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À LA PRÉVENTION DE L’UTILISATION DU SYSTÈME FINANCIER AUX FINS

DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX OU

DU FINANCEMENT DU TERRORISME

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L’objectif de cette nouvelle directive est de renforcer certaines règles existant dans la 3e directive pour mieux lutter contre l’évasion fiscale et le financement du terrorisme, en instaurant :

• plus de transparence : mieux identifier et mieux coopérer pour faire reculer l’anonymat dans l’éco- nomie mondiale, mieux tracer les opérations suspectes et mieux suivre les mouvements finan- ciers (risque pays) ;

• plus d’efficacité : mieux surveiller et réprimer. Pour atteindre cet objectif, six axes d’action concer- nant les assujettis de l’AMF font l’objet de règles plus strictes et plus claires :

• l’approche par les risques réellement encourus : le dispositif de vigilance doit permettre d’identifier et d’évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (facteurs de risques présentés en annexe de la directive) ;

• les personnes politiquement exposées (PPE), avec une définition claire de ces personnes et une autori- sation obligatoire de la hiérarchie pour maintenir une relation d’affaires avec elles. Sont visées les PPE nationales et étrangères ;

• les bénéficiaires effectifs, avec l’instauration d’un registre national tenu à jour reprenant les informa- tions liées aux propriétaires finaux des sociétés. Le registre est accessible aux autorités compétentes et aux professionnels assujettis afin de remonter plus aisément les chaînes de propriété/contrôle. Un

33. Directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015, élaborée sur la base des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI). Elle a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 5 juin 2015, et devra être transposée en droit national d’ici le 26 juin 2017.

régime comparable est instauré pour les fiduciaires et les trustees. Ce point s’accompagne d’un renfor- cement de la protection des données personnelles ;

• la dimension « groupe » : un groupe peut appliquer un socle de principes communs et d’échanges d’in- formations et les informations concernant des soup- çons sont, en principe, partagées au sein du groupe ;

• la déclaration de soupçon obligatoire à Tracfin de toutes les transactions suspectes ou tentatives, avec un dispositif déclaratif intégrant la notion de confidentialité et un dispositif visant à protéger les lanceurs d’alerte ;

• des sanctions lourdes en cas de violations graves, répétées ou systématiques de certaines disposi- tions de la directive.

C. LA RÉFLEXION SUR LE NON BIS IN IDEM

À la suite de l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel laquelle a remis en cause le système français de double répression administrative et pénale des abus de marché34, un groupe de travail - coprésidé par G. Rameix, président de l’AMF et M. Pinault, président de la Commission des sanctions - a été constitué par l’AMF. Il a publié en mai 2015 le fruit de ses réflexions en vue d’une réforme de la répression des abus de marché dans un rapport dont le contenu a été validé par le Collège de l’AMF.

Plusieurs solutions étaient envisageables, les critères d’examen de ces différentes possibilités d’évolution législative étant, d’une part, de parvenir à un régime de poursuite et de sanction des abus de marchés juridi- quement solide tant au regard du droit européen que du droit français ; d’autre part, de préserver, et si possible, améliorer l’efficacité du dispositif français qui, quoique perfectible, est l’un des plus solides en Europe continentale.

Le groupe de travail de l’AMF a proposé une solution dont l’objectif est de préserver les acquis d’un système administratif qui s’est révélé très performant et adapté à la matière financière tout en améliorant la répression pénale dans les cas qui le justifient. Il a en effet estimé qu’il convenait de réserver, comme nous y invitent les

34. Voir Rapport annuel de l’AMF 2014, page 117.

textes européens, la voie pénale aux cas d’abus de marché les plus graves, c’est-à-dire ceux portant atteinte à l’ordre social et nécessitant en conséquence une peine privative de liberté. La voie administrative serait quant à elle privilégiée pour réprimer les atteintes au bon fonctionnement du marché. En pratique, le groupe de travail avait proposé les quatre axes de réforme suivants :

• le principe d’interdiction du cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives serait inscrit dans la loi pour tenir compte de l’évolution des juris- prudences européenne et du Conseil constitutionnel ;

• une distinction claire de la définition des manque- ments de celle des délits boursiers par l’introduction de critères objectifs dans la loi. Cela reviendrait à retenir l’infraction générale telle qu’elle est définie dans les textes européens sur les abus de marché et à en confier par la loi sa répression à l’AMF. Une infraction aggravée serait introduite dans la loi et caractérisée par des critères d’intentionnalité, de récidive et de gravité (montants des profits illicites, bande organisée). Elle serait seule passible de sanc- tions pénales ;

• une concertation des actions respectives du Parquet national financier (PNF) et de l’AMF préalable à l’en- gagement des poursuites. Une concertation obliga- toire d’une durée de deux mois entre le Parquet national financier et l’AMF serait mise en place pour favoriser l’allocation optimale des dossiers pouvant relever du juge pénal ou de l’AMF ;

• un encadrement des constitutions de parties civiles en amont de la concertation entre le Parquet finan- cier et l’AMF et des pistes d’amélioration de la procé- dure pénale afin d’en réduire les délais.

À la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État le 19 novembre 2015, la solution retenue par les autorités publiques dans une proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché consistant à désigner le procureur général près la Cour d’appel de Paris comme autorité chargée, en cas de conflit positif de compétence sur un dossier entre le Parquet national financier et l’AMF, de choisir la voie répressive la plus adaptée. Cette solution a recueilli l’avis favorable de l’AMF en ce qu’elle satisfait à l’objectif initial recherché : la voie pénale doit être réservée aux infractions les plus graves et sanctionner plus sévèrement les inten- tions frauduleuses qui heurtent les valeurs de la société, la répression administrative devant sanc- tionner des comportements portant atteinte au bon

fonctionnement des marchés. Le dispositif permet ainsi une concertation entre l’AMF et le PNF encadrée dans des délais. Cette réforme devra entrer en vigueur d’ici le 1er septembre 2016. La proposition de loi sus- mentionnée adoptée en première lecture par l’Assem- blée nationale le 7 avril 2016 sera examinée courant mai par le Sénat.

Il paraît à l’AMF tout à fait essentiel de confier la déci- sion d’aiguillage du dossier en cas de désaccord entre le PNF et l’AMF à une autorité tierce et impartiale en la

personne du procureur général près la Cour d’appel de Paris. Cet aiguillage devra également intervenir dans des délais compatibles avec le temps des marchés, gage d’efficacité de la répression des abus de marché. Pour cela, l’AMF et le PNF doivent œuvrer ensemble pour définir la procédure la plus adaptée à chaque cas particulier, à l’instar de la gestion de la répartition des dossiers durant la période transitoire. Dans ces condi- tions, l’arbitrage d’un éventuel conflit positif de compé- tences devrait rester rare.

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