1.3 Approximation polynomiale par morceaux
1.3.2 Caract´erisation de l’approximabilit´e dans L ∞
On consid`ere maintenant l’approximation dans L∞ des fonctions continues sur l’intervalle [0, 1], et pour des raisons qui apparaˆıtront clairement dans quelques lignes, on commence par red´efinir Σn = Σn,r comme l’ensemble des fonctions continues qui
sont polynomiales de degr´e inf´erieur ou ´egal `a r sur moins de 2n intervalles. Ce type d’approximation a ´egalement ´et´e ´etudi´ee par Petrushev dans [54], o`u les estimations de Jackson et de Bernstein σn(f )∞≤ C2−snkf0kBqs−1,q (1.73) et S∈ Σn =⇒ kS0kBs−1,q q ≤ C2 snkSk L∞, (1.74)
sont ´etablies pour 1 < s < r + 1 et q = 1/s. A partir des ces in´egalit´es, il est alors possible d’identifier les espaces As
q(L∞) avec ˜ Bs:={f ∈ W1,1(R) : f0 ∈ Bqs−1,q, q = 1/s} (1.75) muni de la norme kfkB˜s :=kfkL∞+kf0k Bqs−1,q. (1.76)
Cet espace ressemble `a l’espace de Besov Bqs,q, mais on observera qu’il est sensiblement
plus petit que ce dernier, qui contient des fonctions discontinues lorsque q < 1. Th´eor`eme 1.2 Les espaces As
q(L∞) associ´es `a l’approximation polynomiale par mor-
ceaux de degr´e r sont caract´eris´es par
Asq(L∞) = ˜Bs avec 1/q = s (1.77)
1.3. Approximation polynomiale par morceaux Preuve. On peut ´etablir ce r´esultat de fa¸con directe `a partir du th´eor`eme 1.1. Pour une fonction f deAs
q(L∞), on d´esigne par Sn∈ Σn, n = 0, 1, . . . une suite approchant f de
fa¸con quasi-optimale. On consid`ere alors les fonctions discontinues Tn := Sn0 polyno-
miales de degr´e inf´erieur ou ´egal `a r− 1 sur 2n morceaux, comme des approximations
de f0. Observons qu’un polynˆome S de degr´e r v´erifie toujours
kS0kL1([a,b])≤ CkSkL∞([a,b]) (1.78)
avec une constante C pouvant d´ependre de r mais pas de l’intervalle [a, b] par un argument de changement d’´echelle. Comme Tn− Tn−1 est une fonction polynomiale
sur moins de 322n intervalles Ik, on a
kTn− Tn−1kL1 ≤ X k kTn− Tn−1kL1(I k)≤ C2 nkS n− Sn−1kL∞. (1.79)
En utilisant la remarque 1.8 (et en rappelant que la norme k · kAs
q(L∞) est d´efinie en
(1.54)), ceci entraˆıne que
∞ X n=−1 [2n(s−1)kTn− Tn−1kL1]q≤ Ckfkq As q(L∞), (1.80)
d’o`u l’on d´eduit que la suite Tn converge dans L1 vers une fonction qui est forc´ement
f0. Il s’ensuit que
kf0kAs−1
q (L1)≤ CkfkAsq(L∞), (1.81)
et d’apr`es le th´eor`eme 1.1 avec p = 1, kf0kBs−1,q
q ≤ CkfkAsq(L∞). (1.82)
Comme il est clair quekfkL∞ ≤ kfkAs
q(L∞), on en d´eduit que
kfkB˜s ≤ CkfkAs
q(L∞). (1.83)
Dans l’autre sens, consid´erons que f appartient `a ˜Bs. f0 appartient donc `a Bqs−1,q avec
1/q = 1 + (s− 1), ce qui entraˆıne d’apr`es le th´eor`eme 1.1 que f0 est dans As−1 q (L1)
aveckf0k
As−1q (L1)≤ Ckf
0k
Bs−1,qq . Il existe alors une suite de fonctions discontinues Tn,
n = −1, 0, . . . avec T−1 = 0, qui sont polynomiales de degr´e au plus r− 1 sur 2n
morceaux et approchent f0 de fa¸con quasi-optimale dans L1, de sorte que
∞ X n=−1 kf0− TnkqL1 ≤ Ckf0k q Bs−1,qq . (1.84)
Comme il existe pour chaque n une partition de I en 2n intervalles J
k tels que
kf0 − Tnk L1(J
k) ≤ 2−nkf0 − TnkL1, et que chaque Tn est constitu´e de 2
n morceaux
polynomiaux, il est toujours possible de construire une partition de I en 2n+1 inter- valles Ik sur lesquels Tnest un polynˆome et tels que
kf0− TnkL1(I k)≤ 2
−nkf0− T
nkL1. (1.85)
Sur chacun de ces intervalles Ik = [ak, bk], on pose
Pn+1(x) := f (ak) +
Z x
ak
qu’on modifie ensuite en
Sn+1(x) := Pn+1(x) + (f (bk)− Pn+1(bk))
x− ak
bk− ak
. (1.87)
On peut v´erifier que la fonction Sn+1 ainsi obtenue appartient `a Σn+1 : elle est bien
polynomiale de degr´e au plus r sur les intervalles Ik qui sont au nombre de 2n+1, et
elle est continue. Sur chaque Ik, on a clairement
|f(x) − Pn+1(x)| ≤ kf0− TnkL1(I k)≤ 2 −nkf0− T nkL1 (1.88) d’apr`es (1.85), et de mˆeme |f(x) − Pn+1(x)| x− bk ak− bk ≤ 2 −nkf0− T nkL1. (1.89) On en d´eduit que ku − Sn+1kL∞ ≤ 2−n+1kf0− TnkL1, (1.90) ce qui entraˆıne kfkqAs q(L∞)≤ C(kfk q L∞+kf0kq As−1q (L1)). (1.91)
En utilisant `a nouveau le th´eor`eme 1.1 pour p = 1, on trouve alors finalement kfkqAs
q(L∞)≤ CkfkB˜s, (1.92)
ce qui termine cette preuve.
A nouveau, on pourra signaler que ce th´eor`eme entraˆıne les inclusions suivantes As2
Chapitre 2
Discr´etisations adaptatives
multi-´echelles de type
P
1
On introduit dans ce chapitre une classe M(Rd) de maillages dyadiques multi-
´echelles de Rd, auxquels on associe en dimension 2 des ´el´ements finis conformes de typeP1, autrement dit affines par morceaux. La raison pour laquelle on introduit ces discr´etisations adaptatives est que la structure g´eom´etrique des mailles dyadiques nous permettra de proposer dans la deuxi`eme partie un sch´ema alliant une gestion algorith- mique tr`es simple des maillages de calcul `a une analyse accessible de leurs propri´et´es, notamment en ce qui concerne leur caract`ere optimal dans l’approximation adaptative des solutions.
En pr´evision de cette analyse, on montrera que la semi-norme | · |W2,1 constitue un
bon indicateur a priori de l’erreur d’interpolation locale mesur´ee dans L∞, au sens o`u 1. pour toute fonction f appartenant `a W2,1(R2), on indiquera comment construire un maillage dyadique M par un algorithme de d´ecoupage r´ecursif guid´e par les semi-normes locales |f|W2,1(α).
2. le maillage ainsi obtenu permettra (via son espace d’´el´ements finis associ´e) d’ap- procher f dans L∞ avec une pr´ecision ε fix´ee `a l’avance
3. la complexit´e de ce maillage sera de l’ordre de ε−1 d`es que f appartient `a W2,p avec p > 1.
En particulier, cet indicateur nous donnera un moyen pratique d’approcher une fonc- tion f de fa¸con adaptative par des approximants fM affines par morceaux, avec une
vitesse de convergence en kf − fMkL∞(R2) ≤ C#(M)−1. Au regard des r´esultats de
caract´erisation donn´es par la th´eorie de l’approximation non-lin´eaire, cette vitesse peut ˆetre consid´er´ee comme quasiment optimale lorsque f est dans un espace W2,p(R2) avec
p proche de 1. En comparaison, l’interpolation affine par morceaux sur un maillage uni- forme n’atteint cette vitesse que lorsque f appartient `a l’espace W2,∞(R2).
2.1
Partitions adaptatives dyadiques
D´efinition 2.1 (partitions dyadiques) On dira qu’une partition M de Rd est dya-
dique si elle ne contient que des cellules de la forme
L’entier ` est appel´e le niveau de la cellule α`,k, et on ne consid´erera dans la suite que
des niveaux sup´erieurs `a un `0 > 0 fix´e.
Pour `≥ `0, on peut donc d´efinir la partition dyadique uniforme de niveau ` par
D`(Rd) :={α`,k = Π1≤i≤d[2−`ki, 2−`(ki+ 1)[: k∈ Zd}, (2.2)
et poser D`(Rd) =∅ lorsque ` < `0. Avec cette convention, on ´ecrira D(Rd) :=∪`D`(Rd)
l’ensemble de toutes les cellules dyadiques, et on d´esignera `(α) ≥ `0 le niveau d’une
cellule dyadique donn´ee.