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La présence d’autres clauses restrictives : clause de non-sollicitation et clause de

1. Le droit au travail : un principe sous-jacent de validité et d’interprétation des clauses

1.2 Les critères externes

1.2.3 La présence d’autres clauses restrictives : clause de non-sollicitation et clause de

En général, un contrat de travail ne comprend pas uniquement une clause de non-concurrence. Dans la majorité des jugements étudiés pour effectuer cette recherche, nous avons pu observer que celle-ci est très souvent accompagnée d’une clause de non-sollicitation et d’une clause de confidentialité. Cette triple protection peut, à première vue, soulever des questionnements puisqu’elle engendre une certaine redondance. En effet, les activités de sollicitations interdites par une clause de non-sollicitation sont généralement couvertes par une clause de non-concurrence. La sollicitation est un acte de concurrence pur et simple et est donc comprise dans les actes interdits par une clause de non-concurrence, surtout dans les cas où le travail de l’ex-employé comprend une dimension importante de gestion de clientèle424. De même, le libellé de la plupart des clauses de confidentialité d’aujourd’hui se limite souvent aux contraintes qui sont déjà couvertes par l’article 2088 C.c.Q. et son obligation de loyauté postcontractuelle425.

Par contre, une étude plus approfondie de la jurisprudence nous permet de déceler l’importance d’inclure dans le contrat d’emploi du salarié une clause de non-sollicitation en plus d’une clause de

422 C.c.Q. art. 1432.

423 M. GRENIER et M. ST-PIERRE PLAMONDON, préc., note 2,p. 62-66.

424 Voir par exemple : 9009-6256 Québec Inc. c. 9133-4722 Québec inc., préc., note 182, par. 27 : «Enfin, il

faut préciser que l’engagement de non-sollicitation se confond avec l’engagement de non-concurrence, en l’instance. En effet, l’essence même du travail de l’"AGENT" consiste à promouvoir des produits, auprès d’éventuels clients. Dans le contexte de l’affaire, la concurrence ne peut se faire sans une forme de sollicitation. Il suffit donc de traiter de la question de la non-concurrence pour couvrir les deux obligations.»

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non-concurrence. En effet, la clause de non-sollicitation et parfois celle de confidentialité426 servent en quelque sorte de «clauses de dernier recours». En effet, si la clause de non-concurrence était déclarée invalide par les tribunaux, la clause de non-sollicitation pourrait perdurer et protéger alors les intérêts légitimes de l’employeur. L’employé, de son côté, pourra continuer à travailler pour le concurrent, mais se verra interdire de solliciter son ancienne clientèle. Ainsi, la clause de non- sollicitation est très importante : dans de nombreuses situations, elle protégera les intérêts légitimes de l’employeur en préservant son achalandage tout en permettant de respecter le droit au travail de l’employé. Beaucoup moins à même de brimer la liberté de travail de l’ex-employé, sauf dans les cas où celui-ci gagne sa vie en effectuant des activités intimement liées à une certaine clientèle, comme un vendeur par exemple, la clause de non-sollicitation sera souvent un compromis satisfaisant pour tous.

Il n’est donc pas surprenant de constater que la présence, dans le contrat de travail, d’autres clauses permettant de protéger adéquatement les intérêts légitimes de l’employeur constitue un critère parfois soupesé par les tribunaux pour déterminer la validité d’une clause de non- concurrence. À cet égard, les auteurs Audet, Bonhomme et Gascon soulignent que «le fait que l’employeur dispose de d’autres formes de protection, tel un engagement de confidentialité, sera également pris en compte dans l’analyse de l’intérêt légitime que l’employeur est justifié de protéger»427. Il s’agit par contre d’un critère d’analyse plus subjectif, qui transparaîtra parfois en filigrane d’une décision, mais qui, à notre avis, devrait définitivement être considéré par les tribunaux comme un moyen efficace de protéger les droits et intérêts de toutes les parties en cause.

Ce critère sembla influencer la Cour supérieure dans la décision Société Laurentide Inc. c. Naud428. Ici, une clause de non-concurrence et une clause de confidentialité étaient toutes deux présentes dans le contrat de travail. Dans le cadre de la demande d’injonction interlocutoire, après avoir déclaré que la clause de non-concurrence semblait raisonnable en l’espèce, le juge indiqua, au niveau de la balance des inconvénients «qu’il importe de protéger les intérêts légitimes de Laurentide mais de ne pas porter atteinte de façon injustifiée et indûment à la liberté d’emploi d’Yves Naud»429. Pour réaliser cet équilibre, l’injonction demandée ne fut rendue que pour contraindre l’employé à respecter l’engagement de confidentialité. Il ne fut pas rendue en vertu de

426 À titre d’exemple, dans l’affaire Automatisation JRT inc. c. Gagné, préc., note 269, après avoir déclaré la

clause de non-concurrence déraisonnable, le juge se rabattit sur l’engagement de confidentialité pour interdire à l’ex-employé de solliciter les clients de l’employeur.

427 G. AUDET, R. BONHOMME et C. GASCON, préc., note 107, par 10.1.67 et 10.1.68. 428 Préc., note 295.

73 la clause de non-concurrence, permettant ainsi de protéger les secrets commerciaux de l’employeur tout en laissant l’employé continuer de gagner sa vie chez son nouvel employeur.

Il en fut de même dans un autre jugement430, où la balance des inconvénients concernant la clause de non-concurrence pencha en faveur de l’employé puisque l’obligation de confidentialité protégeait déjà adéquatement l’employeur d’un préjudice à ses intérêts légitimes431. Dans cette affaire, le juge indiqua aussi, lors de la détermination de la validité de la clause de non-concurrence, que celle-ci ne semblait exister que pour empêcher l’ex-employé de travailler, puisque les secrets de commerce de Toptech étaient amplement protégés par la clause de confidentialité432.

Dans l’affaire Groupe Biscuit Leclerc inc. c. Rompré433, la Cour supérieure examina plutôt cette question dans le cadre de l’analyse du préjudice sérieux et irréparable que pourrait subir l’employeur. Le tribunal indiqua qu’il n’était, à son avis, pas nécessaire d’obliger l’employé à cesser de travailler pour un compétiteur pour protéger adéquatement les intérêts de l’employeur, la confidentialité étant dans cette affaire le nerf de la guerre434. De la même manière, dans la décision

Deghenghi c. Ayerst, McKenna & Harrison Ltd.435, la Cour d’appel prit en considération le fait que l’entreprise était déjà protégée par un autre engagement de confidentialité pour déclarer que l’obligation de non-concurrence était déraisonnable et contraire à l’ordre public436. Récemment, dans l’affaire 9120-0204 Québec inc. (Orange Bleue) c. Émond437, la Cour du Québec nota que l’employeur avait un intérêt tout à fait légitime à protéger les recettes secrètes de son restaurant, mais que l’engagement de confidentialité suffisait amplement à faire respecter cet intérêt. La clause de non-concurrence en l’espèce était trop vaste et n’était donc pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’employeur438.

Un autre critère qui a parfois été pris en compte par les tribunaux est le fait que l’employé s’engage solennellement, lors de l’audience, à respecter ses obligations de confidentialité prévues à l’article 2088 C.c.Q. et à ne divulguer aucun secret de commerce, ou encore à ne pas solliciter directement les anciens clients de l’entreprise. Dans la décision GS/C Communication inc. c.

430 Toptech Groupe Conseil inc. c. Nancy Perron, préc., note 44. 431 Id., par. 60. 432 Id., par. 40. 433 Préc., note 425. 434 Id., p. 15 et 16. 435 D.T.E. 98T-518 (C.A.). 436 Id., p. 16 et 17. 437 Préc., note 320. 438 Id., par. 59.

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Maurice439, la Cour supérieure mentionna expressément que «l'employé s'[était] engagé à ne pas divulguer quoi que ce soit relativement aux soumissions, aux contrats et conditions de vente consentis à la clientèle de GS/C»440 et qu’il «s'[était] engagé à ne pas faire de sollicitation auprès des clients de GS/C (…) »441 avant de refuser la demande d’injonction de l’entreprise.