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6. Cadre théorique ou petite mise en bouche historico-psychologique

6.6. Présentation des personnes interviewées

La partie la plus importante de ce mémoire est constituée par les entretiens que vous pourrez retrouver entièrement retranscrits aux pages 118 à 223.

Les récit, si généreusement et spontanément offerts, sont tous riches et bouleversants. Des antagonismes et des similitudes étonnants sont révélés, des philosophies de vie sont abordées, des douleurs ravivées, toute la force de l’humain tant lumineuse qu’abjecte y est dévoilée.

Roman de vies intimes, roman de la vie extraordinaire dans sa banale sordidité.

Les personnes entretenues pour l’élaboration de mon mémoire, dont quatre femmes et un homme viennent d’horizons, de niveaux sociaux, d’univers professionnels différents. Elles ont toutes vécu des situations d’ostracisme et de brimade pendant leur enfance, durant leur parcours scolaire.

Il m’est paru opportun de vous offrir une succincte présentation de qui ils sont, de leurs parcours de vie. Leur donner forme pour qu’ils ne soient pas de simples prénoms aux yeux des lecteurs. Afin qu’ils ne soient, au grand jamais, réduits à de tristes étiquettes de victimes émissaires. Faire ressurgir l’humain tout en respectant l’anonymat et l’intimité pour que puissent se dessiner devant vos yeux des personnes à part entière, riches et composées de multiples dimensions. L’être dans toute sa magnifique complexité intrinsèque. Voici les portraits des personnes interviewées.

6.6.1. Succincte présentation d’Alice

Alice est une jeune femme enceinte âgée de vingt-neuf ans. Ses parents sont d’origine italienne. Sa mère, née en Suisse, travaille comme secrétaire médicale. Son père, chauffeur de taxis, est arrivé à Genève pendant son adolescence. Elle a un frère de deux ans son aîné, avec qui elle entretient des rapports complices. Toute sa famille est très unie. Durant son enfance, son environnement familial sain lui a permis de s’épanouir en toute quiétude sous le regard bienveillant de ses parents. La famille a toutefois connu des moments difficiles lorsque le père s’est retrouvé au chômage suite à la faillite de son magasin. De plus, le père d’Alice avait de la peine à comprendre que sa fille puisse rencontrer des difficultés dans les apprentissages scolaires.

Petite fille rêveuse et timide, elle adorait, des heures durant, jouer avec ses

« Barbies » et ses « Popol’s » dans un monde paradisiaque fabriqué selon son idéal d’enfant. Sa scolarité s’est déroulée dans la campagne genevoise au sein d’une école publique accueillant des enfants issus de familles aisées ainsi que de la classe moyenne. Les enfants de nationalités étrangères y faisaient encore figure d’exceptions. Elle s’est vue contrainte de doubler sa deuxième primaire. Tout le reste de sa scolarité s’est déroulé sans grand éclat. Elle ne se sentait pas vibrer de la fibre estudiantine et avait de la peine à se conformer au système et aux exigences d’excellence de l’école. Après le cycle d’orientation, elle a suivi deux ans d’études à l’Ecole de Culture Générale et y mit un terme avant la troisième année, n’ayant plus le courage de continuer dans cette voie qui ne lui correspondait guère. Elle se lança dans des études de médecine parallèle et devint après plusieurs années masseuse professionnelle. Pendant la même période, afin de financer son école privée, elle exerça divers petits emplois. Elle fut, tour à tour, « Mary Poppins » en s’occupant de deux petites filles à leur domicile, emballeuse d’objets de vente par correspondance, vendeuse dans un magasin diététique. Depuis plusieurs années, elle exerce en tant qu’aide soignante non qualifiée dans une maison de retraite et s’apprête dans un proche avenir à suivre une formation qui lui donnera le titre d’assistante en soins communautaires.

6.6.2. Succincte présentation de Fabienne

Fabienne a vingt-cinq ans au moment de l’entretien. Issue d’une famille genevoise, son père est technicien dentiste et sa mère assistante dentaire. Elle a une sœur, plus âgée de trois ans. Sa jeunesse s’est déroulée dans un cadre familial harmonieux où elle se sentait en sécurité. D’un naturel timide mais gai, elle s’entendait bien avec son entourage et les adultes en général.

Elle a suivi sa scolarité obligatoire à la campagne, dans une école publique avec des camarades issus pour la plupart de milieux aisés.

A la fin de sa scolarité obligatoire, elle a étudié deux ans à l’Ecole de Culture Générale, suivis d’une année sabbatique avant de terminer son cursus.

N’ayant pas encore défini son projet professionnel, Fabienne a effectué différents travaux temporaires avant de se retrouver au chômage à l’issue de son dernier travail dans une crèche, suite à des problèmes relationnels.

Actuellement, attirée par le domaine social, elle étudie en première année à l’Institut d’Etudes Sociales à Genève.

6.6.3. Succincte présentation de Christelle

Christelle, qui a vingt-deux ans au moment de l’entretien, a vu le jour à Genève. Son père, né à Château d’Oex est horloger et sa mère, d’origine française mais ayant toujours résidé à Genève, exerçait le métier de décoratrice.

Sa jeunesse s’est déroulée dans un cadre familial normal. Cependant, la naissance de sa sœur, de cinq ans sa cadette, qu’elle désirait pourtant, lui a causé passablement de problèmes. Sa mère, ayant accouché le jour de ses premières promotions scolaires, n’a pas pu assister à la cérémonie, d’où un sentiment naissant d’injustice et de mise à l’écart qui a toujours nui à ses relations avec sa petite sœur, sur laquelle se reportait toute l’attention de ses parents et des tiers.

Ses relations avec son père étaient un peu tendues lors de sa scolarisation, Christelle ne montrant que peu d’intérêt pour les études, qu’elle suivit à l’école publique genevoise. Au sein de son établissement scolaire, le redoublement n’était pas cautionné. Les élèves qui avaient de la facilité se voyaient motivés et soutenus par les enseignants, tandis que ceux qui se trouvaient en difficulté étaient laissés pour compte. Dans sa classe régnait un climat de compétition entre les écoliers. Christelle termina sa scolarité obligatoire en obtenant des résultats modestes sans toutefois redoubler.

Après deux ans passés à l’Ecole de Culture Générale, Christelle entreprit un apprentissage d’assistante en pharmacie de trois ans et obtint son certificat avec de bonnes notes. Cependant, durant cette période elle eut à subir le mobbing du gérant de la pharmacie, à l’instar de ses collègues dont dix sur un effectif de douze quittèrent leur emploi. Cet épisode lui a fait se sentir à nouveau le bouc émissaire, d’autant plus qu’elle était une apprentie et non pas professionnelle diplômée. Elle a éprouvé le sentiment d’être injustement traitée, dénigrée et impuissante.

Tombée enceinte avant la fin de son apprentissage, son employeur ne lui proposa pas d’engagement et Christelle se retrouva au chômage pendant dix-huit mois. A l’issue de cette période, elle retrouva un emploi mais le quitta après trois mois, suite à des problèmes relationnels.

Christelle se décrit comme une personne gentille mais à caractère fort, qui a appris à se construire une « carapace » depuis son enfance. Petite, elle s’entendait relativement bien avec les adultes, sauf ceux qui représentaient une figure d’autorité.

Elle aimait beaucoup jouer, grimper aux arbres, danser, rigoler et ne pas penser aux études. Elle se rêvait parcourant le monde telle une aventurière.

6.6.4. Succincte présentation de Julie

Julie est issue d’un milieu aisé, née à Genève en décembre 1952 d’un père luxembourgeois et d’une mère anglaise travaillant tous deux dans une organisation internationale. Son frère a vu le jour en Angleterre en août 1955. Elle a été essentiellement élevée par sa grand-mère maternelle, qui vivait avec eux, sa mère travaillant à plein temps pendant que ses enfants étaient petits. Plus tard, en plus de son travail, lorsque les enfants ont été adolescents, la maman a entrepris des études universitaires par correspondance qui ont duré six ans. Pendant cette période, les enfants n’ont quasiment pas vu leur maman qui passait le plus clair de son temps après le travail à étudier. La grand-mère était celle qui assurait le suivi de l’intendance de la maison, aidée de diverses jeunes filles au pair. Julie nous dit avoir eu une vie de famille très heureuse et sécurisante malgré des ressentiments qu’elle a pu éprouver contre sa mère à l’adolescence.

C’est à l’école seulement que Julie a commencé à apprendre le français. En effet, chez elle, on parlait anglais et allemand. L’école primaire qu’elle a fréquentée était de type populaire. La majorité des élèves de sa classe étaient issus du milieu ouvrier, certains d’entre eux étaient même des enfants orphelins ou retirés de leur famille, qui vivaient en institution. Elle a obtenu une dérogation pour commencer l’école plus tôt, à un peu plus de quatre ans et demi au lieu de cinq. Elle a senti très rapidement un décalage entre elle et les autres élèves, d’une part parce qu’elle appartenait à une classe sociale élevée et, d’autre part parce qu’elle était une étrangère qui ne parlait pas un traître mot de français. Enfin parce qu’elle s’est rapidement trouvée première de classe et par la même occasion « chouchou » des enseignants. Elle se souvient de l’école primaire comme d’une période malheureuse de sa vie.

Petite fille, elle entretenait de bonnes relations avec tous les adultes. Elle se décrit comme une enfant sage qui faisait figure de fillette modèle. Elle aimait déjà lire et utiliser des mots compliqués. Elle adorait les animaux et dessinait très bien. Ses rêves

étaient ambitieux, elle s’imaginait, tour à tour, interprète, avocate, artiste peintre ou vétérinaire. Studieuse à l’école, elle a toujours été encouragée par sa famille.

Suite à l’école primaire, elle est allée à l’école préparatoire des jeunes filles durant deux ans. Puis l’enseignement mixte a été institué. Alors elle a suivi des cours au collège pendant deux ans. Ayant rencontré des difficultés, elle a fini ses classes dans l’enseignement privé à l’école Moser où elle a obtenu une maturité fédérale. Depuis 1975, elle est titulaire d’une licence en sciences commerciales et industrielles.

Après l’université, elle a exercé divers emplois de courtes durées dans un fiduciaire, une banque avant de se fixer dans le domaine du crédit. Actuellement, elle cumule deux activités professionnelles, une en tant qu’analyste financière et l’autre comme traductrice de programmes et d’applications.

6.6.5. Succincte présentation de Benjamin

Benjamin est fils unique, né à Yverdon d’un père assistant social et d’une mère vietnamienne. Il a vingt-six ans au moment de l’entretien. Ses parents se sont connus vers la fin des années septante dans le cadre de l’activité professionnelle de son père, qui accueillait des réfugiés « boatpeople », victimes de la guerre du Vietnam. Sa mère a toujours été femme au foyer.

Benjamin n’a pas connu de problèmes particuliers lors de sa jeunesse, sinon la maladie de sa mère, atteinte de tuberculose dont elle a guéri après quelques années, mais qui l’a empêchée de s’occuper de lui et notamment de lui apprendre sa langue maternelle.

En tant que fils unique, Benjamin était le centre de la terre pour ses parents qui nourrissaient de grandes ambitions pour son futur et par conséquent s’investissaient beaucoup dans sa formation scolaire, qu’il suivit à Yverdon. Dans ses premières années de scolarisation, Benjamin a répondu à ces attentes. Elève modèle, il n’avait pas de difficultés et était très apprécié de ses professeurs, ce qui, en contrepartie, le marginalisait un peu par rapport à ses camarades. L’attitude interventionniste de ses parents y contribuait également. Ses manières précieuses et son aisance verbale, en dépit de sa petite taille et son air « jeunet », lui attiraient les railleries des autres élèves. Il se décrit comme un enfant qui était « gentil dans l’âme mais un peu naïf ».

Arrivé au niveau prégymnasial, c’est-à-dire dès l’âge de douze ans, ses notes commencèrent à se dégrader, ce qui l’amena à redoubler deux ans plus tard. Il

abandonna les études et connut un passage à vide, la petite délinquance et la révolte contre la pression parentale et le système scolaire. De dix-sept à vingt-deux ans il se marginalisa en adoptant un style androgyne car il « aimait bien créer la confusion chez les gens ».

Amateur de tennis, sport dans lequel ses parents le poussaient et le soutenaient, il cessa également cette activité. Après ce passage à vide, désireux de mettre un terme à ses échecs, il s’inscrivit dans une école de multimédia à Fribourg et obtint son diplôme. Jusqu’à 22 ans, il se familiarisa avec le domaine de l’audio-visuel.

Il déménagea à Genève et prit un emploi dans une entreprise où il exerce le métier d’infographiste.