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Caract´erisation de l’approximabilit´e dans L p

1.3 Approximation polynomiale par morceaux

1.3.1 Caract´erisation de l’approximabilit´e dans L p

Dans l’introduction, on a ´evoqu´e le fait que les espaces d’approximations pouvaient ˆetre identifi´es avec des espaces de r´egularit´e. On peut maintenant ˆetre plus pr´ecis, et ´ecrire que pour tout couple (s, p), il existe une valeur de q pour laquelle l’espaceAs

q(Lp)

co¨ıncide avec un espace de Besov. Prenons donc un instant pour pr´esenter ces espaces. Spontan´ement, on pourra voir les espaces de Besov comme un moyen (parmi d’autres)

de combler le vide laiss´e par les espaces de Sobolev Ws,p lorsque qu’on souhaite par- ler de fonctions ayant “s d´eriv´ees dans Lp” avec s non entier. Pour des valeurs de s

strictement comprises entre 0 et 1, on a d´ej`a pr´esent´e les espaces de H¨older Cs qui

contiennent les fonctions f ∈ L∞ pour lesquelles

sup

x∈[0,1−h]|f(x + h) − f(x)| ≤ Ch

s, h∈]0, 1[, (1.59)

et qu’on peut munir de la norme kfkCs =kfkL∞+|f|Cs en d´esignant par|f|Cs la plus

petite constante possible apparaissant dans (1.59). A leur fa¸con, ces espaces comblent le vide laiss´e entre L∞et W1,∞, puisque on retrouve ces deux espaces lorsqu’on prend

s respectivement ´egal `a 0 et 1 dans (1.59). De la mˆeme fa¸con, on peut donner un sens `a l’assertion “f poss`ede s d´eriv´ees dans Lp” lorsque 0 < s < 1 en consid´erant les espaces Lip(s, Lp) qui contiennent les fonctions f ∈ Lp pour lesquelles la semi-norme

|f|Lip(s,Lp):= sup

0<h<1

h−skf(· + h) − fkLp([0,1−h]) (1.60)

est finie (espace qu’on peut munir, `a nouveau, de la norme kfkLip(s,Lp) = kfkLp +

|f|Lip(s,Lp)). Clairement, Lip(1, L∞) est l’espace W1, inf ty

des fonctions lipschitziennes, mais remarquons qu’on ne retrouve pas toujours W1,p en prenant s = 1 dans cette d´efinition. Ainsi Lip(1, L1) co¨ıncide-t-il avec l’espace BV compos´e des fonctions de L1 dont la variation totale

|f|BV := sup ϕ∈C∞

c (]0,1[)

kϕkL∞≤1

hf, ϕ0i (1.61)

est born´ee. Lorsque f0est dans L1, la variation totale de f correspond `a|f|

BV =kf0kL1,

mais de fa¸con plus g´en´erale, BV contient les fonctions dont la d´eriv´ee est une mesure de Radon µ, leur variation totale ´etant alors ´egale `a la masse totale|µ| de cette mesure. On peut alors montrer qu’il s’injecte continuement dans L∞, et que

|f|BV = sup{

X

i

|f(xi)− f(xi−1)| : 0 < x0 < . . . < xm < 1, m∈ N}. (1.62)

En particulier, BV contient les fonctions constantes par morceaux qui sont disconti- nues, et n’est donc pas ´egal `a W1,1.

Les espaces de Besov peuvent se d´efinir suivant le mˆeme principe. Bien entendu, il ne suffit pas pour cela de consid´erer la d´efinition (1.60) pour des valeurs de s stric- tement sup´erieures `a 1, car les seules fonctions qu’on obtient de cette fa¸con sont les constantes. Pour repr´esenter les d´eriv´ees de f d’ordre ´elev´e, on utilise l’op´erateur de diff´erences finies d’ordre r donn´e par

∆rh := ∆1h∆r−1h = (∆1h)r et ∆1h : f → f(· + h) − f, (1.63) `

a partir duquel on peut remplacer le module de continuit´e

ω(f, t)p :=kf(· + h) − fkLp([0,1−h]) (1.64)

par le module de r´egularit´e d’ordre k ωk(f, t)p:= sup

0<h≤tk∆ k

1.3. Approximation polynomiale par morceaux o`u la borne sup´erieure permet que ωk(f,·)psoit une fonction croissante. On d´efinit alors

l’espace de Besov Bqs,p comme l’ensemble des fonctions pour lesquelles la semi-norme

|f|Bqs,p :=     R1/k 0 t−sωk(f, t)p q dt t 1/q lorsque q < supt∈]0,1/k[ t−sωk(f, t)p lorsque q =∞ (1.66) est finie, k ´etant un entier strictement sup´erieur `a la partie enti`ere de s

k≥ bsc + 1, (1.67)

les normes d´efinies pour diff´erentes valeurs de k ´etant alors toutes ´equivalentes (pour une pr´esentation plus compl`ete de ces espaces, le lecteur pourra consulter l’ouvrage de r´ef´erence [30]). L’indice q joue ici un rˆole semblable `a celui des normes (1.54), c’est-`a- dire que les diff´erences induites par deux valeurs diff´erentes de cet indice sont de second ordre par rapport aux deux premiers indices s et p (`a la fa¸con d’un ordre lexicogra- phique). On a ainsi Bs2,p

q ⊂ Bqs10,p pour tout s1< s2 et Bqs,p2 ⊂ Bqs,p0 1 pour tout p1 < p2,

quels que soient q et q0. D’autre part, la contrainte de q-int´egrabilit´e pour la mesure

dt

t est d’autant plus forte que q est petit, d’o`u B s,p q1 ⊂ B

s,p

q2 lorsque q1 < q2 ≤ ∞. En

revanche, ce “troisi`eme indice” joue un rˆole important dans l’´etablissement des th´eo- r`emes de caract´erisation, o`u il doit ˆetre finement r´egl´e en fonction des param`etres s et p. On observera que les espaces Lip(s, Lp) g´en´eralisent bien les espaces de H¨older Cs, au sens o`u Lip(s, L∞) = Cs pour 0 < s < 1, et qu’`a leur tour les Besov v´erifient

Bs,p = Lip(s, Lp) pour 0 < s < 1. En raison de la contrainte (1.67), Lip(1, Lp) ne co¨ıncide en revanche plus avec B1,p, qui est un peu plus grand. Pour la mˆeme raison l’espace Bqs,p ne co¨ıncide en g´en´eral pas avec l’espace de Sobolev Ws,p lorsque s est

entier (alors que la d´efinition classique des espaces de Sobolev fractionnaires corres- pond `a Ws,p= Bps,p, mais nous n’utiliserons pas ces espaces fractionnaires). On a par

exemple lorsque s = 1, W1,1 Lip(1, L1) = BV B1,1

∞. Citons tout de mˆeme l’ex-

ception des espaces de Hilbert Hs = Ws,2 qui co¨ıncident avec B2s,2 pour tout s, mais gardons surtout en tˆete qu’il est toujours possible d’“ordonner” les espaces de Sobolev et de Besov grˆace aux relations

Bqs0,p⊂ Ws,p⊂ Bs,p pour s0> s∈ N et 0 < p, q ≤ ∞. (1.68) On a alors le th´eor`eme suivant :

Th´eor`eme 1.1 (DeVore, Petrushev, Popov (88)) Lorsque p est fini, les espaces As

q(Lp) associ´es `a l’approximation polynomiale par morceaux de degr´e r sur des parti-

tions libres sont caract´eris´es par

Asq(Lp) = Bqs,q avec 1/q = s + 1/p (1.69)

pour tout s < r + 1, et les normes de ces espaces sont ´equivalentes.

Le lecteur pourra trouver une preuve de ce th´eor`eme dans les ouvrages [30] ou [29]. Indiquons tout de mˆeme que cette preuve repose d’une part sur des arguments d’inter- polation fonctionnelle entre espaces de Besov [33], et d’autre part sur les estimations suivantes ´etablies par Petrushev [54] :

et

S ∈ Σn =⇒ kSkBs,qq ≤ C2

snkSk

Lp. (1.71)

Ce type d’in´egalit´es est central en approximation non-lin´eaire. (1.70) est ce qu’on ap- pelle une estimation de Jackson, qui exprime un ordre de convergence des erreurs optimales sous des hypoth`eses de r´egularit´e. C’est une estimation “directe”, qui permet d’´etablir des inclusions dans le sens Bqs,q ⊂ Asq(Lp). Quant `a (1.71), il s’agit d’une

estimation de Bernstein, souvent qualifi´ee d’estimation “inverse” dans la mesure o`u elle permet de remonter, par le biais d’une suite d’approximations optimales, `a la r´egularit´e des fonctions “bien approch´ees”. En d’autres termes, elle fournit un argument essentiel pour ´etablir l’inclusion As

q(Lp)⊂ Bqs,q.

Comme on l’a annonc´e plus haut, ce th´eor`eme ne permet pas de caract´eriser tous les espaces d’approximationAs

q(Lp), mais un d’entre eux pour chaque couple (s, p). On

peut n´eanmoins en d´eduire As2

∞(Lp)⊂ Ws,q ⊂ A∞s1(Lp) pour 1/q = s + 1/p et tout s1 < s < s2. (1.72)

D’autre part, la limitation sur l’ordre s ne doit pas nous surprendre : elle correspond `a la rigidit´e d’une m´ethode d’approximation utilisant des polynˆomes d’ordre peu ´elev´e, et au ph´enom`ene de saturation qui en r´esulte, d´ej`a mentionn´e dans la section 1.2.1.