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Chapitre III – L‟élevage en Uruguay

3.6 La libéralisation économique et un nouveau scénario international

En 1969, le gouvernement a décidé d‟abandonner le monopole d‟Etat de l‟approvisionnement à Montevideo, qui jusqu‟alors était détenu par les Frigorifique National (Alonso 1982). Ainsi, commençait un processus qui ne s‟achèverait qu‟à la fin des années 70 : le retrait progressif de l‟État, d‟où d‟importantes conséquences sur l‟élevage avec les « mesures d‟Août 78 ». L‟État a annoncé qu‟il n‟interviendrait plus sur le cours des prix de la viande bovine à l‟abattage, a fermé les frigorifiques sous tutelle de l‟Etat et a éliminé les restrictions au commerce intérieur de viande, entre autres mesures complémentaires.

Les éleveurs comprenant qu‟ils avaient toujours été perdants du fait de l‟intervention de l‟Etat, ont commencé à croire à une importante amélioration des résultats de leurs exploitations. Les éleveurs ont alors dû faire face à une offre financière non négligeable provenant de la remise en circulation des fonds du premier choc pétrolier de 1973. Ces deux faits ont entraîné une forte rétention de bovins et un endettement qui a conduit à la grande campagne d‟abattage de l‟année de 1982, causée par des conditions de pénuries fourragères extrêmes et des besoins financiers. Ce processus de successives thésaurisations bovines et de liquidation en situation de pénurie fourragère

s‟est répété pendant au moins un siècle. Ainsi, une crise similaire avait déjà été bien décrite en 1885. Barrán et Nahum (1971) considèrent que les causes de cette crise de l‟élevage en 1885, a été due à : « l‟abondance et la sécheresse ». Cette même interprétation pourrait s‟appliquer à la crise de 1982.

En même temps que la « crise de 82 », divers analystes (Secco et Pérez Arrarte 1975) ont diffusé le modèle d‟un cycle de l‟élevage qui proposait une description cohérente et globale des énormes variations de prix qui étaient observées et qui signifiaient un passage rapide de l‟euphorie à la crise aiguë. Par exemple, le prix des jeunes génisses pouvait varier de 600% entre le

maxima et le minima d‟un « cycle d‟élevage », qui se répétait régulièrement tous les 7 ans environ. Du fait de ces variations, la valeur de la terre changeait aussi. Comme nous pouvons le voir sur la graphique 1, entre les années 1979 et 1983, le prix de la terre a baissé de 70% en dollars. Ce comportement des éleveurs, qui signifiait un ajustement de leurs ventes strictement liée à leurs besoins financiers, impliquait une thésaurisation bovine dans les pâturages lors des périodes de hausse des prix, ce qui augmentait énormément l‟offre à l‟abattage avec en conséquence une baisse des prix avec un retard de deux ans. D‟un point de vue microéconomique cela signifie que les bovins étaient gardés

un rapport inversé entre la quantité de bovins abattus et le prix des haciendas, ce qui s‟explique par la variation du prix des génisses à l‟abattage qui étaient thésaurisées ou liquidées de façon alternée (Graphique 2). Toujours d‟un point de vue macroéconomique cela provoquait une fantastique inefficacité industrielle et commerciale, à cause des fortes variations annuelles de l‟offre bovine, aussi bien en quantité qu‟en qualité.

- 500.000 1.000.000 1.500.000 2.000.000 2.500.000 3.000.000 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Vacas Novillos TOTAL Fae nado

Graphique 2 : Variation annuelle de l‟offre bovine.

Puisque ces facteurs ont largement été discutés dans tout le pays, les éleveurs ont fini par identifier dans leur comportement de thésaurisation et de liquidation périodiques l‟une des origines de la crise dont ils souffraient, et, lors de la décennie suivante un changement de comportement est devenu évident. Le rapport inversé entre l‟abattage et le niveau des prix ne s‟est plus répété. A la fin des années 90, de bons prix ont entraîné un fort abattage, dans le cadre d‟un comportement opposé à celui qui avait cours 20 ans auparavant. Et, au début des années 2000, il y avait une bonne disponibilité fourragère. Ce comportement s‟est montré très important lors de la grande crise de fièvre aphteuse en 2001. L‟interruption de l‟abattage n‟a pas causé de grands problèmes au niveau des exploitations, et une fois que les marchés et les prix

ont été récupérés, les niveaux d‟abattage ont atteint des niveaux très hauts pour l‟Uruguay.

Durant cette période, il s‟est produit des faits significatifs qui ont redéfini l‟insertion internationale de l‟élevage uruguayen. Au milieu des années 90, le pays a été internationalement reconnu comme « libre de la fièvre aphteuse sans vaccination » par l‟OIE, ce qui lui a permis d‟avoir accès aux marchés de l‟Amérique du Nord et de l‟Asie. Parallèlement au niveau du commerce international, une grande chaîne d‟exportation s‟est mise en place, des Etats- Unis au Japon, dans le cadre d‟un processus très complexe qui dure depuis lors : l‟occidentalisation de la consommation de la population asiatique qui apparaît comme énorme demandeur de viande.

Dans un premier temps, 1995-1998, cette grande chaîne d‟exportations vers cette destination – Amérique du Nord et Asie – n‟a pas été effective puisque, à cause de conjonctures macroéconomiques, une forte demande régionale est apparue. En 1998, le Brésil, le Chili ou encore l‟Argentine sont devenus d‟importants demandeurs de viande.

En avril 2001, par contagion à partir de l‟Argentine, la fièvre aphteuse a explosé, avec plus de 2000 cas recensés en à peine 20 jours. Cela a signifié une interruption totale de l‟abattage pour les exportations pendant plusieurs mois. Toutefois, le secteur de l‟élevage a montré sa capacité d‟organisation et, vers la fin 2001, a repris ses exportations vers la « zone aphteuse ». Et au mi-2003, les exportations reprenaient vers les États-Unis.

Les deux autres grandes composantes de la production des ruminants – la laine et le lait – ont subit de très importants changements au cours de cette même période.

La production de lait a probablement été la principale bénéficiaire de ces « nouvelles technologies fourragères ». L‟inclusion de légumineuses a apporté des bénéfices clairs sur deux aspects fondamentaux : l‟amélioration de la fertilité du sol et le régime des animaux. Plus tôt, dans la décennie de 1970, le

base pastorale, avait déjà été identifié. Celle-ci différait de la production néo- zélandaise sous plusieurs aspects, surtout à cause d‟une plus faible productivité des pâturages, mais aussi à cause de la situation géographique, l‟Uruguay disposant de grains et de sous-produits minotiers en abondance, ainsi que de facteurs clés de production, la terre et la main-d‟œuvre qui sont plus abondantes qu‟en Nouvelle-Zélande. La production de lait a augmenté de façon soutenue grâce à une croissance de la productivité des animaux, de la terre et de la main-d‟œuvre. Au cours des 30 dernières années, elle est passée d‟environ 1300 litres/vache/an à environ 4500 litres/vache/an.

La production de laine, elle, a eu de nombreux hauts et bas. Elle a atteint un niveau maximal vers la fin des années 50, et, ultérieurement, a subi une grande crise, pour atteindre un minimum historique au début des années 70. À partir de cette époque, la population lainière a augmenté de manière ininterrompue jusqu‟en 1997, c‟est-à-dire pendant 25 ans. Cette année-là, une inversion de la tendance s‟est produite, avec une nette préférence des éleveurs pour la production de viande bovine, plus rentable et aussi plus stable. Il y eut un développement assez compétitif, par rapport aux bovins, de la production de viande ovine à partir de jeunes animaux, mais il existe une préférence marquée des frigorifiques pour l‟abattage des bovins, ce qui rend la production de viande ovine très instable et risquée.

3.7 L’évolution récente : la forte augmentation des