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3. La recherche

3.2 L’autoconfrontation croisée

3.2.1 Présentation du contexte

Une autoconfrontation croisée filmée a été réalisée le 15 mars 2018 avec deux mentors travaillant dans la région de Fribourg. Ces deux mentors (que nous appellerons par des prénoms d’emprunt Clément et Luc) ont immédiatement accepté de se prêter au jeu de l’autoconfrontation croisée.

Le choix et le profil des mentors

L’idée initiale était de ne pas contacter de mentors travaillant dans le même établissement que moi ou dans un même établissement entre eux (afin d’éviter d’avoir des pratiques trop proches). C’est la raison pour laquelle il a été décidé de contacter Luc (que j’avais rencontré dans le cadre d’une soirée d’échanges sur le mentorat) et Clément (dont le contact m’a été donné par un accompagnateur IFFP qui l’avait rencontré dans le cadre d’un accompagnement). Le simple fait que Luc et Clément m’aient été soit conseillés ou aient été rencontrés dans le cadre de soirées d’échanges place d’emblée le profil de ces deux mentors comme étant des personnes intéressées et réflexives sur leurs pratiques.

Les deux mentors pratiquent depuis plus d’une dizaine d’années et ont tous deux suivi la formation sur l’accompagnement proposée par l’IFFP (voir chapitre 2.2.3).

Nous ne savions pas avant de débuter l’activité si ces deux mentors se connaissaient déjà (nous avons appris par après que ça n’était effectivement pas le cas), mais en contactant deux mentors d’établissements différents, le souhait était bien de faire en sorte, comme proposé par Clot (2000, p. 3) de faciliter l’émergence des styles différents.

La préparation avant l’autoconfrontation croisée

Après la première prise de contact des mentors, il leur a été demandé de se filmer lors d’un entretien post-visite de leçon avec leur mentoré. L’importance de l’anonymat (tant pour eux que pour leur mentorés) a été clairement mise en évidence.

Selon les conseils de Clot (2000) : « Il importe de filmer chaque membre du groupe dans des situations aussi proches que possible les unes des autres » (p. 4). La même consigne a ainsi été donnée aux deux mentors.

La semaine avant la rencontre prévue pour l’autoconfrontation croisée, les mentors m’ont transmis leurs vidéos :

 Pour Luc : une vidéo d’un entretien de 20 minutes avec un mentoré.

 Pour Clément : deux vidéos (durée 1h20 et 1h40) avec deux mentorés différents.

Des extraits qu’ils souhaiteraient analyser en commun sont également proposés par chacun des mentors.

Premières constatations

La différence de durée des vidéos est immédiatement à relever. L’activité filmée étant pour les deux mentors basée sur un entretien de même nature, le ratio de 1 sur 5 entre la durée de la vidéo de Luc et la plus longue de Clément interpelle.

En visualisant les vidéos, nous constatons que nous avons là à faire à deux mentors expérimentés mais dont les genres sont relativement différents. Hennissen (2007, p. 177) propose le modèle MERID pour déterminer les différentes postures des formateurs durant les entretiens :

Figure 9 Modèle MERID traduit en français par K. Balslev

En plaçant nos deux mentors sur ce modèle, nous constatons que Clément est généralement dans la zone

« Encourageur » alors que Luc est plus directif (souvent entre les rôles de « Conseilleur » ou

« d’Imperator »). Ceci explique certainement en partie la différence de temps nécessaire pour réaliser les entretiens (l’encourageur laissant plus de temps au mentoré pour développer sa réflexion, le conseilleur guidant plus le mentoré dans sa réflexion).

Sans jugement de valeur entre les deux mentors, ces différences seront ainsi particulièrement intéressantes à confronter lors de notre rencontre.

La sélection des extraits à analyser

Vial et Caparros-Mencacci (2007, p. 247) parlent de trois types d’entretiens différents menés dans le cadre des entretiens d’accompagnement : entretien compréhensif, entretien clinique, entretien d’explicitation.

Les accompagnateurs doivent être à même de maitriser ces trois types d’entretiens pour les utiliser en fonction des besoins. Dans les différents extraits reçus de la part des mentorés, il apparait rapidement qu’un mélange de ces différents entretiens y est présent.

Dans un premier temps, pour sélectionner les extraits à analyser en commun, j’ai visualisé seul les différentes vidéos pour y rechercher des points communs ou des différences sur lesquelles nous tenterons de travailler lors de l’autoconfrontation croisée. Après cette analyse un modèle de déroulement commun des entretiens de mentors s’est dessiné. En effet, les mentors, sur les trois vidéos reçues mènent leur entretien d’une manière chronologique relativement proche en passant par les étapes suivantes : une période de mise en train (avec l’accueil et la préparation de la séance), une auto-évaluation de l’enseignant novice sur sa leçon, des conseils donnés par le mentor et la définition des objectifs pour la suite.

Ces étapes se dessinent de manière très claire dans l’entretien mené par Luc mais de manière moins nette pour les entretiens de Clément (on revient par exemple fréquemment sur de l’auto-évaluation du mentoré lors des conseils donnés par le mentor). Ce même modèle est néanmoins identifiable à tous les entretiens visionnés. La répartition de la durée de chaque partie diffère par contre grandement entre les mentors et même entre les deux entretiens menés par Clément :

Tableau 19 Durée des étapes dans les entretiens de mentorat

Vidéo de Luc Vidéo 1 Clément Vidéo 2 Clément Mise en train 00 :06 :20 (32%) 00 :05 :22 ( 7%) 00 :40 :00 (40%) Auto-évaluation 00 :03 :15 (16%) 00 :58 :38 (73%) 00 :25 :00 (25%) Conseils 00 :05 :50 (29%) 00 :12 :00 (15%) 00 :13 :00 (13%) Objectifs 00 :04 :29 (23%) 00 :04 :00 ( 4%) 00 :21 :00 (21%)

L’équilibre entre ces quatre étapes n’est pas le même entre la vidéo de Luc (où chaque étape prend une durée relativement équivalente) et celles de Clément (où la mise en train et l’auto-évaluation prennent à chaque fois une importance prioritaire). Ces différences seront à mettre en évidence lors de l’autoconfrontation croisée.

Les différences de profil déjà relevés précédemment entre Luc (plus directif) et Clément (plus encourageur) expliquent certainement ces différences importantes.

Au niveau de la posture et des types d’entretiens présents dans les vidéos, cette première analyse nous permet également de relever les différents types d’entretiens utilisés. La période de mise en train est dans l’ensemble proche d’un entretien compréhensif (Vial et Caparros-Menacci, 2007, p. 247) alliant l’empathie, le respect, la présence à l’autre, l’orientation.

La période d’auto-évaluation de l’enseignant novice se rapproche de l’entretien d’explicitation de Vermersch (Vial et Caparros-Menacci, 2007, p. 257) permettant d’aider le novice à prendre conscience de

ce qui s’est passé durant la leçon. On y trouve également une composante d’intropathie venant de l’entretien compréhensif.

Le moment de conseil et la fixation des objectifs sont proches des entretiens compréhensifs avec la composante de présence à l’autre. Vial et Caparros-Menacci (2007) insistent sur le fait que :

« l’accompagné attend que l’accompagnant sorte de sa tour d’ivoire, qu’il quitte son rôle froid de strict poseur de questions, qu’il se manifeste en tant que personne humaine ayant des avis et des sentiments » (p.

247). D’un autre côté, Lhôtellier (2007, p. 99) met en garde contre un risque « d’anesthésie sociale » en offrant tous les conseils sur un plateau sans passer par un questionnement critique foisonnant. Cet instant est ainsi délicat et sera particulièrement intéressant à analyser.

De plus durant la totalité des entretiens, de nombreux liens sont également à tirer avec les entretiens cliniques (des reformulations, des exemples d’interprétation, des questions ciblées).

Ainsi, il n’est pas possible de ne définir qu’un unique type d’entretien, tous les extraits reçus étant un mélange de ces trois modèles. La formation dispensée par l’IFFP (et suivie par nos deux mentors) contenant la connaissance de ces types d’entretiens, nous pouvons partir du principe qu’ils sont connus et maitrisés. L’autoconfrontation croisée le confirme, les mentors indiquant à plusieurs reprises leurs intentions en laissant parler les mentorés, en cherchant à les faire expliciter la situation vécue.

Suite à cette première analyse, j’ai ainsi décidé de sélectionner des extraits spécifiques sur les vidéos en fonction de ces différents moments clés des entretiens : la mise en train, l’auto-évaluation, les conseils et la définition des objectifs. L’objectif sera ainsi de visionner à la suite les mêmes moments avec les mentors pour plus facilement en relever les différences, les consensus et ainsi provoquer une discussion intéressante.

Clément ayant transmis deux vidéos différentes, à chaque fois deux extraits de Clément ont été retenus et un seul de Luc. La sélection des différents extraits se trouve en annexe de ce document.

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