

`

a flux convexes

On se place ici en dimension d = 1, avec un flux f de classe C2 v´erifiant f00> 0 et lim

±∞f

0 =±∞. (8.21)

Dans ces conditions, Lax d´emontre dans [45] que la solution faible entropique de l’´equa- tion (8.2) (dont l’existence et l’unicit´e sont ´etablies par le th´eor`eme pr´ec´edent), v´erifie, pour tout t > 0 et tout x∈ R,

u(t, x) = u0(y), (8.22)

o`u y = y(t, x) minimise globalement la fonctionnelle z → L(z, t, x) = Lu0,f(z, t, x)

d´efinie par Lu0,f(z, t, x) := Z z 0 u0(s) ds + tf∗ x − z t  (8.23) (voir (8.28) pour le cas o`u u0 est discontinue en y). La fonction f∗ d´esigne ici la

transform´ee de Legendre de f

f∗(x) := sup

y∈R

(xy− f(y)).

Comme f0 est strictement croissante, la borne sup´erieure est atteinte en y = (f0)−1(x), d’o`u l’on d´eduit que