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4.3 Substrats lisses hydrophobes

4.3.1 Préparation des surfaces

Comme la rugosité à l’échelle moléculaire et le mouillage jouent un rôle – concerté ou non – dans la nature de la condition limite, il faut être capable d’étudier l’influence de chaque effet indépendamment. Le but poursuivi ici, la caractérisation du glissement, nécessite donc un contrôle de la physico-chimie des surfaces. Une bonne partie des essais pour parvenir à des surfaces hydrophobes raisonnablement lisses donne finalement les mesures présentées ci-dessous de «surfaces hétérogènes».

Le greffage d’organo-silanes a été très étudié mais sa mise en oeuvre de façon re- productible, délicate, demande des conditions opératoires bien contrôlées. Pour une bibliographie détaillée on pourra se reporter par exemple à la thèse de Schmatko [133], dont les mesures de glissement par FRAP (décrite au chapitre 2) sont réalisées sur des substrats d’une grande variété de composition et de forme ; ou on consultera la thèse de Davidovits [44] portant sur les aspects suivants de la silanisation : rôle de la température et de la nature de la chaîne carbonée sur les phases de couches greffées et la cinétique. Les différentes méthodes de préparation, et l’influence d’autres facteurs (quantité d’eau présente dans le solvant, température, procédé de préparation) sont également détaillés dans les articles [25, 51, 77, 117, 129, 137, 143]. La quantité d’eau est un paramètre clef, sa présence à la surface est nécessaire pour activer la réaction, mais trop d’eau dans le solvant favorise la condensation des molécules entre elles au détriment de la formation d’une couche sur le substrat [77]. La température est également importante, pour la ci- nétique et la structure de la couche obtenue, l’optimum pour une couche dense semblant se situer autour de 18◦C pour la molécule d’OctadecylTrichloroSilane (OTS) [25].

Le mécanisme de la réaction de silanisation est résumé sur la figure 4.5, l’utilisation d’un silane tri-fonctionnalisé permet une réticulation de la couche greffée.

Les trois protocoles suivis, qui ont permis d’obtenir des substrats hydrophobes, sont exposés dans les paragraphes suivants :

88 Chapitre 4. Résultats sur surfaces lisses hydrophiles et hydrophobes

Fig. 4.5: Principales étapes de la réaction de silanisation en phase liquide (d’après [133]).

– utilisation d’OTS en phase liquide, – greffage d’OTS en phase gazeuse,

– greffage de ChloroDimethylOctylSilane (CDOS) en atmosphère et solvant contrô- lés.

Pour tous les traitements, la préparation et l’activation des surfaces comprend comme pour les mesures sur substrats hydrophiles un nettoyage aux solvants (acétone, toluène, éthanol avec séchage sous flux d’azote) et un passage de quelques minutes au plasma à oxygène. Un nettoyage par une solution de «Piranha», mélange fraichement préparé d’acide sulfurique concentré à 98% (H2SO4, proportion 70%) et de peroxyde d’hydrogène à 20% (H2O2, proportion 30%), porté à 100◦C pendant 20 minutes est

parfois fait avant le plasma oxygène, mais la qualité des couches obtenues ne dépendant pas de la présence ou non de cette étape, elle a été supprimée du protocole. Le plasma génère probablement une densité suffisante de sites silanols —Si—OH pour l’obtention de couches hydrophobes.

Greffage inhomogène d’OTS

Les premières séries de mesures de glissement sur du verre rendu hydrophobe sont réalisées avec des surfaces préparées selon un greffage à 25◦C pour des solution d’OTS à une concentration de l’ordre de 10−3 mol/L dans du toluène (SDS, grade analytique), sans précaution particulière pour contrôler la quantité d’eau (la solution est en contact avec l’atmosphère), le temps de réaction variant de la minute à quelques heures. Les substrats obtenus présentent des angles de contact d’avancée et de reculée valant res- pectivement θa ≈ 110◦ et θr ≈ 90◦, soit une hydrophobie assez marquée. Cependant

l’hystérésis, assez important (20◦) pour toutes les conditions opératoires testées, pro- vient de l’inhomogénéité systématique du greffage, qui apparaît sur l’image AFM de la figure 4.6.

On peut voir des globules de quelques nanomètres de hauteur, d’une vingtaine de nanomètres de diametre (ces tailles allant jusqu’à 10 et 50 nanomètres respectivement sur certains substrats), la rugosité pic-à-pic constatée sur ces substrats est de l’ordre de la dizaine de nanomètres sur quelques microns carrés. Elle est bien supérieure à la taille typique des molécules d’OTS (2.3 nm), et provient essentiellement de la condensation des molécules entre elles avant ou pendant le greffage. L’origine probable est une trop grande quantité d’eau dans le solvant pendant la réaction, ou un début de polymérisation de la solution mère d’OTS antérieure à sa mise en contact avec le toluène, à cause de traces d’eau dans le récipient de stockage.

4.3. Substrats lisses hydrophobes 89 4.79 nm -1.42 nm 100nm 4.79 nm -1.42 nm 100nm

Fig. 4.6: Image AFM typique des surfaces où la silanisation donne un greffage inhomogène.

Nous avons tout de même effectué des mesures de glissement sur ces substrats hy- drophobes dont la rugosité moléculaire est importante et assez peu contrôlée mais peut être mesurée par AFM, les résultats sont présentés au paragraphe 4.3.2.

Greffage d’OTS en phase vapeur

Pour remédier à la condensation des molécules d’OTS greffées sur le substrat, nous avons choisi une réaction en phase gazeuse. L’OTS ayant déjà commencé à polymériser étant bien moins volatile que la molécule seule, on dépose sur le verre une couche mo- léculaire essentiellement composée de monomères. Le protocole consiste essentiellement à placer la surface fraîchement préparée dans une cloche à vide préalablement purgée à l’azote, à des pression et température de 0.1 mBar et 25◦C environ, pendant quelques heures, en présence d’une solution d’OTS déposée dans un verre de montre placé dans la cloche à vide. 100nm 2.54 nm -1.08 nm 100nm 2.54 nm -1.08 nm

r = 0.35 nm

Fig. 4.7: Image AFM en mode Tapping (image en amplitude) d’une surface de verre silanisé par de l’OctadecylTrichloroSilane (OTS) en phase vapeur.

Les angles de contact d’avancée θr ≈ 100◦ et de reculée θ

a≈ 110◦ de ces substrats

sont compatibles avec une densité raisonnable de greffage, et une rugosité bien plus faible que dans le cas précédent, visible sur l’image AFM 4.7, de l’ordre de 0.5 nm RMS.

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Silane monofonctionnel sous atmosphère inerte

La troisième voie adoptée pour éviter la présence d’agrégats à la surface a été d’uti- liser un silane mono-fonctionnel, moins sensible à la quantité d’eau présente, et une atmosphère inerte (de l’azote), en utilisant du toluène anhydre. La molécule retenue est le ChloroDimethylOctylSilane (CDOS), de formule chimique CH3—(CH2)7Si(CH3)2—

Cl, à 10−2 mol/L dans du Toluène. On introduit la surface nettoyée dans un réacteur sêché à l’étuve, on scelle le réacteur et un flux d’azote est mis en place. La solution de silane, préparée sous atmosphère inerte également, est introduite à la seringue à travers un septum pour éviter le contact à l’humidité de l’air. La réaction a lieu à 25◦C, pendant 8 heures environ. La figure 4.8 résume le protocole suivi.

septum

Flux d’azote

Solution

(CDOS, Toluène)

1. Introduction du substrat activé, fermeture du réacteur.

2. Mise en place du flux d’azote.

3. Introduction de la solution (CDOS, Toluène).

Fig. 4.8: Protocole suivi pour le greffage de ChloroDimethylOctylSilane.

Les angles de contact des substrats ainsi préparés sont θa≈ 100◦et θr≈ 90◦, un peu

inférieurs aux valeurs précédentes (la densité de greffage d’un silane monofonctionnel est généralement plus faible que celle d’un trichlorosilane par exemple) et la rugosité RMS déterminée à l’AFM (voir la figure 4.9) est de l’ordre de 0.4 nm.

Fig. 4.9: Image AFM d’une surface de Chlorodimethyloctylsilane (CDOS) obtenue par greffage en phase liquide sous atmosphère inerte.

Pour les trois surfaces précédentes, un bloc de PDMS où les canaux ont été moulé est apposé sur le substrat, après caractérisation par mesure d’angle de contact et imagerie AFM. Nous n’utilisons pas le collage plasma habituel à la microfabrication, pour ne pas risquer de détériorer l’hydrophobie de la surface de verre silanisé. L’étanchéité est tout de même suffisante pour travailler à des surpressions allant jusqu’à 200 mBar environ.

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