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Chapitre III – L‟élevage en Uruguay

3.5 Une forte présence de l‟Etat ; 1930-1978

De 1930 à 1960

Dès le début de la décennie des années 30, divers auteurs ont identifié ce qui a par la suite été connu sous la dénomination de « stagnation dynamique »

de l‟élevage bovin et de l‟agriculture en Uruguay. En résumé, il n‟y a eu aucune évolution des indicateurs technologiques jusqu‟au milieu des années 1980, alors que des augmentations notables de productivité de cultures étaient enregistrées. Ce n‟est que dans les années 1990 que toute une série de changements s‟est produit dans l‟élevage bovin, comme la diminution de l‟âge à l‟abattage et une modeste augmentation des taux de production qui ont ouvert une nouvelle période. Au début de la décennie de 1990, la production de bovin à l‟abattage ne dépassait pas en nombre de têtes celle qui existait 70 ans auparavant. Nous analyserons ce processus plus avant dans ce travail.

Les facultés d‟Agronomie et Vétérinaire avaient été fondées au début du siècle avec une forte présence d‟enseignants européens. L‟application de la science dans l‟agriculture a pris une impulsion plus importante en 1913 lorsque le « Instituto Fitotécnico y Semillero Nacional La Estanzuela », a été fondée dans le département de Colonia (Boerger 1928), centre du secteur agricole. Pendant plus de 50 ans elle a été dirigée par Alberto Boerger, technicien allemand qui est sans aucun doute l‟un des fondateurs de l‟Agronomie en Uruguay. Boerger, après un passage par Cerro Largo, région d‟élevage qu‟il ne considérait pas comme idéale pour ses travaux, s‟est installé à Colonia. Initialement, ses travaux se sont surtout développés autour de cultures céréalières. Toutefois, son attention a été attirée par les problèmes d‟élevage qu‟il a commencé à analyser selon des critères agronomiques, c‟est-à- dire par rapport aux cultures fourragères. Progressivement, il est devenu évident que la limitation de la productivité de l‟élevage était causée par la croissance des pâturages. Il a alors réalisé plusieurs études par rapport à l‟usage de pâturages semés, se restreignant à des cultures annuelles et à des espèces fourragères comme la luzerne qui exige une qualité de sol qui n‟existe que dans quelques endroits en Uruguay (Boerger 1928; Mullin 1935). Parallèlement, une série d‟études sur la caractérisation botanique et la description des quantités et de la qualité du fourrage produit par la prairie

normes de gestion appliquée a également été produit (Pereira 2002). Plus largement, comme cela a été le cas au niveau international (Lynam y Dangerfield 1999, O‟Reagain et al. 2003, Bayer et Sloane 2002), les études académiques sur les pâturages ou les prairies naturelles ont amené une amélioration des normes empiriques, crées au travers d‟essais et d‟erreurs sur des années et des générations.

Dans la période après la IIème guerre Mondiale, la mécanisation de l‟agriculture s‟est développée. Ce processus a été extrêmement rapide, le nombre de tracteurs a été multiplié par 7 en 10 ans, et est passé de 3.000 en 1946 à 21.000 en 1956. Cela a sans aucun doute constitué une révolution importante dans la production agricole, avec des changements impressionnants quant à la productivité de la main d‟œuvre. Des compétences d‟origine urbaine associées à la motorisation ont été fortement valorisées dans le domaine agricole, ce qui a entraîné une forte expansion de la surface agricole au cours de cette décennie. L‟expansion agricole maximum a été atteinte en 1957 avec 1.814.000 ha (MGA 1963).

L‟Europe se reconstruisait après l‟IIème Guerre Mondiale, et la Guerre de Corée a signifié une croissance importante de la demande de produits agricoles, comme le lin et le blé. L‟Institut National de Colonisation a été fondé à cette époque. Celui-ci promouvait, de façon très claire, un modèle européen d‟agriculture familiale s‟appuyant sur une production de cultures d‟hiver. De nouvelles aires de cultures, plus au Nord du pays, ont été mises en place et la perception selon laquelle l‟agriculture était synonyme de progrès s‟en est trouvé renforcée. L‟élevage, notamment extensif, avec sa maigre productivité, un faible usage d‟intrants et de main d‟œuvre, apparaissait comme pas du tout convenable face à des usages plus intensifs de la terre, à l‟exemple des cultures ou la production croissante de lait. Cette dernière a doublé entre 1948 et 1960, à cause de politiques de promotion et des changements associés à l‟urbanisation progressive de la population. Dans la même période, le lait envoyé à l‟industrie a vu son volume multiplié par 6, s‟approchant du million de

litres par jour en 1960 (MGA 1963). Cette production s‟appuyait sur les cultures fourragères annuelles et l‟utilisation de suppléments concentrés. La consolidation d‟un « paquet technologique » associée à l‟accroissement de l‟usage de légumineuses, qui allait brusquement s‟accélérer vers le début des années 70, n‟avait pas encore eu lieu.

Cette période, comme nous l‟avons déjà dit, se caractérise par une forte présence de l‟Etat à toutes les étapes. Nous pouvons dire qu‟elle a commencé avec la fondation par le gouvernement du Frigorifique National en 1928, qui cherchait alors à contrôler le monopole des firmes anglo nord-américaines. La production de semences améliorées, l‟administration des grands services publics comme les trains, les crédits, les centres de stockage, la chaîne du froid, le contrôle des prix des matières premières et de la consommation etc., ont été directement mis en œuvre par l‟Etat.

En ce qui concerne la production bovine, il est évident, et ce à divers niveaux, que le défi consistant à augmenter la productivité des pâturages a entraîné un important débat, qui entre autres choses, a amené l‟envoi par le gouvernement de missions de « notables » à l‟étranger – Océanie, USA et Europe – dont le but était d‟étudier la présence de technologies qui pouvaient être appliquées en Uruguay. En outre, les tractations consistant à mettre en œuvre des projets nationaux de « développement de l‟élevage» ont commencé à devenir plus fortes d‟après « l‟exemple de la Nouvelle Zélande », pays dont les caractéristiques semblaient très similaires à celles de l‟Uruguay. Ce pays montrait alors une productivité et un dynamisme technologique dans le secteur de l‟élevage, matières de discussions pour une possible croissance.

La population agricole et le nombre de propriétés ont atteint leur maximum historique en 1951. Cette année-là, le Recensement a révélé une population rurale de plus de 450.000 personnes, ce qui a constitué un maximum absolu. Elle a ensuite commencé à diminuer.

du pays en matière sportive avec la victoire en finale de la Coupe du Monde de football auMaracaná.

De 1960 au milieu des années 80

Dès cette époque, la grande révolution qu‟avait signifiée la mécanisation avait perdu de sa force et une série de caractéristiques déjà présentes ont progressivement montré les limites du fonctionnement qui s‟était développé lors de la phase antérieure.

Le rendement des cultures était très pauvre, et le pays était à la traîne du reste du monde. En outre, le marché qui était considéré comme insatiable – le marché européen – se fermait progressivement et demandait de moins en moins de produits alimentaires. De plus, vers la fin de cette période, les pays riches étaient devenus de forts concurrents pour les produits provenant de climats tempérés, comme ceux que vendait l‟Uruguay (Peixoto et Paolino 1982). La consolidation de l‟unité européenne, la croissance de la production et l‟apparition d‟importants surplus exportables sur le marché international, à des prix très bas, mettaient l‟Uruguay en position de hors jeu et soulevaient des interrogations quant à son insertion internationale. Le marché international des produits agricoles d‟origine tempérée, les céréales, le lait et la viande, subissaient de fortes transformations dues au protectionnisme croissant des pays de l‟Europe et des Etats-Unis. La séparation du marché mondial de viande en zones avec et sans fièvre aphteuse – qui privilégiait les pays de l‟Océanie – s‟est consolidée avec la loi américaine d‟Importation des Viandes en 1964 (Pérez Arrarte 1982). La crise a eu de multiples manifestations, comme l‟abandon du pays par la totalité des industries frigorifiques étrangères à partir de 1958 (Castellanos 1972).

En même temps, le modèle de substitution des importations s‟est épuisé et d‟importants problèmes politiques sont apparus, avec l‟arrivée d‟un

gouvernement militaire (1973), l‟augmentation de l‟émigration et de fortes tensions sociales.

Au début des années 60, une revalorisation de la recherche agronomique a eu lieu avec une amélioration des infrastructures et une augmentation des investissements. De nouvelles stations expérimentales ont été mises en place et le nombre de chercheurs a été élargi au niveau national. Ceux-ci envisageaient de produire des connaissances qui allaient permettre de résoudre la stagnation qui devenait de plus en plus inacceptable. La « Commission Honoraire du Plan Agropecuario », branche du Ministère de l‟Elevage, a été mise en œuvre et a compté sur la participation de représentants des associations d‟éleveurs. Avec des financements de la Banque Mondiale et une présence dans tout le pays, la commission promouvait des méthodes de croissance de la production basée sur l‟usage de légumineuses, sous forme de cultures spéciales ou de rajout au pâturage naturel grâce à différentes méthodes. Le modèle néo-zélandais a beaucoup influencé ce processus, qui prenait forme par une exigence de la Banque Mondiale qui établissait que la direction du projet devait être prise par un technicien néo-zélandais ou australien, même si beaucoup d‟entre eux ne parlaient même pas l‟espagnol. Le premier et le plus connu de ceux-ci, McMeekan, prédisait que les résultats de la technologie proposée seraient spectaculaires. Jusqu‟à la fin des années 80, une série de prêts qui finançaient différents améliorations dans les exploitations ont été débloqués, comme pour les clôtures, l‟irrigation et surtout les engrais et les semences. On comprenait que le phosphore combiné aux légumineuses avait le potentiel de changer substantiellement la production, à travers l‟amélioration progressive des sols due à l‟activité des légumineuses. A cela était associé toute une série de techniques de gestion des animaux qui permettaient d‟améliorer la récolte de fourrage.

La difficulté d‟appliquer, sans les adapter, des technologies et certaines variétés fourragères venant d‟autres continents, a pris un certain temps avant

du programme (Finch 2005). A la fin des années 70, le rapport « Jarvis » indiquait que les techniques proposées avaient bien été diffusées, elles étaient largement connues par les éleveurs et avaient été très essayées. Il concluait qu‟elles avaient atteint un niveau qui pouvait se situer autour de 12% de la surface national. Plus de 70% des propriétés qui comptaient plus de 200 ha avaient obtenu des crédits, sous contrôle du Plan Agropecuario (Alonso et Pérez Arrarte 1981). Trente ans plus tard, cette « surface améliorée » est, à peu de chose près, restée la même.

3.6 La libéralisation économique et un nouveau scénario