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9. Préambule de la partie empirique

9.4. Présentation des études

Afin de décrire les souvenirs des membres du personnel infirmier de l’épisode de la grippe pandémique de 2009 et de sa campagne de vaccination au sein de l’hôpital ; dans le but de relever si parmi ceux-ci, certains révèlent des attitudes sceptiques envers les maladies infectieuses émergentes ; enfin, en vue de considérer l’effet de l’adoption de telles attitudes sceptiques sur les intentions de vaccination du personnel infirmier, cette thèse repose sur deux études que je propose d’introduire maintenant.

La première étude a été conduite à l’aide d’entretiens individuels semi-structurés. L’intérêt de ce type d’entretiens réside dans le fait de pouvoir récolter des récits d’expériences, des impressions et des interprétations formulés par les interlocuteurs. Ce type de méthode permet donc à l’interlocuteur ou l’interlocutrice de mettre en avant les événements qu’ils l’ont personnellement marqué(e)s, sans être trop orienté(e) par les options de réponses fournies par l’enquêteur, comme dans le cas d’un questionnaire (Quivy & Campenhoudt, 1995). De nature exploratoire, ces entretiens ont pour but de « mettre en lumière des aspects du phénomène étudié auxquels le chercheur n’aurait pas pensé spontanément lui-même » (Quivy & Campenhoudt, 1995, p. 63). Il est possible, en effet, que le vécu de l’épisode de la grippe pandémique au sein

des hôpitaux par le personnel infirmier et les organisateurs des campagnes de vaccination ait laissé des souvenirs dont les composantes ont des effets sur leur comportement de vaccination contre la grippe qui n’ont pas encore été documentés. Ces entretiens exploratoires permettent ainsi de tenir compte de certains aspects de l’épisode pandémique au sein des hôpitaux qui n’ont pas encore été abordés dans la littérature scientifique, ou dont j’ignorais jusque-là la portée. Au travers de l’analyse des entretiens, cette étude vise à rendre compte, dans un premier temps, de la manière dont les membres du personnel infirmier et certains organisateurs des campagnes de vaccination5 d’hôpitaux régionaux suisses se rappellent avoir vécu la campagne de vaccination au sein de l’hôpital lors de la pandémie de grippe de 2009 et l’instauration d’autres mesures d’hygiène, comme le port du masque de protection. Il est aussi question de saisir la façon dont ces deux catégories de professionnels de la santé rattachent leur expérience et leur ressenti de l’épisode pandémique sur leur lieu de travail à leur décision de vaccination.

En recueillant et en analysant le discours réflexif sur l’épisode pandémique tenu par les organisateurs des campagnes de vaccination, cette étude compare leurs perspectives sur la gestion de la pandémie au sein de l’hôpital ainsi que sur la vaccination contre la grippe à celles du personnel infirmier. En incluant le discours des organisateurs des campagnes de vaccination, cette première étude apporte une perspective supplémentaire par rapport aux objectifs de cette thèse principalement intéressée par le personnel infirmier. La perspective comparative de cette étude favorise la compréhension des divergences de points de vue entre, d’un côté, ceux qui mettent en place les mesures de protection et qui veillent à ce qu’elles soient appliquées, et, de l’autre côté, ceux dont le rôle consiste à les appliquer dans leurs tâches professionnelles quotidiennes. Une meilleure compréhension des divergences de points de vue constitue un premier pas vers une meilleure coordination de ces deux catégories de professionnels de la santé en cas de situation pandémique similaire.

Cette étude par entretiens semi-structurés renseigne sur le sens conféré à l’épisode de la pandémie de grippe A/H1N1 par les membres du personnel infirmier et les organisateurs des campagnes de vaccination au sein des hôpitaux. La nature qualitative de cette étude favorise l’expression des souvenirs et des ressentis rattachés au vécu de la campagne de vaccination contre la grippe pandémique de 2009. Les membres du personnel infirmier interrogés ont été

5 Parmi les organisateurs des campagnes de vaccination que nous avons interrogés, tous n’étaient pas issus du

corps médical. Il y avait des infectiologues, des internistes, un adjoint de la direction des soins, des médecins du travail, un infirmier du travail, une infirmière responsable de la prévention et du contrôle des infections, un directeur médical ; raison pour laquelle j’appelle cette catégorie, les organisateurs de la campagne de vaccination.

amenés à s’exprimer non seulement sur leur souvenir de l’épisode pandémique en général, mais aussi et surtout sur la mise en place de la campagne de vaccination et de mesures d’hygiènes inédites au sein de leur lieu de travail et des conséquences de celle-ci sur leurs activités professionnelles quotidiennes durant la période pandémique. Ces entretiens visaient à recenser les attitudes du personnel infirmier envers la vaccination contre la grippe, tant saisonnière que pandémique.

Contrairement aux approches dominantes de perception du risque et des comportements de santé, celle que je propose donne lieu à la prise de conscience de l’influence de facteurs organisationnels liés aux activités professionnelles du personnel infirmier hospitalier sur la prise de décision de vaccination contre la grippe. Enfin, les analyses des entretiens permettent de déceler les éléments de discours se rapportant à des attitudes sceptiques des membres du personnel infirmier envers la grippe saisonnière ainsi qu’envers une nouvelle grippe pandémique.

Les conclusions de cette première étude exploratoire ont servi de support informationnel pour la construction d’une partie du questionnaire de la deuxième étude, notamment en ce qui concerne les questions relatives aux expériences du personnel infirmier de la campagne de vaccination de 2009 et aux facteurs organisationnels susceptibles d’influencer les processus décisionnels en matière de vaccination contre la grippe saisonnière et contre une nouvelle pandémie. Surtout, les conclusions de cette première étude ont révélé l’existence et la nature des attitudes sceptiques au sein du personnel infirmier dont les composantes ont été extraites pour la construction d’une échelle de scepticisme envers les maladies infectieuses émergentes, utilisée dans l’étude par questionnaire.

La deuxième étude a été réalisée au travers de questionnaires destinés aux membres du personnel infirmier d’hôpitaux de Suisse romande. Elle documente les conséquences du vécu de l’épisode de la grippe pandémique au sein de l’hôpital et des attitudes sceptiques sur les processus décisionnels en matière de vaccination contre la grippe saisonnière et contre une nouvelle grippe pandémique. L’originalité de cette étude réside principalement dans la prise en compte des facteurs organisationnels, tels que le vécu de la campagne de vaccination au sein de l’hôpital, et de facteurs psychosociaux tels que les attitudes sceptiques envers les maladies infectieuses émergentes jusque-là négligés par la littérature scientifique.

Cette étude intègre dans son investigation les questions liées à la perception du risque, ainsi que celles sur la vaccination en tant que devoir professionnel du personnel infirmier. En ce sens,

cette étude quantitative réitère les approches dominantes de perception du risque et les interrogations de l’étude de Falomir-Pichastor et al. (2009) sur le lien entre le sentiment d’appartenance à la profession infirmière, le fait de considérer la vaccination comme un devoir professionnel et les intentions futures de vaccination. Néanmoins, l’étude propose d’aller au- delà de ces terrains de recherche déjà bien balisés en y ajoutant les composantes du souvenir de l’épisode pandémique, de la campagne de vaccination et des mesures de contrôle, ainsi que celle des attitudes envers les maladies infectieuses émergentes.

10. Étude 1 : Comment le personnel infirmier et les organisateurs des